Viticulture
Les vignes reprennent possession des lieux
Réunis en assemblée générale, les viticulteurs de l’Isère ont l’énergie que confèrent leur jeunesse et leur enthousiasme.
Ils n’ont jamais été aussi nombreux. Une vingtaine de vignerons ont participé à l’assemblée générale du Syndicat des vins de l’Isère, le 10 février à Moirans.
Wilfrid Debroize, le président du SVI, se réjouit de cette présence nourrie par l’accueil des porteurs de projets. Cette habitude d’inclusion est la marque de la structure.
Autre motif de satisfaction : l’efficacité du Plan d’aide à la restructuration et à la reconversion du vignoble, qui a permis de capter plus de 100 000 euros et financer la plantation de 6 ha de vigne. Sur 12 dossiers déposés, 11 ont été retenus.
« Avec les aides de la Région et du Département, les perspectives d’avenir son engageantes. Du foncier se libère et des communes jouent le jeu », explique-t-il.
Il cite en exemple la commune de Voreppe qui réserve 4 ha à la viticulture dans son PAEN, mais aussi un potentiel de 10 ha à reconquérir dans le Grésivaudan, des opportunités dans le Pays voironnais, dans le Royans, de nouvelles installations dans le Trièves : autant de « reprises de possession des lieux », de bon augure pour la filière. « Les porteurs de projets sont là, ils sont jeunes, souvent en reconversion professionnelle, et il y a de la place ! »
14 cépages autochtones
Stéphanie Loup, vice-présidente du syndicat, a fait état de l’avancement du dossier de modification du cahier des charges de l’IGP vins de l’Isère.
Il s’agit d’ajouter le Trièves en tant que dénomination territoriale (au même titre que le Grésivaudan et Les Balmes), mais aussi de faire entrer 14 cépages autochtones.
La demande a été déposée fin janvier à l’Inao qui a deux ans pour répondre. « Nous avons aussi pour projet d’intégrer les vins mousseux au cahier des charges », indique la viticultrice.
Lors de l’assemblée générale, Laurent Fondimare, associé du domaine des Rutissons avec Wilfrid Debroize, a pris la parole pour saluer le travail réalisé par le syndicat et sa capacité à fédérer. « On court tous sur nos exploitations. La main-d’œuvre, c’est nous. On a trimé depuis 10 ans, planté des vieux cépages. Cela a attiré du monde et vous êtes là. Le syndicat apporte un cadre physique, administratif et permet de garder le lien. Et hors du département, on parle des vins de l’Isère de façon qualitative ».
Tous les secteurs de l’Isère sont désormais représentés au sein du syndicat qui s’est donné pour feuille de route d’augmenter sa visibilité en commençant par l’échelle locale.
Salon des vins de l’Isère
Un axe fort est celui de la désignation des ambassadeurs.
Enora Roy et Eric Esnault ont été les deux premiers cavistes nommés par la profession, notamment pour leur implication dans le concours des vins de l’Isère. Leur rôle : défendre et mettre en valeur la qualité des vins de l’Isère. De nouvelles personnalités rejoindront le cercle cette année.
Les vignerons entendent reconduire les trois jours de salon, les 5, 6 et 7 novembre 2022, tels qu’ils ont été initiés en 2021. Le week-end est dédié au grand public et le lundi, au concours des vins de l’Isère et au salon professionnel.
L’organisateur, Antoine Depierre, du domaine Mayoussier, déclare « avoir rarement vu autant d’entrain » sur un événement, au niveau des ventes comme de l’ambiance. « C’est avant tout un événement festif et de convivialité, nous le voulons à taille humaine pour que les gens viennent à notre rencontre », a repris Wilfrid Debroize. La manifestation n’a recueilli « que » 700 entrées de particuliers, mais attiré une centaine de professionnels et généré de belles ventes.
Isabelle Doucet
Patrimoine / Faire entrer les bulles dans le cahier
Les vins effervescents font encore la réputation viticole de l’Isère. Si bien qu’ils postulent au cahier des charges de l’IGP vins de l’Isère.
C’est l’autre gros chantier du syndicat des Vins de l’Isère : l’inclusion des vins effervescents à l’IGP.
L’enjeu est celui de la reconnaissance de la tradition des bulles en Isère, de la valorisation des cépages patrimoniaux et de toute la production des vignerons en IGP. De sorte que l’IGP serait vraiment représentative de tout le savoir-faire viticole isérois.
Le syndicat a bénéficié de la collaboration d’une stagiaire de l’université de Grenoble-Alpes, Emma Orsolini, pour effectuer un premier travail d’enquête et de monographie sur les vins effervescents de l’Isère.
Le but, au-delà de l’intérêt historique d’une telle recherche, est de pouvoir répondre aux attendus d’une demande de modification du cahier des charges de l’IGP, qui serait remise à l’Inao.
Ils sont de quatre ordres : démontrer le lien causal entre la zone géographique et la spécificité du produit, les spécificités de la zone géographique, du produit et la réputation par l’histoire.
Les Balmes et le Grésivaudan
L’argumentaire devra donc s’attacher à caractériser le produit, qu’il s’agisse de la méthode traditionnelle et de son histoire, des cépages concernés ou du niveau de savoir-faire.
L’étudiante s’est lancée dans des recherches historiques explorant d’une part la voie des Balmes dauphinoises, d’autre part celle de la vallée du Grésivaudan.
Du côté de Saint-Chef, l’histoire des pétillants remonte au domaine Rojon, dès le XIXe siècle. Noël Martin fut l’héritier de cette méthode champenoise dans les années 70. Les domaines Meunier et Loup des Vignes se sont également engagés dans cette production dans les années 2000.
Dans le Grésivaudan, il faut regarder du côté du Mont Rachais, où la famille Gras, elle-même héritière de la méthode de la famille Jourdan, produit des mousseux jusqu’en 1976. Mais Laurent Gras, qui vient de replanter des vignes à la Bastille, n’a pas dit son dernier mot.
Les caves coopératives de la vallée du Grésivaudan ont aussi longuement produit des vins mousseux, de Barraux à Saint-Ismier : plus de 400 hl en 1973.
Appel à documentation
Aujourd’hui, le domaine Martin reste le chef de file avec une production annuelle de 230 hl, suivi par le domaine Giachino (Chapareillan) qui produit 70 hl, Loup des vignes (Saint-Savin) avec 50 hl, Meunier (Sermérieu) 27 hl, Gonin (Saint-Chef) 20 hl et Rutissons (Saint-Vincent-de-Mercuze) 10 hl, soit un total d’environ 50 000 bouteilles.
La réputation de ces vins n’est plus à faire et sera un argument massue, d’autant qu’ils bénéficient d’un sérieux ancrage historique et participent de l’identité viticole iséroise.
Pour étayer sa connaissance de l’histoire des vins de l’Isère, le syndicat des vins de l’Isère lance un appel pour rassembler un maximum de documents relatifs à la production viticole. Les documents sont collectés par Marie Mallet, à la Chambre d’agriculture de l’Isère.
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