Irrigation
De nouveaux réseaux d'irrigation sont créés pour les vergers de noyers

L’irrigation des parcelles de noyers semble de plus en plus incontournable pour pérenniser les vergers et les exploitations nucicoles. Différents réseaux ont été agrandis ou vont l'être, alors que de nouveaux projets sont en train d'émerger. Cette dynamique est accrue grâce aux opportunités de financements proposées par les collectivités.
De nouveaux réseaux d'irrigation sont créés pour les vergers de noyers

Cela fait six. Six étés consécutifs durant lesquels la pluie a manqué, faisant de l'accès à la ressource en eau un enjeu majeur pour l'avenir des exploitations agricoles du département. Et si tous les producteurs sont concernés, les nuciculteurs, eux, sont unanimes : sans eau, l'avenir de la noix se trouverait bien compromis. L'évolution du climat, avec ses périodes de canicule et de sécheresse de plus en plus fréquentes et de plus en plus importantes, ne joue pas en faveur de la production emblématique de l'Isère.
Toutes les terres plantées de noyers n'ont pas les mêmes besoins en eau. Il en est dont la fragilité s'est faite ressentir depuisquelques années alors que pour d'autres, le manque régulier n'est apparu que récemment. Mais aujourd'hui, les professionnels du fruit à coque sont convaincus de la nécessité – et même de l'obligation – d'irriguer leurs vergers. Selon eux, « l'irrigation est devenue indispensable pour sécuriser la qualité de la noix, régulariser les rendements et les calibres et assurer la pérennité des arbres ».

Pour Yves Borel, nuciculteur à Vinay et président du CING (Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble) : « Il faut irriguer les vergers. Sinon, nous risquons d'assister au déclin de la production, voire à son déplacement dans d'autres régions ».

Dynamique agricole

D'où la création de conséquents réseaux d'irrigation. Possibles grâce à la présence de l'Isère, ils permettent d'irriguer de plus en plus de parcelles situées à proximité de la rivière. Plus que des soutiens à l'agriculture locale, ils se présentent comme de véritables outils d'aménagement du territoire et de préservation de la ressource en eau. En témoigne l'expérience de l'AsaI (Association syndicale autorisée Irrigation) du sud-Grésivaudan.

« Notre territoire compte encore aujourd'hui plus de 200 exploitations agricoles. Sans elle, il n'y en aurait certainement plus qu'une trentaine », explique Jean-Pierre Martin, nuciculteur à Saint-Bonnet-de-Chavagne et président de la structure *. « Créée en 1981, elle a permis de maintenir la dynamique agricole du secteur qui reste celui où il y a la plus forte densité d'agriculteurs du département », renchérit Jean-Claude Darlet, également nuciculteur à Saint-Bonnet-de-Chavagne et président de la chambre d'agriculture de l'Isère.
Ainsi, tous les nuciculteurs qui ont pu raccorder leurs parcelles à un réseau considèrent leur engagement comme une assurance pour leurs récoltes et au-delà, pour la viabilité de leurs exploitations, mais aussi pour celle de l'ensemble des acteurs du monde rural. Jean Bith, nuciculteur à Izeron, qui a investi énormément de temps et d'énergie dans la création de l'Asa d'Izeron en 2008, suite à la canicule de 2003, l'assure. « J'ai œuvré pour ce projet, car pour moi, c'était très clair. Si nous n'arrivions pas à mettre en place un réseau d'irrigation digne de ce nom, je cessais d'être agriculteur ».

Projet vertueux

Aujourd'hui, ces réseaux « historiques » sont confrontés à de nouveaux défis. Ils doivent s'agrandir pour accueillir de nouveaux propriétaires et revoir leur mode de fonctionnement pour être en accord avec les problématiques actuelles de gestion de la ressource en eau. L'AsaI du sud-Grésivaudan travaille actuellement sur un projet ambitieux permettant d'augmenter le périmètre concerné de 2 006 hectares à presque 1 000 supplémentaires et d'accueillir 150 nouveaux propriétaires qui n'ont encore pas d'accès à la ressource en eau. Il intègre aussi une fusion avec l'ASAI de Saint-Hilaire (qui permet de poursuivre la logique de mutualisation des moyens des deux structures engagées depuis 2015) et prévoit surtout la substitution de la majorité des prélèvements individuels réalisés dans le secteur, de même que ceux réalisés dans le Furand et la retenue de Chapaize.
Le projet est vertueux. Son intérêt consiste à reporter les prélèvements réalisés sur des ressources limitées comme celles des ruisseaux ou des nappes phréatiques sur la ressource abondante qu'est l'Isère.
L'AsaI d'Izeron ainsi que le Syndicat intercommunal d'irrigation de Saint-Romans et de Saint-Just-de-Claix ont été confrontés aux mêmes problématiques. Tout récemment, ils ont aussi agrandi leurs réseaux et les ont adaptés pour cesser les prélèvements opérés dans les ruisseaux et fermer les puits qui étaient utilisés par le passé, pour n'utiliser que l'eau de l'Isère.

Qu'il s'agisse d'un agrandissement ou d'une création, ces projets sont longs à mettre en œuvre (entre trois et cinq ans d'engagement) et coûteux. L'AsaI d'Izeron a prévu un budget de presque trois millions d'euros quand elle s'est agrandie et qu'elle a pu irriguer 350 ha (contre 220 au départ). Le Syndicat intercommunal d'irrigation de Saint-Romans et de Saint-Just-de-Claix a engagé 2,1 millions d'euros (pour 1 100 ha irrigués contre 750 initialement). Quant à l'AsaI du sud-Grésivaudan, elle prévoit un montant de 15 millions d'euros, si le projet est mené dans son ensemble.

Aidés des collectivités

Ces dossiers sont actuellement bien aidés par les collectivités conscients de l'intérêt qu'ils revêtent pour les territoires. A condition d'avoir bien préparé leurs dossiers, les AsaI sont subventionnées à hauteur de 70 %, voire 80 % de l'assiette des dépenses éligibles. Le Département, la Région et l'Europe sont les principaux financeurs. Mais l'Agence de l'eau peut aussi abonder l'enveloppe dans le cas où les projets intègrent des logiques de substitution.
Ces projets ont pu être lancés grâce au Programme de développement rural (PDR) cofinancé par l'Europe via le Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural), dont la programmation 2014-2020 arrive à son terme.
Le projet de l'AsaI du sud-Grésivaudan est bien avancé. Il devrait fonctionner en 2022. Toujours grâce à l'Isère, d'autres sont en cours de préparation. Comme celui de l'Albenc, espéré pour 2023. Et peut-être un autre du côté de La Blâche, dans les communes de Vinay et de Beaulieu, où une réflexion vient tout juste d'émerger.

 

* qui regroupe 550 propriétaires terriens au sein des communes de Saint-Hilaire-du-Rosier, Montagne, Saint-Bonnet-de-Chavagne, Saint-Antoine-L'Abbaye, Saint-Lattier et d'une partie de Chatte et de La Sône 

Isabelle Brenguier

 

Noyers / Plusieurs tentatives ont été nécessaires pour voir aboutir un projet d'irrigation pour les vergers de noyers de L'Albenc et des environs. Grâce au feu vert régional permettant l'attribution de la subvention espérée, sa mise en oeuvre va se poursuivre et les travaux vont commencer. 

Feu vert pour le projet d'irrigation de L'Albenc

Leur projet de réseau collectif d'irrigation à partir de l'Isère concerne 289 parcelles, implantées sur 350 hectares dans les communes de L'Albenc, Chantesse et Vinay, pour un budget de 4,7 millions d'€ HT. Et se concrétise, grâce à l'accord de financement  (à hauteur de 77 % des dépenses) du comité de sélection des dossiers PDR . Pour les agriculteurs et les propriétaires fonciers du secteur réunis au sein de l'Association syndicale libre d'irrigation de L'Albenc, cette décision leur permet de se tourner vers l'avenir avec optimisme.
La préparation du projet représente un énorme travail, tant sur le plan humain qu'administratif, car les tâches à accomplir sont nombreuses. Il faut recenser toutes les parcelles, faire adhérer les propriétaires, constituer le dossier... « L'intérêt de celui-ci est qu'il viendra en substitution de pompages existants dans le ruisseau « Lèze » et déficitaire et dans la nappe phréatique », explique Pascal Blunat, nuciculteur à L'Albenc et trésorier de l'ASLI. Albert Buisson, qui a mis à profit son expérience professionnelle dans le domaine de l'eau en accompagnant les agriculteurs dans leur projet, estime que « sa réussite repose sur l'engagement d'un noyau d'exploitants motivés et solidaires entre eux, plutôt jeunes et dynamiques, résolument tournés vers le progrès ».
IB

 

Une irrigation « Système D »

Cela fait 24 ans qu'il est installé et il ne s'était encore jamais posé de question à ce sujet. Mais les temps changent. Nuciculteur à Morette, Lionel Carlin est de plus en plus confronté au problème de manque d'eau pour ses noyers durant l'été. A tel point que cette année, pendant une semaine, il a dû les arroser pour éviter qu'ils ne souffrent trop. Cet apport d'eau a concerné les jeunes plants mais aussi les arbres en production. N'étant raccordé à aucun réseau d'irrigation, il a dû recourir au Système D, en pompant dans une réserve d'eau qu'il a la chance d'avoir et en utilisant une tonne à lisier de 10 000 litres de contenance.
« Nous sommes plusieurs agriculteurs à avoir fait ça cette année à Morette et dans les environs. Au début, on a l'impression que ça ne sert à rien. Et puis finalement, on voit bien que l'opération ralentit le jaunissement des feuilles », explique Lionel Carlin. Si jusqu'à présent, l'agriculteur n'avait pas eu besoin de s'intéresser à l'irrigation, aujourd'hui, il s'interroge et réfléchit au moyen qui serait le plus approprié pour irriguer ses noyers.
IB