Dans un rapport remis au gouvernement le 22 mai, la Cour des comptes recommande une réduction importante du cheptel français, quitte à provoquer un tollé général dans le monde agricole.
Le rapport de la Cour des comptes de 140 pages intitulé « Les soutiens publics aux éleveurs de bovins » n’est ni plus ni moins qu’une violente charge contre l’élevage français. Les magistrats financiers dressent un constat édifiant de la production de lait et viande du territoire et appellent clairement à « piloter la réduction à venir du cheptel bovin ».
Problème de société
« À raison de 4,3 milliards d’euros (Md €) d’aides publiques par an, l’élevage bovin demeure, de loin, l’activité agricole la plus subventionnée en France. Pour autant, le modèle économique des exploitations d’élevage apparaît fragile et sa viabilité reste dépendante du niveau élevé d’aides publiques », soulignent les hauts magistrats. Les critiques fusent au fil des pages : « des exploitations moins nombreuses et toujours plus grandes » ; « maintien d’un modèle familial recourant peu à l’emploi salarié » ; « un poids élevé des consommations intermédiaires importées » ; « un niveau de soutien public très élevé » ; « des exploitations peu performantes et des revenus qui restent faibles » ; « un bilan climatique défavorable » etc. Rares sont les points positifs qui émaillent ce rapport, à part peut-être le fait que la Cour reconnaît à l’élevage un rôle « essentiel pour la maîtrise équilibrée des cycles biogéochimiques » qu’il constitue un marqueur « dans l’économie et l’identité des territoires ». Dans une annexe de fond de rapport et du bout du stylo, les magistrats évoquent rapidement la question des « éleveurs en difficulté : un problème de société et un enjeu pour l’avenir de l’élevage ». Ce rapport majoritairement à charge contre l’élevage ne fait état que de deux recommandations (lire encadré).
« Vraie blessure »
Ce rapport fait réagir. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau a déclaré le 23 mai que les agriculteurs étaient « particulièrement agacés du procès qui est fait à l'élevage français » ressentant comme une « vraie blessure » la recommandation de la Cour des comptes de réduire le cheptel bovin. La Fédération nationale bovine (FNB) dans un communiqué du 23 mai s’inquiète du recul de la production française : « les importations de viande bovine ont bondi de plus de 23 % en 2022 par rapport à 2021, une tendance qui se poursuit sur les premiers mois de 2023 ». Cette information est d’ailleurs corroborée par Alessandra Kirsch, directrice des études d’Agriculture Stratégies qui interpelle la Cour des comptes sur son compte Twitter : « Trop d'élevage en France, vous êtes sûrs ? La tendance est catastrophique (je pèse mes mots) : notre taux d'auto-approvisionnement est passé en 2022 à 90 %. Nous ne sommes plus autosuffisants en viande bovine », insiste-t-elle. Le sujet s’est invité à l’Assemblée nationale où le député Xavier Breton (LR, Ain), a interpellé, le 23 mai, la Première ministre, Élisabeth Borne lors de la séance de question au gouvernement : « À quoi cela sert-il d’aller au Salon de l’Agriculture pendant de longues heures, à la rencontre de nos éleveurs si c’est pour mieux les poignarder dans le dos ? ». C’est Rolland Lescure, ministre de l’Industrie qui a répondu au parlementaire : « Que cela ne vous en déplaise, la consommation de viande diminue et il faut moins de viande. Nous accompagnons la filière dans cette direction. Il y a aucune raison de se mettre la tête dans le sable comme le font les autruches », a-t-il affirmé.
Christophe Soulard
Les deux recommandations au ministère
Recommandation n° 1 : Mieux accompagner les éleveurs les plus en difficulté en développant un dispositif d’aides à la reconversion sur la base de cahiers des charges publics et précis, définis en cohérence avec les objectifs économiques, environnementaux et sociétaux affichés.
Recommandation n° 2 : Définir et rendre publique une stratégie de réduction du cheptel bovin cohérente avec les objectifs climatiques du « Global Methane Pledge » signé par la France, en tenant compte des objectifs de santé publique, de souveraineté alimentaire et d’aménagement du territoire.