Entre chiens et loups
A récit commun, responsabilités communes
Le Parc naturel régional du Vercors est à l’origine du « récit commun » destiné à un meilleur dialogue entre usagers de la montagne.
« Quand il y a de la prédation, la misère, c’est pour les éleveurs, quand il y a des problèmes avec un chien de protection, la misère, c’est pour les éleveurs. Depuis plusieurs décennies, tout le monde est favorable à la présence du loup, mais seuls les éleveurs ramassent les morceaux. » Pascal Ravix est éleveur à Lans-en-Vercors. Son troupeau de 1 000 brebis gardé par six chiens de protection monte en alpage au pic Saint-Michel, un lieu ultra-fréquenté par les randonneurs.
Il a fait le choix de participer aux travaux pilotés par le Parc naturel régional du Vercors et destinés à élaborer un « récit commun » afin de faire face aux situations de tension générées par les moyens de protection des troupeaux face à la présence du loup. Il s’agit surtout des difficultés liées aux chiens de protection.
Pascal Ravix
« Face au nombre de loups, il faut équilibrer avec des meutes de chiens, assure encore Pascal Ravix. Mais quand on est éleveur, que l’on a des chiens de protection et qu’on habite dans un village, on passe pour le gros con qui emmerde tout le monde. »
Il explique qu’un chien de protection a beau être sociabilisé, habitué à l’homme, une fois qu’il subit un affrontement avec un loup, qu’il est sous stress, son comportement se modifie.
Il considère le récit commun comme « un premier pas pour faire toucher du doigt à la société la question de la gestion de la prédation par les éleveurs ».
« Le problème, c’est le loup »
Parmi la cinquantaine de personnes qui ont participé pendant trois ans aux échanges entre usagers de la montagne, quelques éleveurs ont collaboré de façon individuelle. Seule la Fédération des alpages de l'Isère a porté une voix professionnelle.
Côté Drôme, JA, FDSEA et FNO ont d’ailleurs émis quelques remarques concernant ce récit qualifié de « symbolique » alors que « que des exploitations meurent des conséquences économiques ou psychologiques de la prédation. Une institution comme le Parc du Vercors, outil de développement de nos territoires, doit participer activement à garantir la survie de l’élevage agropastoral qui fait la richesse de ce territoire avant que tous les éleveurs aient vendu ou transformé leurs fermes en chambre d’hôtes ! »
Le fait que toutes les activités soient mises au même niveau dérange les professionnels.
Guy Durand, éleveur dans le Vercors et administrateur de la FDSEA de l’Isère, se montre très réservé quant à ce récit commun. « On a l’impression que le parc se positionne systématiquement du côté des défenseurs de l’environnement. » Il rappelle que « le problème, c’est le loup ».
Mettre des limites
« Je ne vois pas ce que le loup fait pour la biodiversité, s'étonne Guy Durand. Est-ce que l’on veut que nos bêtes cessent d’aller en alpage, qu’on fauche les prés et qu’on leur donne à manger en grange, en élevage hors-sol, ce qui va à l’encontre des idées défendues par les écologistes ? »
S’il est d’accord avec une communication grand public autour de la problématique du loup, il cible les élections européennes pour une prise de conscience supra nationale « car le pastoralisme, qui est une agriculture modèle, est nettement remis en cause par la présence du loup et qu’il convient de mettre des limites à cet animal ».
Il est vrai que l’Europe a commencé à se pencher sur la question puisque c’est cette institution qui a financé cette plateforme de réflexion « là où il y a des conflits sur la coexistence des humains et des grands carnivores », comme l’indique Delphine Dupeux, directrice de l’association support ELO (1). Le montant du programme s’élève à 40 000 euros.
Au moment de la restitution du document du récit commun, le 13 juin à Lans-en-Vercors, tous les acteurs se félicitaient de la capacité de dialogue et d’apaisement « autour d’un sujet brûlant », qu’il avait généré.
Jacques Adenot, le président du parc a insisté sur « le pastoralisme, présent depuis plus de 1 000 ans, qui fonde l’identité et les paysages du Vercors. L’existence de l’élevage est un élément majeur du massif sur le plan économique, social et environnemental ».
Le vice-président du parc, Michel Vartanian, plaide pour « partager la responsabilité » des chiens considérés comme « coupables » des déséquilibres engendrés depuis qu’ils sont présents pour protéger les troupeaux.
« S’il y a des chiens de protection, c’est qu’il y a du loup », partagent les OPA, le prédateur restant le principal responsable du déséquilibre, voire de la menace qui pèse sur le pastoralisme, estiment les éleveurs.
Isabelle Doucet
(1) Il y a près de 800 exploitations agricoles dans le parc du Vercors (Isère et Drôme), la plupart avec un atelier élevage. L’alpage des Hauts-Plateaux accueille environ 16 000 brebis. Il y en aurait entre 20 et 25 000 brebis dans l’ensemble du territoire.
(2) ELO pour European Landowners' Organization, représente les propriétaires européens ruraux.
Berger d'Anatolie
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