PAC post 2020
De la transition au verdissement

La future PAC, toujours en cours de négociation, laisse davantage de subsidiarité aux États membres. Elle introduit les plans stratégiques nationaux et le dispositif eco-scheme pour répondre aux enjeux environnementaux.
De la transition au verdissement

La nouvelle politique agricole commune devrait être lancée le 1er janvier 2022.

Comme ce fut le cas en 2014, il y aura une année de transition en 2021.

« Les règles de la PAC actuelle s'appliquent avec le budget de la prochaine PAC », précise Louis Thirot, en charge de la mise en œuvre de la PAC à l'APCA.
La nouvelle PAC doit répondre à trois objectifs généraux : un secteur agricole intelligent, résilient et diversifié ; la protection de l'environnement et le maintien du tissu socio-économique des zones rurales.

 

Louis Thirot, en charge de la mise en œuvre de la PAC à l'APCA.

 

Elle doit aussi satisfaire à neuf objectifs spécifiques (1) (trois économiques, trois environnementaux et trois sociaux).

Des consultations nationales et régionales ont eu lieu et la France doit notifier ses choix le 1er août 2020.

Transferts entre les deux piliers

Les choses se mettent difficilement en place, mais on sait déjà que le prochain budget sera amputé de 5%. Les négociations sont toujours en cours.

Et la France ne s'en sort pas très bien : en 2021, elle ne touchera plus que 1,2 milliard d'euros de la part de l'Europe contre 1,9 milliard en 2019 au titre du deuxième pilier.

La faute sans doute à la convergence mise en œuvre depuis 2015 des DPB. Problème : les seuils les plus faibles représentent 70% de la valeur moyenne à atteindre. Les discussions visent à abaisser ce seuil inférieur à 60%.
Les principales évolutions portent donc sur la poursuite de la convergence des DPB et sur la possibilité de revoir les plafonds du premier pilier pour les PR (paiements redistributifs), paiements JA et AC (aides couplées).
La nouvelle PAC permettra des transferts de fonds entre les deux piliers à hauteur de 15% maximum.

Enfin, les Programmes de développement rural (PDR) pourront être prolongés d'un an sur le budget 2020, de même que les MAEC qui pourront être soit prolongées, soit réengagées pour une durée de trois ans maximum.

Plan statégique et eco-scheme

La nouveauté, c'est la mise en place du Plan stratégique national (PSN), qui couvre les deux piliers de la PAC. Il remplace en quelque sorte les PDR.

Il est présenté par chaque Etat à la Commission européenne. Il se base sur le diagnostic posé en regard des grands objectifs de la nouvelle PAC.

Son règlement doit répondre à la nouvelle architecture environnementale qui se profile. Elle est en cours de renégociation en vue d'un accord final fin 2020.

Son principal caractère est une conditionnalité renforcée qui comprend les règles actuelles, le verdissement et de nouvelles exigences. « Il faut s'attendre à plus de règles sur les zones humides », prévient le spécialiste.
La grande affaire, c'est l'introduction d'un « eco-scheme » dans le premier pilier, financé par le FEAGA(1) (20 à 30% de ce fonds).

Ce dispositif reprend les mesures environnementales décidées annuellement au niveau de chaque Etat. « Il peut intégrer des certifications bio, cite en exemple Louis Thirot. Nous avons peu de précisions à ce jour, mais il y aura beaucoup de subsidiarité des Etats-membres », ajoute-t-il.

Les rémunérations seront au choix des Etats : soit en compensation de surcoûts ou manque à gagner (comme les MAEC aujourd'hui), soit en paiement à l'hectare en complément des DPB.

Sur le deuxième pilier, l'objectif de 30% des fonds jusqu'alors dédiés aux mesures en faveur du climat sera supprimé au bénéfice d'actions poursuivant les mêmes objectifs mais cofinancées par le FEADER(2) et les FEAGA. Des systèmes collectifs, basés sur les résultats, seraient aussi éligibles.
La nouvelle gouvernance de la PAC prévoit une gestion nationale pour les aides surfaciques des premier et deuxième piliers (MAEC, bio, ICHN) et la région piloterait les interventions non surfaciques (les investissements et les dotations JA).

Isabelle Doucet
Etat des lieux / Des passerelles, une nouvelle architecture et la conditionnalité caractérisent la future PAC.

Une PAC à deux piliers

La PAC 2021 se présentera toujours sous la forme de deux piliers avec les paiements directs (FEAGA) d'une part et le FEADER d'autre part.
Les budgets respectifs sont pour le FEAGA : 7,138 milliards d'euros contre 6,877 milliards d'euros en 2019 et pour le FEADER : 1,209 milliard d'euros contre 1,985 milliard en 2019.
Sur le premier pilier, les paiements directs comptent : les paiements de base et les paiements redistributifs obligatoires, les paiements JA (2% du budget soit 143 millions d'euros), l'éco-scheme obligatoire et les paiements couplés volontaires (aides ovines, bovins allaitants etc.). Ces dernières aides ne dépasseront pas 10% du budget du premier pilier, plus 2% pour les protéagineux.
3% des paiements directs sont fléchés vers des programmes spécifiques de filières dont l'OCM viti, l'apiculture, et l'olive. Cela représenta plus de 200 millions d'euros : une manne qui oblige cependant les filières en difficulté à s'organiser avant de pouvoir prétendre à des aides sectorielles.
Les paiements du premier pilier pourraient être plafonnés à 100 000 euros, mais tous les Etats membres ne se sont pas encore entendus sur la dégressivité (entre 60 000 et 100 000 euros).
Le poids de l'environnement
Le FEADER quant à lui comprend : les paiements pour engagements environnementaux et climatiques (qui ne peuvent excéder 30% du FEADER et dont 15% peuvent basculer vers le premier pilier) ; les paiements pour contraintes naturelles spécifiques ; pour désavantages spécifiques ; les investissements ; l'installation (enveloppe limitée à 143 millions d'euros) ; la gestion des risques ; la coopération ; les programmes Leader (5% du FEADER maximum) et l'information.
La nouvelle architecture de la PAC (source : APCA)

Si l'assurance récolte est bien intégrée dans le 2e pilier, en revanche, il n'est pas certain que les budgets soient à la hauteur. C'est la question générale de la faiblesse du 2d pilier qui est ainsi mise en exergue.
« Les cartes sont rebattues sur le second pilier dans une tentative de simplification », explique Louis Thirot.
Il observe un poids des dépenses focalisé sur l'environnement. Un facteur de pondération est appliqué pour chaque intervention PAC en fonction de sa contribution à l'atténuation du changement climatique (eco-scheme : 100% ; MAEC, AB : 100% ; DPB : 40% ; PR : 40% ; ICHN : 40%)
La nouvelle architecture environnementale de la PAC sera régie par la conditionnalité.
Son organisation repose d'une part sur les paiements volontaires du premier pilier avec l'éco-scheme, les MAEC sur le deuxième pilier et la bio au-dessus des deux.
D'autre part sur un socle environnemental englobant les deux piliers. Sont concernés : les paiements obligatoires, le verdissement, la conditionnalité (4) et de nouvelles aides à venir.
ID

 

(1) : Les 9 objectifs de la PAC : assurer un revenu équitable aux agriculteurs, accroître la compétitivité, rééquilibrer les pouvoirs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire, agir contre le changement climatique, protéger l'environnement, préserver les paysages et la biodiversité, soutenir le renouvellement des générations, dynamiser les zones rurales, garantir la qualité des denrées alimentaires et la santé.

(2) FEAGA : Fonds européen agricole de garantie

(3) FEADER : Fonds européen agricole pour le développement rural

(4) Nouvelle conditionnalité : Maintien du ratio prairies permanentes/SAU ; Interdiction de labour et de convertir des prairies sensibles (Natura 2000) ; % minimum d'éléments ou surfaces non productives ; Rotation des cultures ; Bandes tampon le long des cours d'eau ; Protection des ZH et tourbières ; Gestion durable des nutriments ; Interdiction des sols nus durant les périodes sensibles (hiver) ; Gestion du labour réduisant les risques de dégradation des sols (pentes) ; Interdiction de brûler les chaumes, sauf en cas de maladie ; Maintien des éléments de paysage et interdiction de coupe de haies et arbres à certaines périodes. (A noter, on observe la disparition des mesures concernant l'irrigation et la protection des eaux souterraines)