Lors du comité de suivi des négociations commerciales du 18 décembre, Serge Papin a dévoilé ses premières propositions. Au menu : un nouvel outil de transparence et des contrats pluriannuels.
« Si nous parvenons à mettre en place une contractualisation pluriannuelle et de la transparence, alors il y aura une réelle bifurcation à partir de l'année 2021 », schématise l'ancien patron de Système U Serge Papin, à la sortie du comité de suivi des négociations commerciales qui s'est tenu le 18 décembre. Missionné par le ministre de l'Agriculture pour travailler sur la répartition de la valeur dans les filières agroalimentaires, et après une soixantaine d'auditions, il « recommande de mettre en place un nouvel outil de transparence qui permettrait de connaître le prix réellement payé pour la matière première agricole à tous les étages » de la filière alimentaire.
Concrètement, un cabinet d'audit, disposant de données confidentielles d'entreprises, pourrait servir de tiers de confiance afin de répondre en temps réel aux questions des deux parties en négociation sur une situation individuelle bien spécifique. « Ce nouvel outil permettra de voir où sont les marges de manœuvre, où est réellement la valeur ajoutée et d'éviter que tous les acteurs se renvoient la balle », développe Serge Papin. « Pour que les distributeurs soient rassurés que s'ils acceptent une hausse de tarif, il y aura bien un impact sur le prix payé aux agriculteurs », illustre le ministère de l'Agriculture.
Porter l'esprit des EGA
« Cela reste à ce stade une intention mais les opérateurs se sont montrés majoritairement pour », indique Serge Papin. « Cet outil pourrait être dans un premier temps testé pour certaines filières : il pourrait autant servir d'appui au médiateur dans ses négociations commerciales agricoles qu'aux différents maillons de la filière pour objectiver la valeur ramenée dans la cour de la ferme », indique le ministère de l'Agriculture dans un communiqué. Une première expérimentation devrait être réalisée dans le lait, secteur où la contractualisation entre producteur et transformateur est obligatoire, avant une généralisation à l'ensemble des filières. Une réunion sur le sujet est d'ores et déjà prévue sur ce début d'année. La question de la confidentialité des données ainsi que leur possible anonymisation au travers d’indicateurs sera sans aucun doute à l’ordre du jour.
Pour s'éloigner du psychodrame joué chaque année lors des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, celui qui a pour mission d'évaluer la loi Egalim, voire de maintenir l'esprit des États généraux de l'alimentation, plaide pour la mise en place de contrats pluriannuels signés. « Sur ce point, la majorité des intervenants sont pour », soutient le ministère.
Sortir des négociations annuelles
« Cela sortirait des négociations annuelles basées sur des rapports de force pour aller vers une pluri-annualité qui oblige à un dialogue. Si demain nous arrivons à cette pluri-annualité cela changerait tout ! », affirme Serge Papin. Si aucune contrainte législative ne les empêche, les contrats pluriannuels se heurtent toutefois à des difficultés plus techniques. « Ce qui bloque c'est que l'on a déjà du mal à trouver des formules de prix qui fonctionnent sur une année », illustre Dominique Chargé qui y voit malgré tout de nombreux intérêts. « Des engagements sur cinq ans permettraient de mieux anticiper les investissements et renforcer les compétences », explique-t-il. « Un groupe de travail sera mis en place afin d'approfondir ce sujet, susceptible de pacifier les négociations et de mettre en place des partenariats vertueux de moyen terme le long de la chaîne alimentaire », annonce le ministère.
Deux autres recommandations viennent compléter les premières conclusions de Serge Papin : l'application stricte de la loi Egalim avec la prise en compte des coûts de production de la matière première et un appel au discernement concernant les pénalités logistiques.