Stratégie
Qualité des bêtes et engraissement bio en Chartreuse

En agriculture biologique, le Gaec du Brossmont, en Chartreuse, a basé son modèle économique sur la vente directe, l'autonomie alimentaire et la qualité des fourrages pour ses troupeaux de bovins allaitants et de chèvres.
Qualité des bêtes et engraissement bio en Chartreuse

Bien avant la crise du Covid-19, la situation du marché était déjà atone dans la filière bovin viande. « Hormis une partie du marché où la demande est en légère croissance : celle du bio », expliquait Marie Mallet, conseillère à la chambre d'agriculture de l'Isère, lors d'une visite d'exploitation.

Dans son besoin d'être rassuré, le consommateur peut en effet trouver dans le cahier des charges de l'agriculture biologique des garanties quant à la conduite de l'élevage. 

En Isère, la filière bovin bio présente l'avantage d'être servie par deux outils d'abattage pour la viande : les abattoirs de Grenoble et de La Mure, ainsi qu'une plateforme d'approvisionnement de la RHD, Mangez bio Isère.

Le consommateur évolue

D'autre part, l'agence Bio indique que d’après le Cabinet Nielsen, dans les quinze premiers jours du confinement, les ventes des produits bio en grande surface ont augmenté de 63 %.

Et dans les magasins spécialisés en bio, selon l’Agence Biotopia, le panier moyen est passé d’environ 40 euros à 59 euros dà l'issue du confinement. Même si le soufflé retombe un peu, il semblerait que le consommateur ait évolué dans ses habitudes de consommation.

90% de vente directe

C'est en tous les cas le parti qu'a pris le Gaec du Brossmont, à Saint-Aupre en Chartreuse, qui produit de la viande bovine de race limousine, de porc, des œufs et du fromage de chèvre, le tout en agriculture biologique. Il compte trois associés, Cédric Barnier, installé en 1999, Maud Charat, qui a rejoint le Gaec en 2012 après une installation en 2004 et Damien Barnier, cousin de Cédric, associé en 2015. 90% des ventes se font en direct sur deux marchés - à Saint-Etienne-du-Crossey et à Miribel-les-Echelles - et à la ferme.

« C'est nous qui décidons quand une bête est prête. Nous avons la main sur la qualité des bêtes et leur état d'engraissement », explique Cédric Barnier. Il insiste sur « la volonté de finir les animaux » et d'avoir « un élevage maîtrisé ».

Le Gaec du Brossmont tire parti de sa diversité et de la complémentarité de ses ateliers. « Nous ne prétendons pas être de bons techniciens, mais nous essayons d'être de bons éleveurs, insiste Maud Charat. Nous faisons avec ce que nous avons et du mieux possible. »

Qualité des fourrages

La recherche de l'autonomie alimentaire fait partie du modèle de l'exploitation dont la SAU s'étend sur 125 hectares « avec de vrais coteaux », comme le souligne Cédric Barnier.

L'assolement se répartit en 10 hectares de céréales (maïs, triticales et blé, avoine, orge), 6 ha de prairies temporaires, et le reste en prairies permanentes pour la fauche et les parcs, dont 20 hectares en hauteur qui accueillent les génisses. Les première et quatrième coupes sont généralement enrubannées, ce qui permet d'obtenir un aliment d'un bon niveau protéique.

Toutes les céréales sont autoconsommées. Seules sont achetées les protéines pour les chèvres et quelques aliments pour les veaux (du concentré).

Les vaches ne reçoivent pas de complément, d'où une grande vigilance sur la qualité des fourrages. La charge est d'environ un UGB par hectare et de 0,15 bête/ha pour les chèvres. L'exploitation pratique le pâturage tournant. Les bêtes reviennent sur les parcelles tous les 15 jours ou trois semaines. Les génisses à l'engraissement sont vendues de septembre à avril. Les premières années, elles sont nourries au foin et à l'ensilage ; la farine n'intervient qu'en phase d'engraissement.

Travail de sélection

Les troupeaux sont composés d'une cinquantaine de mères de race limousine, 35 chèvres de race alpine et les éleveurs produisent une cinquantaine de porcs par an.

Les vêlages sont surtout concentrés entre août à octobre (30 sur 50). La production annuelle de l'exploitation est d'une quinzaine de veaux rosés de moins de 7 mois (140 kg), une dizaine de génisses, six bœufs et cinq à six vaches. Les spécialistes de l'élevage s'accordent sur la qualité de ce troupeau dont l'état de conformation des carcasses des bêtes est toujours élevé. Cette qualité est le fruit d'un travail de sélection commencé par le père de Damien qui lui a transmis le troupeau et par l'achat, lors de son installation, d'une vingtaine de « bonnes mères » limousines.

Le circuit court permet aussi d'augmenter la qualité du troupeau grâce à la vente de veaux qui n'iront pas en engraissement ou en renouvellement. La qualité laitière des mères, indispensable pour des veaux sous la mère, figure parmi les critères mis en avant en insémination artificielle. Il faut environ 1 800 litres de lait pour mener un veau à 150 kg, en moins de huit mois.

Une implantation hyperlocale

« L'exploitation a atteint son niveau de croisière en 2015, avant l'arrivée de Damien, témoigne Cédric Barnier. Et il nous a fallu 10 ans pour constituer notre clientèle. » La maîtrise de ce système bio en élevage bovin tient à plusieurs points sur lesquels les éleveurs observent la plus grande vigilance. C'est d'abord celui du fourrage de qualité et de l'autonomie. Ensuite, l'accent a été mis sur la valorisation de toutes les productions en vente directe.

D'ailleurs, les associés se relaient pour assurer les marchés. « Nous avons réalisé des investissements pour le froid et la vente sur les marchés », indique Maud Charat. Elle rappelle que la vente directe « prend beaucoup de temps », de la traite à la commercialisation, en passant par la transformation. Autre facteur de performance : les exploitants travaillent en hyperlocal et ne dépassent pas un rayon de 20 km. « Nous avons la chance d'avoir une population attentive et qui s'accroit », reconnaît l'éleveuse.

Isabelle Doucet