Tour de prairies
D'autres modes de pâturage à cause du changement climatique

Isabelle Brenguier
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Une visite de parcelles enherbées à Allevard a été proposée aux agriculteurs du secteur par l’Adabel et la Chambre d’agriculture de l’Isère. L’occasion de faire le point sur les changements à venir en raison du réchauffement climatique.

D'autres modes de pâturage à cause du changement climatique
Agriculteurs et techniciens se sont retrouvés autour des prairies de Belledonne nord.

L’Adabel (Association pour le développement de l’agriculture de Belledonne) et la Chambre d’agriculture de l’Isère ont organisé une journée technique sur la production d’herbe en Belledonne Nord, le 13 octobre.
« L’objectif de la rencontre était d’échanger sur la productivité des prairies naturelles de Belledonne et la résilience de ces surfaces en herbe dans un contexte de changement climatique, sur l’importance du maintien des espaces ouverts, et sur les possibilités de réouverture des milieux. Elle était animée par Jean-Pierre Manteau, expert sur les fourrages au sein des Chambres d’agriculture de l’Isère et de la Drôme, et Robinson Stieven, de la Chambre d’agriculture de l’Isère, qui accompagne depuis plusieurs années des élevages de Belledonne », détaille Mélia Rodriguez, animatrice de l’Adabel.

Un déficit hydrique almplifié

En compagnie de plusieurs agriculteurs du territoire, les deux techniciens ont arpenté les prairies de la Ferme du Bessard de Michel Lopez, entre Allevard et Le Moutaret.
La pousse d’herbe et le changement climatique étaient au cœur de leurs discussions. Jean-Pierre Manteau considère que « la particularité de 2022 est d’avoir été une année de canicule importante, même si elle a été entrecoupée tout au long de l’été ».
Et il l’assure : « Cela a amplifié le phénomène de déficit hydrique ». Pour le professionnel, le réchauffement climatique est bien engagé mais pour l’instant, il se manifeste moins que dans d’autres massifs des Préalpes : « Dans le massif de Belledonne où il faisait frais, le chaud va arriver et il pleuvra moins. C’est un changement qui aura un impact sur la production d’herbe. Il faudra faire pâturer plus tôt et plus tard dans la saison, et peut-être arrêter pendant l’été. Il faudra certainement aller chercher l’herbe à d’autres moments que ceux auxquels nous sommes habitués », estime-t-il.

Une dizaine de graminées

Dans les parcelles visitées, le ray-gras et le dactyle étaient largement présents. Pour Jean-Pierre Manteau, « le ray gras est la vraie plante de pâture. Elle commence à souffrir à 25°C et ne pousse plus à 30°C. Quant au dactyle, il résiste bien au sec. C’est une plante sur laquelle on peut s’appuyer quand on ressème une prairie ».
Il y avait aussi des pissenlits et du plantain, une herbe riche en oligo-éléments et en tanin, résistante au sec, utile pour améliorer la ration.
Le spécialiste estime qu’une dizaine de graminées devaient être présentes dans les champs de Michel Lopez. Elles sont le résultat des pratiques développées par l’agriculteur. Mais en changeant les pratiques, leurs proportions peuvent changer.

Sous-exploitation versus surpâturage

Éleveur de moutons et de canards, Michel Lopez utilise les parcelles proches de son exploitation pour leurs pâturages. Dans celle où sont habituellement parqués chaque année ses 900 canards *, l’herbe est bien azotée, puisque la présence des volailles produit le même effet que l’ammonitrate.
Pour éviter qu’ils ne l’abiment, l’éleveur les déplacent tous les trois jours et, une fois par an, il réensemence la parcelle à la poussière de foin. Dans une autre parcelle, il fait pâturer ses moutons. Il fait pâturer tôt et en mode éclair pour stimuler les plantes et favoriser la pousse des feuilles.
La rencontre fut aussi l’occasion de parler d’exploitation et de sous-exploitation des prairies. « La sous-utilisation fait perdre du potentiel. Mais c’est une réserve pour les années à venir. Il faut cependant faire attention à l’enfrichement qui peut gagner du terrain », souligne le technicien.

Diversité des espèces

Elle fut aussi l’occasion d’aborder la question de la diversité d’espèces. Les prairies les plus diversifiées – qui comptent jusqu’à 60 ou 70 espèces - mais dans lesquelles il y a le moins de graminées, sont celles sans intrants, sans fertilisation organique ou minérale, implantées dans des sols à faible potentiel et utilisées tardivement.
La reconquête de certaines parcelles sur les hauteurs du massif de Belledonne que plusieurs agriculteurs mettent déjà en œuvre est une bonne opération. Elle est préférable au surpâturage qui appauvrit les sols et qu’il faut éviter.
Cette rencontre sur les prairies de Belledonne, n’a pas été la seule à être organisée. Il y en a eu d’autres à La Chapelle-du-Bard, aux Adrets, et à Laval.

Isabelle Brenguier

* sauf en 2022 puisque la grippe aviaire l’a empêché d’obtenir ses lots de canards