Prédation
Les Bonnevaux passent en cercle II 

Isabelle Doucet
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Branle-bas de combat dans la Bièvre et les Bonnevaux sur le nouveau front de colonisation isérois du loup qui multiplie les attaques sur les troupeaux.

Les Bonnevaux passent en cercle II 
Les éleveurs de la Bièvre et des Bonnevaux ont pris actes du cadre dans lequel s'établit la protection de leurs troupeaux.

Afin de juguler les attaques de loup qui se multiplient dans le secteur des Bonnevaux et de la Bièvre, des tirs de défense simple (TDS) vont être autorisés.
Depuis le début de l’année, huit attaques ont déjà eu lieu faisant 25 victimes. Ce secteur, qui fait donc l’objet d’un nouveau front de prédation, va être reclassé de cercle 3 en cercle 2, permettant d’une part aux éleveurs de bénéficier d’aides à la protection des troupeaux et faisant d’autre part évoluer la réglementation dérogatoire pour éloigner le loup.  
Ces annonces ont été faites ce mercredi 24 mars à La Côte-Saint-André, lors d’une réunion organisée entre les éleveurs ovins, Jean-Yves Chiaro, sous-préfet de Vienne, et le staff de la DDT : Jérôme Patrouillet, responsable de la cellule pastoralisme et prédation, en charge de la déclinaison du plan national loup au niveau du département, et ses collègues nouvellement arrivés en Isère, Jean-Louis Dénarié, attaché à l’enregistrement des dommages, et Matthieu Piffeteau en charge des indemnisations en lien avec l’ASP. 
Jérôme Patrouillet a rappelé les grandes lignes du Plan national loup, qui court jusqu’en 2023 et de son double objectif : le soutien à l’élevage extensif et la préservation du loup en raison de l’engagement de la France à la fois dans la Convention de Berne et dans la Directive habitat.
Dans ce cadre contraint, « il existe des dérogations vis-à-vis des problèmes de dégâts », a souligné le fonctionnaire.  

Demander des tirs de défense simples

Si le loup est protégé, le  protocole de tir peut être déclenché à la condition que l’éleveur soit professionnel et qu’il ait mis en place des moyens de protection.
Ces moyens font l’objet d’un contrat d’aide à la protection. A minima, il s’agit de l’installation de parcs électrifiés, mais suivant l’intensité de la prédation, c’est aussi le financement de chiens de protection et de gardiennage.
La DDT peut aussi valider les installations mises en place par les éleveurs. 
Le classement des communes en cercle 2 permet d’intervenir pour des tirs de défense simples.
Destinés à faire baisser la pression, ils sont attribués à un éleveur ou un groupement pastoral qui peut les déléguer à un chasseur (un fusil par TDS et par lot d’animaux).
Les éleveurs ont donc intérêt à demander ces tirs dès que possible afin que les arrêtés préfectoraux soient pris en ce sens. Ce sera le cas dans la Bièvre et les Bonnevaux où une poignée d’arrêtés va désormais permettre aux louvetiers d’agir au plus vite.  
« Il y a une notion d’urgence, a fait valoir Hubert Avril, représentant de la FDSEA. C’est un territoire nouvellement attaqué. » 

Déclarer les attaques sous 72 heures

La situation a été rendue complexe à plus d’un titre.
D’une part, le loup a perpétré 80% de ses attaques chez des particuliers alors que les tirs de défenses ne peuvent être déclenchés que pour des exploitations agricoles. Ce qui pose un problème de couverture du territoire.
D’autre part, le loup, s’il n’y en a qu’un, est visiblement très mobile, ce qui implique une grande réactivité des tireurs. 
Par ailleurs, les agents de la DDT ont insisté sur le délai de 72h à respecter pour déclarer une attaque. Lorsqu’il manque des bêtes, ils ont conseillé de faire aussitôt une déclaration. Le constat sera ensuite fait si des bêtes sont retrouvées.
Un constat supplémentaire peut même être fait une semaine après.
Enfin, si l’éleveur n’est pas d’accord avec une expertise, une commission de recours a été mise en place à la demande de la  FDSEA de l’Isère.  

Des instructions complexes

« Ce qui est absurde, c’est d’attendre qu’il y ait des attaques pour qu’on nous finance du matériel de protection », a dénoncé Roland Bouvier, éleveur à Chirens.
Le classement en cercle 3 permet de financement de chiens. Sauf qu’il faut au moins trois ans avant qu’un chien soit opérationnel, observent les professionnels.
Enfin, les instructions de dossier sont complexes ont expliqué les éleveurs qui s’y sont déjà essayés. Il s’agit d’une demande de paiement qui est versée en fin d’année.
« Il faut donc avoir de la trésorerie et nous n’en avons pas. En élevage ovin, nous sommes les parents pauvres de l’agriculture »,
a lancé Frédéric James, éleveur à Montseveroux.  
Jean-François Gourdain, le président du syndicat des éleveurs ovins du Nord-Isère a interrogé le sous-préfet sur la « politique d’éradication du loup. Qu’en est-il concrètement ? »
« On nous demande de mettre en place des moyens de protection. Est-ce pour laisser le loup s’implanter ? interroge un éleveur. Est-ce que dans cinq ans, nous serons en cercle 0 ? 

Entre craintes et découragement, les éleveurs du secteur font face à une situation traumatisante que les tracasseries administratives ne viennent pas apaiser.
« A chaque fois, on nous demande de nouveaux papiers, n’est-ce pas pour qu’on lâche l’affaire ? », demande encore Frédéric James. Ce à quoi la DDT répond que c’est la faute de l’ASP. 

Isabelle Doucet 

 

L’Isère toujours sous la pression du loup 

Suite au Comité départemental loup qui s’est déroulé le 22 mars en préfecture de l’Isère, le bilan de la prédation pour l’année 2020 a été établi ainsi que le plan d’action pour 2021.  
Avec 412 attaques pour 1 263 victimes en 2020, la pression du loup sur les troupeaux en Isère est encore en augmentation : +25% d’attaques et +8% de victimes.
Ces attaques portent principalement sur les ovins, mais augmentent fortement sur les caprins.
En 2020, les secteurs sous pression restent la Matheysine et l’Oisans (plus de 300 victimes dans chaque massif), mais les territoires de Saint-Marcellin-Vercors, massif du Vercors et métropole de Grenoble sont en très forte augmentation en nombre de victimes.
Les secteurs nouvellement touchés sont : Entre Bièvre et Rhône, Bièvre-Isère, Bièvre est et Balcons du Dauphiné.  

Trois communes en cercle 0

Toutes les communes de l’Isère sont classées pour l’aide à la protection des troupeaux, qui détermine aussi les possibilités d’intervenir sur le loup.
Trois sont en cercle 0 (foyer de prédation) : Lavaldens, Nantes-en-Rattier et Lavalette (le Haut-Bréda est repassé en cercle 1).
Le cercle 1 atteste d’une présence permanente ; le cercle 2 : loup à proximité et attaque possible ; le cercle 3 : zone possible d’expansion. Le zonage peut être modifié jusqu’au 1er mai, notamment pour les communes des Bonnevaux qui vont passer en cercle 2. 
Le montant de l’aide à la protection s’élève à 28,6 millions d’euros 
Il y a actuellement 240 arrêtés de TDS en vigueur en Isère et 23 TD Renforcé. 
Selon la Dreal, il y aurait entre 528 et 633 loups en France aujourd’hui.
En 2020, 105 loups ont été abattus en France dont 14 en Isère : 4 par les éleveurs, 8 par les louvetiers et 2 par la brigade mobile d’intervention de l’OFB.  
Le plafond de loup à prélever en France est de nouveau de 110 individus en 2021
Lors du Comité loup, il a été annoncé que le constat déclaratif, désormais possible lorsqu’il y a moins de 5 victimes, permettrait de simplifier les indemnisations et de raccourcir les délais.  
Pour déclarer une attaque, deux numéros sont à disposition : la DDT au 07 78 10 61 99 (pour la vallée) et la FAI au 04 76 71 10 25 pour les alpages.