Réuni en congrès à Avignon les 20 et 21 octobre, le syndicat Légumes de France a annoncé qu'il remet le sujet de la contractualisation sur la table pour maîtriser les charges. Il réfléchit aussi au développement des serres photovoltaïques et à différents leviers pour améliorer le revenu.
Légumes de France (producteurs de légumes, FNSEA) « entame une réflexion sur la contractualisation », a annoncé son président Jacques Rouchaussé à l'occasion du congrès national des producteurs les 20 et 21 octobre à Avignon. « Appliquons l'accord de modération des marges à l'ensemble des fruits et légumes pendant cette période énergétique afin d'éviter les abus de certains distributeurs », a-t-il lancé depuis la tribune, ajoutant que cette demande a été formulée lors du dernier conseil spécialisé fruits et légumes de FranceAgriMer. « Mettons en place des indicateurs de coûts de production pertinents et retravaillons par rapport au seuil de revente à perte (SRP) », a-t-il ajouté. Invité pour représenter la présidente de la FNSEA Christiane Lambert, le président de la CGB (planteurs de betterave sucrière), Franck Sander, a annoncé à l'auditoire avoir transmis cette requête au plus haut niveau. « Nous avons porté, en comité de suivi des relations commerciales, à la demande de votre filière, le souhait de mettre en place un accord de modération des marges pour l'ensemble des fruits et légumes afin de limiter les abus des distributeurs », a déclaré celui qui est également membre du bureau de la FNSEA et producteur de houblon. Interrogé en coulisses, Jacques Rouchaussé a précisé qu'il ne s'agit pas de rendre la contractualisation obligatoire. « L'objectif est d'avoir 30 % de contractualisation pour pouvoir absorber les charges fixes qui pèsent sur nos exploitations, mais toujours dans l'optique de la contractualisation volontaire », a-t-il expliqué. « On ne va pas faire entrer de force des gens dans un dispositif », a renchéri le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau tout en estimant que la contractualisation « est une bonne chose à la fois pour les producteurs, les transformateurs et les distributeurs afin de défendre la souveraineté alimentaire ».
« Chasse aux centimes »
Lors d'une table ronde sur l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, Olivier Dauvers, journaliste spécialisé sur les questions relatives à la grande distribution, a exhorté les producteurs de légumes à cesser d'adresser un vœu pieux aux enseignes. « Chaque fois que vous espérez que le distributeur rogne sa marge, vous perdez du temps ! L'économie, c'est un rapport de force », a répété avec force le journaliste. Durant son intervention, Olivier Dauvers a d'abord expliqué que la perception de cherté des fruits et légumes par le consommateur, qu'elle soit relative ou sans fondement, est due à deux grands facteurs. Premièrement, au fait que les distributeurs « se battent » sur des produits tels que « le Nutella ou le cassoulet William Saurin » pour proposer des prix attractifs et que par conséquent, ils « se refont sur les rayons traditionnels et sur les fruits et légumes ». Deuxièmement, au fait que la segmentation (ex : tomates noires, jaunes…), et son affichage de prix élevés, « pollue » le prix moyen de l'offre dans l'esprit du consommateur. Ensuite, Olivier Dauvers a invité les producteurs à changer leur manière d'aborder le problème de l'amélioration du revenu. « Un revenu, c'est de la chasse aux centimes », a-t-il insisté en assurant que cela ne se fait pas systématiquement au détriment de la qualité. Au-delà du prix à la production, il a appelé les exploitants à agir sur les deux autres leviers du revenu : les volumes, en produisant par exemple pour le cœur de gamme et pas seulement pour certaines niches, et les charges.
L'enjeu du photovoltaïque
Autre sujet abordé lors d'une deuxième table-ronde : les serres et abris photovoltaïques. « Pour rasseoir notre souveraineté alimentaire en fruits et légumes il faudrait à peu près 30 000 ha de cultures protégées », a indiqué l'ingénieure de recherche à l'Inrae Christine Poncet. Elle a souligné qu'à l'inverse de simples ombrières, les serres photovoltaïques permettent de contrôler le milieu et d'envisager des modèles de production « moins intensifs » que dans les serres high-tech qui nécessitent de gros investissements. « L'amortissement d'une serre, c'est un quart à un tiers des charges d'un producteur, ce qui oblige à l'intensivité, à avoir beaucoup de main-d’œuvre, à produire l'hiver… », a expliqué Christine Poncet. « Si ces charges n'existent pas, ça ouvre la porte à un tas de nouveaux modèles économiques agricoles, à de nouvelles espèces moins intensives, à de nouvelles façons de travailler… C'est très important, car on va vers une évolution très forte de l'agriculture et de ce que l'on va consommer : d'autres espèces végétales, des algues, des microalgues, des choses qui sont plus robustes face au changement climatique et qui sont moins exigeantes en intrants ». De son côté, le secrétaire général de Légumes de France, Bruno Vila, a appelé les maraîchers à « ne pas laisser passer le train » du photovoltaïque. « Profitons de cette aubaine pour produire de l'énergie et avoir des compléments de revenu, en développant des projets portés par les agriculteurs », a-t-il déclaré.
L.M.