TERRITOIRES
PAT : relocaliser l'alimentation collectivement

La Coopération agricole Auvergne-Rhône-Alpes, la chambre régionale d’agriculture et l’Isara travaillent depuis 2 ans sur une approche de relocalisation de l’alimentation dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT).

PAT : relocaliser l'alimentation collectivement
Aujourd’hui, c'est un modèle de consommation réincarnée, avec une histoire, un ancrage et des produits vrais qui est plébiscité par les consommateurs. ©Apasec

Comment (re)territorialiser notre alimentation et avec quels systèmes ? C’était la question centrale de la conférence sur les projets alimentaires territoriaux (PAT) organisée par la Coopération agricole, la chambre régionale d’agriculture et l’Isara-Lyon, l’école d’ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement. Les trois structures partenaires travaillent ensemble depuis près de deux ans sur la recherche de complémentarité entre les circuits d’approvisionnement sans intermédiaire (directement issus des exploitations agricoles) et des circuits d’approvisionnement issus de filières captant de plus gros volumes de productions sur un périmètre local. « Cette réflexion partenariale a permis de faire émerger des pistes d’actions pour favoriser un réel processus de (re)territorialisation de l’alimentation. Les travaux ont par ailleurs démontré la nécessité d’œuvrer collectivement dans le cadre des projets alimentaires territoriaux, a expliqué Patrice Dumas, président de la Coopération agricole régionale. Porté par les collectivités locales et territoriales qui cherchent à développer les circuits courts et des filières locales pour l’alimentation de leurs administrés, le PAT est un outil aujourd’hui en vogue. » Au mois de septembre 2021, 44 PAT étaient identifiés dans la région Aura dont 38 en émergence et 6 opérationnels. « Une belle tendance de développement qui trouve son origine dans la crise sanitaire et la mise en place du plan de relance », selon Michel Sinoir, directeur de la Draaf Auvergne-Rhône-Alpes. Et d’ajouter : « Si la loi de 2014 qui porte les PAT n’impose quasiment aucune méthode dans la mise en place d’un projet, elle enjoint toutefois au respect d’une alimentation accessible à tous, respectueuse de l’environnement et rémunératrice pour les agriculteurs ».

Massifier localement

Cette idée de relocaliser l’alimentation ne conduit-elle pas à reconsidérer le système alimentaire que nous connaissons aujourd’hui ? Pour Philippe Goetzman, consultant en grande consommation et agroalimentaire, « on se pose cette question après 50 ans de standardisation et de massification de l’offre portées par les GMS et des marques nationales, fondées sur la maîtrise des coûts. Mais la mode de la grande consommation n’est plus, elle est fragilisée par trois ruptures en 2007 : l’irruption du pacte écologique lancé par Nicolas Hulot ; l’arrivée de l’iPhone libérateur de l’information ; et la crise des subprimes entraînant une cassure nette du pouvoir d’achat des ménages. » Le mode de consommation a donc changé. L’attente de relocalisation est forte, entraînant derrière elle une dé-massification de l’offre et le développement d’une multitude d’enseignes spécialisées, locales et de marques différentes. « Il y a le besoin aujourd’hui d’une consommation réincarnée avec une histoire, un ancrage, un produit vrai », constate Philippe Goetzman. Le consultant met toutefois en garde contre l’excès de relocalisation, pointant du doigt la contrainte du prix. « L’alimentation perd du poids et va continuer à en perdre dans la consommation des ménages » d’où l’intérêt, selon lui, de mesurer l’autonomie alimentaire d’un territoire en vérifiant ce qui se consomme, ce qui est produit sur place ou qui pourrait l’être avant de se lancer dans un projet d’alimentation territoriale. « La relocalisation doit être celle de la valeur, précise-t-il. Il est donc nécessaire de voir le long terme pour permettre l’investissement, raisonner business et faire des projets rentables sinon ça ne dure pas. » Le consultant insiste également sur la notion de « professionnalisme » en veillant à « massifier localement et à ne pas générer de la complexité en créant des structures supplémentaires génératrices de coûts ».

C.Rolle