Secret médical
Où vont nos données de santé ?

Morgane Poulet
-

Le 24 mars, la Casemate et Orange organisaient une conférence sur l’informatisation des données de santé. Entre les applications de centralisation des dossiers médicaux des CHU et les applications grand public sur smartphone, les données de santé ne semblent plus si secrètes que cela.

Où vont nos données de santé ?
Les applications mobiles mesurant l'activité physique se développent depuis quelques années.

Le 24 mars, la Casemate* recevait Hervé Provost, co-directeur du laboratoire Telecom4Health piloté par Orange et l’Université Grenoble-Alpes, ainsi que Jean-Luc Bosson, responsable du Pôle santé publique du CHU Grenoble Alpes. Ils ont animé la conférence « Nos données de santé nous appartiennent-elles ? », mettant en exergue les différences entre les applications du CHU Grenoble Alpes et les applications pour le grand public.

Informatisation des données

Depuis 15 ans, toutes les données de santé sont informatisées au CHU Grenoble Alpes. Il s’agit même du quatrième CHU en France à avoir créé un centre règlementé des données de santé. Aujourd’hui, l’établissement compte environ 250 applications de santé répertoriant divers éléments liés aux patients, mais, comme le précise Jean-Luc Bosson, « il y a un droit d’opposition à l’informatisation des données depuis les débuts de l’informatique ».
Selon lui, « l’informatisation du circuit apporte de nombreuses avantages, voire un gain de temps considérable ». En effet, elle permet « une meilleure compréhension et lisibilité des prescriptions », mais également « une meilleure gestion des stocks ». Le conseil scientifique du CHU juge à ce titre pertinent l’informatisation des données de santé. Il en va de même pour le conseil déontologique de l’hôpital, qui représente une entité distincte de celle du conseil scientifique.

Des applications peu fiables

Désormais, les smartphones sont équipés d’applications permettant de mesurer la qualité du sommeil ou encore le nombre de pas effectués quotidiennement.
Néanmoins, il faut « savoir ce qu’elles mesurent réellement », explique Jean-Luc Bosson. Les appareils médicaux répondent à des normes médicales et coûtent cher. Or, la création d’applications pour le grand public a un prix moindre. « Il est impossible de connaître leur niveau de fiabilité et ce qu’elles mesurent exactement, ni par quelle méthode », ajoute-t-il. Elles ne peuvent en effet pas garantir un niveau de précision suffisant pour fournir une analyse médicale aux utilisateurs.
Leur fonction est plutôt de mettre en place un « auto-caoching ». Seulement, ce dernier fonctionnerait mieux avec les personnes ayant un passé sportif.

Le phénotype numérique

Au contraire des applications mobiles, Hervé Provost explique que depuis 2011, le laboratoire Telecom4Health analyse certains flux téléphoniques. Il a remarqué que les communications téléphoniques évoluaient en fonction du bien-être des utilisateurs. Une personne d’ordinaire bavarde appelle moins ses proches lorsqu’elle va mal et inversement.
L’informatisation des données, par le biais de l’utilisation du phénotype numérique**, pourrait donc, selon lui, permettre un accompagnement, voire une prise en charge des personnes.
C’est notamment le cas des aidants, qui prennent soin d’un de leur proche. Dans le cas de ces personnes, qui peuvent avoir tendance à s’isoler du monde extérieur et donc à couper court aux appels, analyser leur flux téléphonique pourrait permettre de jauger leur état psychologique et, ainsi, d’éventuellement prévenir les soignants en fonction du résultat.

* Centre technique et scientifique de Grenoble.
** Traces numériques qu’un utilisateur laisse sur Internet.

Morgane Poulet