RAVAGEURS
Le frelon asiatique, un vrai péril jaune

Mobilisé tout au long de l’année 2020 pour combattre le frelon asiatique, le Groupement de défense sanitaire de l’Isère a opté pour une stratégie d’intervention et de sensibilisation vis-à-vis de la progression exponentielle du frelon asisatique en isère. La période de lutte la plus efficace vient de commencer : de février à mai. Les signalements doivent être faits très rapidement pour détruire les nids existant ou en construction.

Le frelon asiatique, un vrai péril jaune
Très souvent à hauteur respectable dans les arbres, les nids de frelons asiatiques ne présentent pas un danger immédiat. Mais ce sont des insectes qui n'hésient pas à attaquer si on secoure l'arbre ou si on passe trop près. Les conséquences de leurs piqures peuvent alors être extrêmement graves.

L’Isère ne comptait que 27 nids de frelons asiatiques en 2019 avant de connaître le raz-de-marée de 2020 : « C’était du jamais vu ! », confie Adeline Moyne-Picard, responsable de la section apicole du GDS 38. Le département n’est historiquement pas celui le plus touché par l’espèce mais certains signes laissaient présager son développement tôt ou tard. D’après les statistiques transmises par le Groupement de défense sanitaire de l’Isère, la Drôme a vu multiplier par dix son nombre de nids entre 2015 et 2018, passant de
24 à 236. Le frelon asiatique a rapidement remonté le fleuve du Rhône et les berges de l’Isère pour faire sa place dans le territoire isérois. Pour que la lutte sur le terrain soit efficace, les moyens la section apicole dépend en grande partie du budget alloué par ses partenaires financiers. Avant cette année difficile, le Département prenait en charge 50 % des frais d’intervention du désinsectiseur auxquels venaient s’ajouter la contribution des communautés de communes. Une équation financière jusqu’alors efficace pour l’organisme qui n’avait jamais été autant mobilisé contre le frelon asiatique. Sa présence massive en 2020 a poussé le GDS 38 à employer de nouveaux moyens pour lutter face aux 376 nids déclarés durant l’année. Les conventions signées avec les communautés de communes les plus touchées n’ont pas permis de couvrir tous les coûts d’intervention et le GDS a dû avancer des frais pour agir en urgence sur certains secteurs : « En octobre, nous avions déjà dépassé les
1 500 euros de budget octroyés par chacune de la quasi-totalité des intercommunalités. Nous avons dû prendre en charge une partie des financements car ils n’ont pas pu voter un nouveau budget dans l’immédiat », explique Adeline Moyne-Picard. Arrivés en 2005 dans l’ouest de la France, les frelons asiatiques occupent aujourd’hui l’ensemble de l’Hexagone. Mais les disparités restent plus ou moins grandes selon les départements.

Ecouter la carte blanche de Terre Dauphinoise sur France bleu Isère sur l'expansion du frelon asiatique


« Une très grosse année »

En 2020, le GDS 38 a dû repenser ses interventions en engageant cinq dé2sinsectiseurs supplémentaires. Grégoire Picquendar est mobilisé depuis 2018 avec la filiale Farago pour lutter
face aux frelons asiatiques. Il est celui qui est le plus intervenu sur le terrain l’année dernière : « Un nid placé à vingt mètres du sol est souvent plus simple à gérer qu’un nid au niveau de ma tête, raconte-t-il : Grâce à un manche télescopique, j’injecte facilement l’insecticide. Lorsqu’un nid se trouve devant moi, les frelons ne sont pas pris par surprise et deviennent agressifs ». Grégoire s’est habitué à ne pas être le bienvenu autour de leur habitat mais il reconnait qu’il est « toujours surpris par l’incessant bruit du bourdonnement et des impacts qui
s’abattent sur la combinaison ». Son équipement est spécifiquement conçu pour se protéger de l’espèce. Contrairement aux frelons européens ou aux guêpes qui nécessitent une grille devant le visage, le désinsectiseur doit se munir d’une vitre pour se protéger du venin lâché à distance par le frelon asiatique.

Sensibiliser la population

Adeline Moyne-Picard l’avoue, l’année écoulée a été rythmée par les appels téléphoniques auprès de toutes les mairies du département pour connaitre la situation du frelon asiatique dans les localités.
La responsable de la section apicole du GDS 38 joue la carte de la pédagogie pour rassurer les habitants : « Les mairies doivent être sensibilisées sur le sujet pour expliquer aux gens qu’il ne faut pas paniquer. Le frelon asiatique n’est pas plus dangereux que le frelon européen et beaucoup de personnes l’ignorent ». Pour alerter sur la présence du frelon asiatique,
le Groupement de défense sanitaire Auvergne-Rhône-Alpes a mis en place une plateforme de signalement (frelonsasiatiques.fr).

Pour 2021, la section apicole de l’Isère espère pouvoir compter sur la participation de la population pour « cette prise de conscience collective ».

Antoine Lorigeon

 

Pour signaler des nids à n'importe quel moment de l'année : https://www.frelonsasiatiques.fr/ ou sur la page directement : cliquer ici

Muriel Cathaud a vu plusieurs de ses ruches détruites par la présence du frelon asiatique.

ATTAQUE / Alors qu’elles s’étaient montrées actives jusqu’à la sortie de l’été, le nombre d’abeilles de Muriel Cathaud a été divisé par trois en fin d’année après les intraitables offensives du frelon asiatique.

A l’Isle-d’Abeau, les abeilles grandes victimes du frelon asiatique

 

«Observer une attaque reste spectaculaire », confesse Muriel Cathaud, encore troublée à l’idée de se remémorer ce qu’ont vécu ses abeilles il y a trois mois. L’apicultrice amateure de 62 ans a connu une terrible fin d’année 2020 lorsque le frelon asiatique s’en est pris à ses ruches. Deux tiers des abeilles ont disparu « comme neige au soleil » entre septembre et novembre, soit l’équivalent de 27 000 unités sur un total de 40 000. Elle redoute le moment de la réouverture de ses ruches pour vérifier l’état des colonies ravagées :
« Dès les premiers jours, je me suis rendue compte de la violence que c’était », souligne Muriel Cathaud, avant de décrire le passage à l’action du frelon asiatique dans son jardin : « D’abord il se fait remarquer et tourne autour d’une ruche, il passe dessous puis au-dessus. Il va ensuite aborder une position stationnaire en l’air, à l’image d’un avion. C’est là qu’il identifie sa proie avant de se jeter sur elle », détaille la chimiste de formation devenue entrepreneuse dans les compléments alimentaires naturels. Si le passage à l’action du frelon est soudain, celui-ci s’isole par la suite pour découper l’abeille et ramener dans son nid les éléments nutritifs nécessaires à la vie de sa colonie. Un mode opératoire qui s’est répété tout l’automne.

Optimiste mais vigilante

Muriel Cathaud est tombée dans le monde des abeilles durant son enfance. Son grand-père, agriculteur dans les montagnes du Queyras, lui a donné l’envie de se lancer dans l’apiculture. Faute de temps, son rêve ne s’est réalisé qu’il y a six ans seulement. Elle veut croire à une année 2021 bien meilleure que la précédente : « Je suis délibérément optimiste », avoue-t-elle, mais elle reste consciente qu’un facteur important déterminera l’avenir de ses onze ruches : la météo. « Si nous devons faire face à un hiver aussi doux que celui que nous avons vécu il y a un an, alors celles qu’on nomme les fondatrices se réactiveront dès février pour créer des nids et de nouvelles colonies », prévient l’apicultrice. En plus du frelon asiatique, viennent s’ajouter d’autres problématiques connues pour les abeilles. Les maladies causées par les acariens dévastateurs comme le varroa, sont devenues « les ennemis publics numéro 1 » de Muriel Cathaud.

Vers une lutte collective ?

Si l’apicultrice entretient l’espoir de voir une belle année se dessiner, elle sait que les efforts devront être conjoints pour lutter contre le frelon asiatique. Membre du syndicat apicole L’abeille Dauphinoise et référente frelon asiatique du Nord-Isère, Muriel Cathaud est pleinement engagée dans les actions à mener. Une des principales réflexions pour 2021 sera de former les apiculteurs à créer des pièges à frelons : « Quand on parle du frelon asiatique, on parle forcément des abeilles. Il faut sensibiliser à la fois les apiculteurs pour leur permettre d’aider à lutter, mais aussi le grand public qui doit signaler la présence de nids pour planifier rapidement une intervention des professionnels », préconise-t-elle. L’apicultrice reconnait que les changements climatiques favorisent une prise de conscience collective sur la gestion de la nature : « On sent que les gens commencent à se préoccuper de ces questions. On a tous un rôle à jouer dans le respect de l’environnement et la préservation des abeilles en fait partie ». n

AL
Les détails d’une année historique
Adeline Moyne-Picard est suit la section apicole du Groupement de défense sanitaire du cheptel de l'Isère (GDS 38). Elle coordonne la lutte contre le frelon asiatique.

Les détails d’une année historique

298 nids : 2020 fut une année de destruction record pour les intervenants du GDS 38.
298 nids ont été détruits contre seulement 27 en 2019, ce qui démontre l’explosion du
nombre de foyers dans le département : « La lutte contre le frelon asiatique n’a jamais été
aussi importante que cette année. Le mois de novembre fut compliqué, nous avons reçu
150 signalements. Il en reste 59 pour lesquels nous n’avons pas encore eu le temps
d’intervenir », explique Adeline Moyne-Picard, responsable du secteur apicole au
GDS de l’Isère.


1 espace de déploiement : Les interventions du GDS en 2020 ont permis à la
section apicole de définir le principal lieu où le frelon asiatique se développe. Si sa
présence dans les marécages de la Plaine de Lyon fut fortement signalée, c’est
principalement le long des cours d’eau que son impact fut le plus incisif. Dans la
vallée du Rhône, de Vienne à Chanas, sur les berges de l’Isère, de Vinay aux portes
de la Drôme, aux abords des deux Guiers en Chartreuse : « Ce qui est intéressant à
observer, c’est qu’il ne monte pas en altitude pour vivre. Il reste dans les vallées »,
analyse la secrétaire de la section apicole.


10 000 euros d’intervention : C’est la somme déboursée par la section apicole du
GDS 38 pour la communauté de commune du Sud-Grésivaudan. Les foyers sont
présents autour de Saint-Marcellin : « C’est la zone la plus touchée du département.
Les frelons remontent de la Drôme et s’installent dans les noyers, ce qui constitue
une menace pour les nuciculteurs et pour la récolte des noix », souligne-t-elle.


10 désinsectiseurs : Cinq désinsectiseurs font partie de la section apicole mais
les nombreuses demandes d’interventions l’ont contrainte à faire appel à cinq professionnels
supplémentaires : « Lorsque des nids de plus d’un mètre de diamètre
nous sont signalés, nous devons intervenir très rapidement sur place. Travailler
avec des désinsectiseurs indépendants nous a permis d’éviter de se faire dépasser
par le nombre de cas », constate Adeline Moyne-Picard.