Abattoirs
Maintenir l’activité économique des abattoirs

Morgane Poulet
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Afin de pérenniser leur activité, le gouvernement se lance dans des travaux de maillage des abattoirs.

Maintenir l’activité économique des abattoirs
Nicolas Holleville, chef du Bureau des établissements d'abattage et de découpe, a détaillé la volonté du gouvernement de créer un maillage des abattoirs en France pour pérenniser leur activité économique.

Depuis quelque temps, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation se penche sur des travaux de maillage des abattoirs afin de pérenniser leur activité et leur venir en aide lorsque cela est nécessaire. Lors du congrès de la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de services (FNEAP), qui s’est tenu à Voreppe (Isère) les 15 et 16 juin, Nicolas Holleville, chef du Bureau des établissements d’abattage et de découpe (BEAD) à la Direction générale de l’alimentation, a fait part aux congressistes de la stratégie que souhaite adopter le gouvernement.
 
Une nécessaire adaptation
 
« Un effet ciseaux met en difficulté les abattoirs, avec à la fois une décapitalisation de l’élevage et une augmentation du coût de l’animal vivant », explique Nicolas Holleville, citant notamment le cas des bovins, de plus en plus chers lors de l’achat. D’autant plus que l’énergie devient le troisième poste de dépense en industrie agroalimentaire alors qu’elle était auparavant le cinquième. Les matières premières et les salaires sont respectivement les premier et deuxième postes de dépense.
« Nous dépensons actuellement trop par rapport au nombre d’animaux à abattre sur le territoire français », précise-t-il. C’est pourquoi le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation se demande quelle est la place de l’abattoir dans le tissu économique local. Dans les années 2010, un plan abattoir formalisait la nécessité ou le manque d’intérêt à construire un abattoir dans tel ou tel endroit. « Aujourd’hui, l’implantation d’un abattoir est soumise à l’évolution du marché et à la volonté des politiques locales », ajoute Nicolas Holleville.
Et pour assurer la rentabilité d’un tel outil, il est nécessaire d’assurer un certain volume d’abattage, comme le confirment les adhérents de la FNEAP. Anthony Deshaies, directeur de l’abattoir de Craon (Mayenne), explique que depuis 2021, l’activité de son abattoir croît énormément. « L’outil repose sur 2 700 tonnes, mais nous allons terminer à 3 000 tonnes car il y a de la demande. » Certains abattoirs peuvent se retrouver en surcapacité, c’est-à-dire qu’ils peuvent descendre sous leur seuil de rentabilité. « Il faut donc s’attendre à ce que des abattoirs soient en difficulté financière et c’est dans ce cadre que nous nous demanderons s’ils remplissent un rôle économique local ou pas. Si un abattoir ferme, cela libère du tonnage pour les outils environnants, ce qui peut les aider », ajoute Nicolas Holleville.
 
Un maillage pertinent
 
Un maillage des abattoirs pourrait s’avérer utile pour répartir au mieux les tonnages dans les territoires. Un plan à trois axes est ainsi en cours d’élaboration. Le premier point est celui du diagnostic, qui devra déterminer quel est le maillage du territoire le plus pertinent en matière d’abattoirs. Chaque Draaf le réalisera, en lien avec les zones d’élevage. Le diagnostic se fera aussi sur la base d’un cadrage élaboré au niveau national. Une dimension prospective devra être incluse pour intégrer de possibles évolutions en termes de densité d’élevage ou encore de développement d’outils complémentaires, comme les abattoirs mobiles.
Une grille d’évaluation sera mise au point à partir de critères multiples. Ils porteront notamment sur des points économiques, sanitaires ou bien concerneront la gouvernance de l’abattoir concerné.
Enfin, une « boîte à outils pour accompagner un abattoir en difficulté » sera créée. Son but est de « sensibiliser Bercy à l’importance des abattoirs, à leur rôle d’intérêt général, à leurs difficultés économiques et à leurs besoins de soutiens financiers », ajoute Nicolas Holleville.
Marc Fesneau devrait communiquer à ce sujet le 6 juillet prochain, car il compte rassembler les professionnels pour mettre au point le plan.
L’objectif est de commencer le travail de maillage territorial en septembre pour un aboutissement à la fin de l’année. « Si l’Etat doit investir de l’argent pour soutenir un abattoir, il devra le faire en se reposant sur des critères objectifs, pertinents, et pas à perte, complète le chef du BEAD. Nous sommes convaincus que les abattoirs répondent à des enjeux de société. »

Morgane Poulet
Un contexte difficile
Des directeurs d’abattoir ont fait part des difficultés que connaissent actuellement les abattoirs.
Filière

Un contexte difficile

Alors que le gouvernement met en place un plan pour soutenir les abattoirs, la situation que ces derniers connaissent actuellement se complique.

Au cours du congrès de la FNEAP, les directeurs d’abattoir ont fait part de leurs inquiétudes pour l’avenir de leur outil. Alexis Ferreira, directeur de l’abattoir de Chambéry, explique qu’il y a dans la Haute-Savoie un abattoir public, celui de Megève. « Il est en grande souffrance car après avoir fait passer son activité de 400 à 800 tonnes, il s’est effondré économiquement parlant. » Selon lui, les tarifs pratiqués par l’outil ne sont pas adaptés et « des problématiques humaines en termes d’investissement n’ont pas été faites en temps et en heure, ce qui a conclu à la fermeture administrative de l’abattoir pendant trois semaines ». Une étude mandatée auprès d’un cabinet privé a affirmé que le tonnage représenté par Megève pouvait être aspiré par les abattoirs de l’Ain pour les ovins, de Chambéry pour les porcs et de Bigard en Haute-Savoie pour les bovins. Le département haut-savoyard souhaite tout de même implanter un nouvel outil public. « Notre inquiétude porte sur le risque qu’au lieu d’avoir un abattoir boiteux, il pourrait y en avoir trois, c’est pourquoi le maillage territorial est pour nous un enjeu majeur. »
 
Diversité compliquée
 
Pour de nombreux abattoirs, le problème réside dans le fait que de plus en plus d’ateliers de chèvres et d’agneaux doivent être ouverts. A Craon, Anthony Deshaies doit « refuser de prendre des animaux à l’abattage, ce qui conduit les éleveurs d’ovins et de caprins à se demander ce qu’ils doivent faire de leurs bêtes ».
Lorsque l’abattage est refusé, c’est souvent parce que l’équilibre entre le service rendu aux éleveurs et le volume à sortir pour être rentable n’est pas là. « Je suis obligé de prendre un certain volume de bovins et de veaux, mais je ne suis pas en capacité de prendre de petites espèces, or, les agneaux et les chevreaux représentent aujourd’hui une perte économique pour les structures. »

MP