Twitter, l'indispensable auxiliaire agricole

« Il existe une réelle demande », insiste Carine Fuzat, future associée avec son époux et son beau-frère au Gaec de Fugières en Matheysine.
Depuis un an, elle anime les comptes Twitter et Facebook de son exploitation (@GAECdeFUGIERES).
L'objectif premier était la recherche de notoriété, car la ferme, qui élève des bovins lait et allaitants, est en vente directe pour la viande.
Mais Carine Fuzat s'est rapidement rendu compte combien la communication sur le métier suscite un énorme intérêt autour d'elle.
« Les gens sont peu au courant, ils demandent à voir. Et Twitter est un bon moyen de montrer notre façon de travailler, qui valorise nos produits, avec des photos et des vidéos. »
Un post de veau et la conversation s'engage sur l'élevage bovin. Les travaux des champs, à la ferme, la qualité des terres, de la viande : tous les sujets sont traités au fil des tweets, en toute transparence.
« J'aime aussi publier des choses qui peuvent amener à se poser des questions », ajoute Carine Fuzat.
Elle reconnaît qu'elle est encore novice sur le réseau, que l'animation est chronophage si l'on veut s'y plier régulièrement, mais apprécie l'échange et la proximité qu'offre le fil Twitter.
Communauté d'intérêts
En Isère, les agritwitters sont encore très timides. Ils se comptent sur les doigts d'une main. Et certains sont beaucoup plus actifs que d'autres.
Au départ, les attentes peuvent être différentes.
Les exploitations en vente directe y voient une vitrine qui leur permet de renforcer leur présence en ligne, en appui d'un site internet ou d'une page Facebook.
Ceux qui exercent des responsabilités professionnelles se servent de la plateforme comme d'une veille d'informations politiques, syndicales, professionnelles ou techniques.
D'autres se sentent directement interpelés par la société et redoublent d'envie de communiquer sur leur métier.
« Notre métier est mis à mal en ce moment »
A l'arrivée, tous découvrent une communauté d'intérêt, certes virtuelle, mais dont il n'est pas si compliqué de franchir le pas vers la vraie vie.
« Nous avions une page Facebook, essentiellement pour montrer ce qu'on faisait aux copains et à la famille, explique Agathe Lassalle, associée du Gaec aux Pis du By à Saint-Georges-d'Espéranche (@GAECAuxPisDuBy). Puis j'ai suivi une formation sur les réseaux sociaux au Criel et créé un compte Twitter il y a un an. »
La ferme compte un troupeau de 125 laitières montbéliardes. Le volet commercial ne peut être la première motivation.
« Sur Twitter, on touche un réseau professionnel agricole et de journalistes, souligne la productrice. Je veux montrer ce qu'est l'agriculture aujourd'hui d'une façon compréhensible du grand public. Car notre métier est mis à mal en ce moment. »
Le Gaec aux Pis du By, qui a été ferme pédagogique, a toujours pris soin de communiquer avec la société. « Je reprends le flambeau avec Twitter », ajoute la nouvelle agricultrice.
Impact positif
Le réseau, avec sa rapidité de diffusion, lui donne les moyens « d'avoir un impact positif ».
Sur son fil d'actualités, la timeline ou TL, Agathe Lassalle raconte Sa façon de faire de l'agriculture, « qui n'est pas forcément celle que l'on voit dans les reportages télévisés ».
En retour « les gens aiment, ils font des commentaires, c'est interactif ». Ainsi, les internautes sont invités à donner un prénom à chaque nouvelle naissance de vache.
« Par rapport à tout ce qu'on entend sur nous, il faut occuper l'espace et rétablir des vérités. Le faire à son petit niveau. »
Ce travail d'information et de vulgarisation, « avec des trucs sympas captés sur le moment », a permis à la twitteuse de retrouver une communauté d'agriculteurs et de para-agriculteurs où les échanges vont bon train.
Certains apprécient tellement qu'ils ont créé l'association Franceagritwittos. Un exemple de concrétisation de ces réseaux informels et sans frontière, qui puisent leur force et leur dynamique de l'agilité apportée par le net.
L'agriculture observait jusqu'alors un retard en termes de communication, qu'elle est en train de combler.
« L'avantage de Twitter est de délivrer une information rapide et instantanée. »
« Cependant, il faut réussir à faire la part des choses », temporise Aurélien Clavel (@AurelienCLAVEL) membre du bureau national JA, un des premiers en Isère à avoir utilisé le réseau Twitter « pour communiquer sur notre engagement, dans notre réseau et auprès des politiques et des médias ».
Le phénomène Twitter fait l'objet de toutes les attentions du syndicat JA, qui en a fait un des thèmes de son rapport moral 2016, invitant les agriculteurs à « parler de leur métier sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et Instagram ».
Si Facebook reste assimilé à un cercle convivial, en revanche, Twitter a acquis son statut de réseau professionnel, tandis qu'Instagram demeure dans une forme de communication esthétique pour les uns ou juvénile pour les autres.
« L'avantage de Twitter est de délivrer une information rapide et instantanée, poursuit Aurélien Clavel. Mais il faut faire attention à ce que le fil ne soit pas pris pour une tribune », prévient-il.
C'est ce qui est arrivé à l'issue du Global Food Forum, qui s'est déroulé en juin dernier à Villard-de-Lans, où une certaine mouvance a interpelé les participants avec virulence et caricature via le fil Twitter.
Soigner sa communication
La réponse à ce type d'interpellation est d'ailleurs traitée dans le cadre des formations mises en place par le Cniel.
« C'est une stratégie douce, indique Noëlle Paolo, responsable des études. Depuis 2010, les études que nous réalisons font le constat d'un effritement de la confiance et de l'image du métier lié à la diffusion, sur les réseaux sociaux, de plus en plus de discours militants. »
En face, les agriculteurs sont peu nombreux et peu formés pour répondre, et le grand public a une très grande méconnaissance de la réalité du métier.
Pour accompagner les agriculteurs « à être meilleurs souscripteurs », le centre a mis en place des petites formations « pour que les gens qui ont envie de venir se sentent à l'aise avec les réseaux sociaux ».
« Répondre une fois, deux fois, voire trois, après le débat est stérile. »
Améliorer sa page Twitter, capter de bonnes images ou vidéos, soigner sa communication et enfin prendre part au débat lorsqu'on est remis en cause par des militants de tous crins sont autant d'éléments qui permettent aux agriculteurs de prendre confiance en eux.
« Certains ont envie de se confronter avec les militants anti-élevage ou lorsqu'il y a des émissions à charge, constate Noëlle Paolo. Le Cniel donne la méthode : répondre une fois, deux fois, voire trois, après le débat est stérile. »
Le risque est de se faire repérer et de devenir une cible sur un réseau où le buzz fait partie du jeu.
Tout est dans la subtilité de la communication.
Et plus le réseau s'étoffera et mieux la communication positive passera.
Pour Noëlle Paolo, la sensibilisation du grand public viendra avec cette dynamique. « On voit que certains éleveurs sont repérés par les médias, prennent part à la discussion, ce qui élargit forcément le débat au grand public. »
Isabelle Doucet
Tendances / Le réseau cherche à recréer du lien entre agriculteurs et consommateurs.Le phénomène Franceagritwittos
Au départ, c'était presque une plaisanterie : quelques agriculteurs et professionnels exerçant dans le milieu agricole, habitués des réseaux sociaux qui se retrouvent IRL (in real life, dans la vraie vie) et se disent que ce serait bien de mieux se rencontrer.Après un an de gestation, l'association @Franceagrittwitos est née en novembre 2017, captant en deux mois plus de 2 500 abonnés sur son fil Twitter.
Le propos est simple : recréer du lien direct entre les agriculteurs et avec les consommateurs en parlant concrètement du métier.
Cyrille Champenois (@cyr081), cultivateur dans les Ardennes et président du jeune réseau, est conscient qu'il y a là un terrain jusqu'alors inoccupé par le monde agricole, « alors que tout ce qui peut exister est connoté ».

Face à l'activisme sur Twitter, les agritwittos essaient d'apporter une réponse positive.
« Nous ne recherchons pas la confrontation. Tant que les échanges restent cordiaux, nous arrivons à discuter simplement et voir que nous ne sommes pas si éloignés que ça ».
L'exemple type est celui du bien-être animal. « Nous montrons la réalité : non, les vaches ne sont pas maltraitées. »
Des sujets à la pelle, de plus en plus d'intervenants : pour Cyrille Champenois, les échanges sur Twitter sont un enrichissement, même si la veille et l'administration prennent du temps.
« Il est un cran au-dessus des autres réseaux », poursuit le président.« Tout se passe sur Twitter »Kévin Moity (@kevmoity), en charge des relations publiques pour le réseau Franceagritwittos, souligne l'interactivité qu'offre le fil Twitter.
« Lorsqu'on pose une question, il est très facile d'obtenir une réponse. »
Pour lui : « tout se passe sur Twitter ». Du dernier texte de loi, à la date des semis, il suffit de jeter un œil sur le fil.

Car le réseau social revêt bien une double utilité : l'échange de bonnes pratiques entre professionnels et la communication avec le grand public.
Seul problème, le petit oiseau est doté d'un algorithme qui favorise les échanges entre ceux qui interagissent déjà.
« La seule solution, pour ne pas louper une info, c'est d'aller vers les mots clés* », reconnaît Cyrille Champenois qui désire, avec son conseil d'administration, développer les interventions IRL, en direction des agriculteurs, pour renforcer le réseau et démultiplier les témoignages et les échanges.
* Les hashtags #franceagritwittos, #ceuxquifontlelait, #ceuxquifontlaviande sont ainsi régulièrement utilisés
Six conseils pour bien démarrer sur Twitter1. Créez votre compte tout simplement en indiquant votre mail et choisissez un pseudo court et facilement identifiable. Remplissez bien votre biographie et intégrez une photo de profil.2. Suivez quelques comptes de votre secteur d’activité, mais allez-y progressivement.3. Retweetez les tweets que vous jugez intéressants, commentez-les pour susciter de l’engagement.4. Rédigez vos propres tweets (relayez l’actualité de votre secteur, par exemple) en pensant à bien intégrer des hashtags et, si possible, une photo (les tweets avec photos sont davantage cliqués)5. Pensez à suivre une certaine ligne éditoriale et ne mélangez qu’exceptionnellement vie pro et vie privée.6. Enfin, rendez-vous sur Twitter plusieurs fois par semaine, à la fois pour lire les tweets des comptes que vous suivez (et les retweeter éventuellement) et pour partager vos propres tweets.Par Fabienne Combier, spécialiste des réseaux sociaux