MARCHÉS AGRICOLES
Ukraine et sécheresse attisent l’incertitude
Malgré de bonnes perspectives de récolte et des prix élevés, l’envolée des coûts des intrants, conséquence de la guerre en Ukraine, place plusieurs secteurs dans une situation difficile. S’ajoute à cela la sécheresse qui pourrait toucher les céréales.
« Dans des circonstances normales, je pourrais dire que les marchés se portent globalement bien. Malheureusement, nous ne sommes pas dans des circonstances normales. » Tels ont été les propos introductifs du commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, lors de son échange sur la situation des marchés agricoles de l’Union européenne avec les ministres des Vingt-sept, le 24 mai à Bruxelles. En effet, les perspectives de production sont bonnes et les prix élevés dans la plupart des secteurs. Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie a rebattu les cartes en faisant s’envoler les prix des intrants (engrais, énergie et aliments pour animaux). À cela s’ajoutent les conditions météorologiques récentes, avec une sécheresse qui touche déjà de nombreux pays européens et menace de se prolonger durant l’été. « Difficile dans ce contexte de prédire avec une grande certitude comment les choses peuvent évoluer », admet le commissaire européen. Et d’ajouter que selon les dernières statistiques disponibles, l’inflation alimentaire a atteint 8,9 % dans l’Union européenne « ce qui risque d’entraîner une instabilité économique générale, car une inflation élevée et croissante est toujours compliquée à corriger ».
Les coûts des intrants
La plupart des ministres de l’Agriculture ont mentionné les coûts élevés des intrants qui ne sont pas entièrement compensés par des prix de vente plus élevés. Le secteur de l’élevage – et en particulier celui du porc – est le plus en difficulté, même si les prix de la viande sont à la hausse. « Nos informations indiquent que pour les principaux engrais azotés, les prix prévus pour les mois à venir se situeraient au niveau de l’automne 2021. C’est encore beaucoup plus élevé que la majeure partie de l’année dernière ou qu’en 2020 », a prévenu le commissaire européen. Côté oléagineux, « nos efforts pour améliorer les flux commerciaux avec l’Ukraine continuent d’assurer, bien que dans une moindre mesure, la stabilité des importations de tous les oléagineux et huiles végétales ». Et le secteur des fruits et légumes est, lui aussi, fortement touché par la crise actuelle. « Nous constatons une augmentation du coût des intrants et une disponibilité difficile de certains intrants et matériaux, ainsi que des possibilités d’exportation réduites en raison du conflit en cours », note la Commission européenne.
Prévisions de récolte revues à la baisse
Pour les céréales, les conditions météorologiques sont préoccupantes. La Belgique a présenté une note aux ministres de l’Agriculture dans laquelle elle s’inquiète de l’absence de précipitations ce printemps. « La situation est proche de celle qu’ont connue les agriculteurs en 1976 en termes de déficit pluviométrique cumulé au cours des 90 derniers jours », souligne la délégation belge, qui met en garde contre « une détérioration de l’état des cultures vivrières et de la disponibilité des aliments pour le bétail, avec des baisses généralisées de productivité ». Elle demande à la Commission européenne « d’explorer les possibilités de dérogation à certaines exigences de verdissement ». Des inquiétudes reprises par une douzaine de délégations. Les prévisions de production de maïs de l’Union européenne restent, pour l’instant, à un niveau record. Mais le commissaire européen a convenu que les prévisions météorologiques suscitent désormais des inquiétudes : « Malgré le bon état des cultures en avril, la sécheresse qui a sévi dans la plupart des pays de l’Union européenne en mai a déjà eu des répercussions négatives sur les cultures d’hiver dans un certain nombre d’États membres. La période de sécheresse pourrait entraîner une révision à la baisse des potentiels de rendement de certaines cultures, surtout si ces conditions persistent ». Il est trop tôt pour en quantifier avec précision les impacts potentiels. « Je peux vous assurer que la Commission européenne suit de près la situation », n’a pu que conclure Janusz Wojciechowski, qui a déjà proposé ces derniers mois de nombreux instruments de gestion de crise.