Formation
L’avenir des emplois en montagne
La montagne change et ses métiers évoluent. Une étude transfrontalière s’est penchée sur les attentes des professionnels en matière de formation au service de la transition.
Nier ou s’adapter. Le réchauffement climatique confronte les professionnels de la montagne à de nombreuses incertitudes, à commencer par le manque de neige qui touche plus particulièrement les secteurs d’altitude moyenne.
« Les modifications climatiques s’accompagnent aussi de modifications socio-économiques », lance Martine Chaligné, directrice de l’Afrat (1) lors du colloque sur « La transition écologique et l’adaptation des métiers de montagne » qui s’est déroulé le 24 novembre à Chambéry.
La responsable de l’établissement de formation observe « une modification démographique des territoires ruraux. »
Entre vieillissement des habitants, attractivité de la montagne, arrivée de nouvelles populations et développement de nouveaux services et besoins, la directrice cerne des enjeux émergents en matière de formation et de compétences.
« Le but est de garder les montagnes vivantes et d’avoir des personnes formées, qui vivent dignement dans les territoires. »
Elle souligne les particularités des emplois en montagne où sont concentrés les plus forts taux de pluriactifs, saisonniers, travailleurs non-salariés.
Diversification des activités
L’attractivité, l’évolution des compétences, l’employabilité et la durabilité des emplois sont au cœur de la transition dans le secteur du tourisme.
Aussi l’Afrat a mené une enquête transfrontalière auprès des professionnels de la montagne, en partenariat avec la fondation Montagne Sûre du Val d’Aoste pour « proposer des adaptations des parcours de formation » (2).
Pas moins de 4 000 professionnels, français et italiens, ont été interrogés et 300 ont répondu. « La plupart des répondants sont des pluriactifs », indique Ingrid Trojer, de la fondation Montagne sûre, lors de la restitution de l’étude.
« Trois enjeux sont jugés prioritaires par ces professionnels : les mutations liées au changement climatique, l’évolution économique de la montagne et la diversification des activités touristiques et économiques », poursuit-elle.
Ils font valoir des réalités différentes entre certains territoires de déprise et d’autres de surfréquentation, un besoin concret d’adaptation au changement (climatique ou évolution des territoires) et tous, de façon unanime, insistent sur la nécessaire adaptation des compétences.
Des compétences utiles
Acquérir des compétences utiles à la transition, mieux comprendre et mieux partager les spécificités de la montagne, développer des connaissances en termes d’entretien et d’aménagement de la montagne, figurent parmi les priorités.
« Ce sont des attentes concrètes », assure Sébastien Favier, de l’Afrat. Elles sont techniques, scientifiques, culturelles, sociétales et contribueront à valoriser les métiers, placés sous le signe de la polyvalence et l’adaptation aux aléas.
Plusieurs leviers pourront être actionnés : travail éducatif pour un meilleur partage de la culture montagne entre usagers ; orientation vers les métiers de montagne ; sensibilisation aux enjeux de la montagne de demain ; formation avec une évolution des référentiels et des diplômes et enfin, travail en réseau pour partager les connaissances.
La place fondamentale de l’agriculture
« Les professionnels sont tous des pluriactifs. C’est une des composantes de la montagne, de s’adapter », rappelle Jean-Marc Simon, directeur général du Syndicat national des moniteurs de ski français.
Le syndicat aux 17 000 moniteurs s’est lancé, avec les guides et les accompagnateurs de montagne, dans une offre « Montagne expérience » à destination des jeunes pour une découverte de la montagne l’été.
Les professionnels insistent sur la relation humaine inhérente à leur profession. « Pour travailler, il ne s’agit pas seulement de faire du ski et des virages, mais il faut rester avec les personnes, leur faire connaître notre région et nos spécialités », déclare Ezio Marlier, président des guides de haute montagne de la vallée d’Aoste.
Il fait valoir les profils « d’agro moniteur de montagne ou de ski », « car les touristes veulent bien manger, boire et connaître notre fromage. C’est une spécialisation intéressante. Ce sont des figures professionnelles qui existent déjà et qu’il faut aider à grandir. »
Il plaide pour un travail en direction de la moyenne montagne et de son identité.
« Je suis d’une famille d’agriculteurs. On a les vaches à la maison. C’est ça la montagne qui commence à 200 mètres avec la viticulture et va jusqu’à 1 400 mètres. » Son credo : faire rester les gens de la montagne à la montagne.
« L’agriculture est un des domaines fondamentaux pour la montagne, déclare un enseignant de l’Institut régional agricole du Val d’Aoste. C’est un des secteurs les plus importants car les produits représentent les territoires, ils peuvent être racontés aux touristes, il y a une histoire derrière. Et puis les agriculteurs ont un rôle important pour la sécurité en montagne, car les pâturages dans les alpages permettent de prévenir les avalanches et ils sont encore là pour l’entretien des bois qui servent à la protection contre les chutes de pierre dans la vallée. L’agriculture est un secteur à écouter et qui doit être représenté. »
Il cite le projet transfrontalier Formémo (formation aux métiers de montagne) qui, sur 600 heures de formation en consacre une centaine à l’agriculture pour former « des techniciens d’hospitalité touristique capables de faire connaître les produits du terroir et de les valoriser ».
Isabelle Doucet
(1) Afrat : Association pour la formation des ruraux aux activités du tourisme
(2) Programme européen Eramus + "Transition écologique et adaptation des métiers de montagne"
Lire aussi : Les stations au pied de la transition