Conduite d'exploitation
Un modèle d'exploitation laitière

Installés dans la ferme familiale depuis plus de 30 ans, Laurence et Jérôme Laval, éleveurs laitiers à Luzinay dans le nord-Isère, n'ont eu de cesse de la faire évoluer pour qu'elle s'intègre le mieux possible dans son temps et son environnement.
Un modèle d'exploitation laitière

« Lâcher le guidon, relever la tête, aller voir ailleurs ce qui se fait... » Laurence et Jérôme Laval, éleveurs laitiers au sein du Gaec Le mas d'Illins à Luzinay, sont guidés par une grande ouverture d'esprit qui les incite à être toujours curieux dans leur approche de l'élevage et de l'agriculture.

Elle les inspire au quotidien dans la conduite de leur exploitation.
Eleveurs de 100 vaches laitières sur une surface de 130 hectares (30 en méteil et 100 en herbe), le couple, aidé de deux salariés, a beaucoup fait évolué son exploitation, pour qu'elle corresponde à ses valeurs.

Effet d'hétérosis

Les premiers changements mis en œuvre ont porté sur le troupeau.

Pour gagner en rusticité, pour que les vaches soient adaptées au pâturage qu'ils souhaitaient développer, les Laval pratiquent le croisement rotatif depuis 2008.

Ils ont fait inséminer leurs vaches de race prim'holstein au départ, avec de la montbéliarde quand ils ont commencé, avec de la brune des Alpes pour la génération qui est issue de ce croisement, avec de la simmental celle qui a suivie et enfin, avec de la jersiaise.

Pour la prochaine, il devrait revenir à la race holstein. « Notre objectif est d'alterner des races plus en chair avec des races plus laitieres, de façon à garder une mixité lait et carcasse intéressante. Et nous voulions à tout prix quatre races pour intensifier l'effet d'hétérosis », détaille Laurence Laval.

La pratique n'est pas courante ; ce sont les deux associés qui l'ont mise au point pour avoir un troupeau qui ait moins besoin de soins permanents, comme le nécessitent les vaches holstein.

La méthode leur a aussi permis de gagner 1,5 lactation par vache.

462 euros les 1 000 litres

Laurence et Jérôme Laval ont également fait le choix de l'agriculture biologique en 2015.

« Nos pratiques en étaient déjà très proches. Nous faisions déjà beaucoup de pâturage. Nous limitions les traitements antibiotiques à trois par animal. Et nous avions déjà suffisamment de fumier pour amender nos terres. Quand Sodiaal à qui nous livrons notre lait, a lancé sa première campagne de conversion, nous nous sommes lancés », explique Laurence Laval.

C'est à ce moment qu'ils ont supprimé le maïs pour passer à une ration complète d'herbe.

Car, située au début du couloir rhodanien, dans une zone de coteaux et sans irrigation, l'exploitation doit faire avec des terrains séchants et une pluviométrie irrégulière.

La culture du maïs était donc devenue de moins en moins adaptée.

« Le plus difficile a été d'adapter cette ration, de passer au tout herbe en gardant un niveau de production viable. Au début, nous n'avons pas suffisamment complémenté en énergie. Nous avons corrigé », se souvient l'éleveuse qui indique que la productivité des bêtes est passée de 8 000 à 7 000 litres par an, compensée financièrement par une hausse du prix du lait à 462 euros les 1 000 litres en prix de base*.

Pâturage tournant dynamique

Faire pâturer un troupeau de 100 bêtes ne s'avère pas si simple au quotidien, surtout quand il pleut.

Les animaux se salissent et endommagent les près. Pour y pallier, les deux associés du Gaec ont créé un chemin d'accès à leurs pâturages.

En s'appuyant sur un diagnostic d'autonomie alimentaire, en constatant qu'il fallait attendre 20 jours avant que les vaches ne retournent dans une parcelle déjà pâturée, ils se sont orientés vers le pâturage tournant dynamique et ont créé 20 parcelles d'un hectare, accessibles grâce à un chemin d'un kilomètre de long et de 2,50 mètres de large, décaissé sur une quinzaine de centimètres et rempli de gros graviers et de sable pour ne pas que les pieds des bêtes ne soient abîmés.

Dans les autres parcelles qui servent à la constitution des stocks fourragers, des espèces particulièrement productives sont implantées : des ray gras italiens et hybrides, des trèfles blancs et violets, mais « pas de luzerne, car les sols sont trop acides ».

Comparer les données

La conduite d'exploitation des Laval ne laisse rien au hasard.

Les choix sont réfléchis, issus des lectures et des rencontres que le couple fait au gré de son implication dans différents groupes d'innovation et d'échanges entre éleveurs européens, notamment au sein de l'EuroDairy et de l'European Dairy Farmer.

« Nous aimons bien aller voir ailleurs (en France et à l'étranger) comment les gens travaillent, comparer les données technico-économiques de nos exploitations, partager les ressentis, étudier les leviers qui permettent à certaines fermes de mieux s'en sortir que d'autres ».

Sans jugement et dans le respect des choix d'orientation faits par les exploitants.

Pour Laurence et Jérôme Laval, cette ouverture fait partie de leur mode de vie.

Seul frein à ces échanges, la maîtrise de l'anglais qu'ils ne pratiquent pas suffisamment à leur goût. « Un manque dans l'enseignement français auquel il faudrait vraiment remédier », estime l'agricultrice.

 

* en 2019

Isabelle Brenguier

Repères chiffrés

700 000 litres  de lait produit, dont 650 000 commercialisés chez Sodiaal, 30 000 en vente directe et 20 000 litres dédiés à l'alimentation des veaux
Chiffre d'affaire de 380 000 euros
EBE de 84 000 euros
Exploitation en Cuma intégrale pour un montant de 35 000 euros

 

 

Prévention
Laurence et Jérôme Laval sont attentifs aux mesures qui peuvent prévenir les risques au sein d'une exploitation agricole.

La prévention avant tout

Chez Laurence et Jérôme Laval, les deux associés du Gaec du Mas d'Illins à Luzinay, la sécurité et la prévention ne sont pas pris à la légère.
Ils mettent tout en œuvre pour prendre les précautions nécessaires pour éviter les accidents ou les conséquences des accidents de la vie qui peuvent arriver à n'importe qui, n'importe quand.
C'est le cas de l'accompagnement complémentaire au document unique d'évaluation des risques professionnels qu'ils effectuent régulièrement auprès de leurs salariés et stagiaires.
C'est le cas de la petite formation à la conduite du télescopique qu'ils leur dispensent aussi lorsqu'ils arrivent dans l'exploitation.
C'est le cas du transfert automatique de lait pour les veaux qu'ils ont mis en place pour éviter les ports de charge. C'est le cas de l'installation de tuyaux fixes à la trappe de la fosse à lisier pour prévenir les risques de chutes...
Autant de « petits » investissements qui facilitent le quotidien et préviennent les risques inhérents aux travaux réalisés dans l'enceinte d'une exploitation agricole.
Mais c'est aussi le cas de cotisations retraites et d'assurances maladies avec indemnités journalières qu'ils prennent pour chacun d'eux pour un montant annuel de 8 000 euros ainsi que de l'adhésion et de l'intervention régulière du service de remplacement.
« Cela représente certain coûts, mais lorsque mon mari est tombé malade, qu'il a été absent de l'exploitation pendant trois ans, cela a certainement sauvé la ferme », assure Laurence Laval.
IB