Loi d'orientation agricole
Longueur, lourdeur, contraintes de l’installation

Isabelle Doucet
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Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement, était en visite dans la vallée du Rhône, à la rencontre des étudiants et des éleveurs.

Longueur, lourdeur, contraintes de l’installation
La ministre Marie Lebec (au centre), échange avec Clément Jury (polo) et son oncle Xavier Jury (anorak) en présence de Jean Proenca, maire de Chonas l’Amballan, Frédéric Belmonte, vice-président de Vienne Condrieu agglomération en charge de l'agriculture et la députée Caroline Abadie.

L’attractivité des formations en agriculture et l’installation-transmission des fermes figuraient au programme de la visite en Isère, vendredi 3 mai, de Marie Lebec, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée des relations avec le Parlement.
Après une rencontre avec les étudiants du lycée Agrotec de Vienne, la ministre s’est rendue à la Ferme de Sambillot, à Chonas-l’Amballan, une exploitation de bovins allaitants qui compte deux associés, Xavier Jury et son neveu Clément Jury.

Clément Jury et Marie Lebec

Ce dernier, installé en 2022, tenait à faire part à Marie Lebec « de la longueur, de la lourdeur et des contraintes » qui pèsent sur les démarches d’installation.

Des doublons

« Entre une installation et le versement de la DJA, il s’est passé plus d’un an », explique l’exploitant.
Il dénonce aussi certains doublons « entre la demande d’autorisation d’exploiter la terre et le bulletin de mutation de la MSA ».
Il s’interroge : « La MSA encaisse des cotisations et reverse des prestations. Quelle utilité a-t-elle à gérer des terres ? Cela alourdit les charges qui pèsent sur les agriculteurs et peut décourager les propriétaires à louer leurs terres. »

 
Enfin, il cite les contraintes liées au plan d’entreprise qui accompagne le versement de la DJA.
« En agriculture, avec l’évolution du contexte, le plan peut devenir caduc dès la première année. Or, la DJA oblige à le suivre. Ou alors, il faut faire des avenants et cela rajoute encore des contraintes administratives et devient contre-productif. Oui, le parcours d’installation est un parcours du combattant. »

Maisons France services dédiées

La ministre a pris le temps d’échanger avec les nombreux agriculteurs présents lors de sa visite de la ferme de Sambillot.
Un travail qu’elle effectue en amont des débats à l’Assemblée nationale, qui débuteront le 13 mai, sur le projet de loi d’orientation agricole (LOA), où il est fortement question du renouvellement des générations.
« L’enjeu principal est notre capacité à avoir des jeunes qui font le choix des métiers de l’agriculture, de rendre ces métiers attractifs, de mieux les faire connaître, mais aussi de favoriser la transmission des fermes car ce sont des investissements très importants, et enfin de soutenir les structures en association car les agriculteurs ne veulent pas forcément être seuls dans leurs exploitations. »
Questionnée sur la durée du versement des aides et sur la demande de fluidification des dispositifs, la ministre a expliqué qu’à travers le projet de loi, il est prévu de mettre en place des Maisons France service dédiées à l’agriculture.

Accès au foncier

Lors des échanges dans la cour de ferme, Clément Jury a insisté sur les difficultés d’accès au foncier, en particulier dans les secteurs périurbains où les propriétaires ont toujours espoir de voir leurs terrains classés à bâtir.


Il demande « plus de cohérence » dans les politiques territoriales afin « que les meilleures terres agricoles restent protégées ».
Frédéric Belmonte, maire de Seyssuel et vice-président de Vienne Condrieu agglomération (VCA), a fait valoir la nécessité « de redonner du pouvoir aux maires dans le cadre des changements de destination qui intéressent le monde agricole ».
La ministre a répondu que cette question relève du projet de loi portant sur les organisations territoriales et les enjeux de la décentralisation.

« Des demandes qui tuent l’agriculture » 

Jean Proenca, le maire de Chonas-l’Amballan a rebondi sur la question des aides et de la lourdeur administrative au regard du projet d’irrigation de 690 ha porté depuis 12 ans par l’ASA du plateau de Louze. Le projet est aidé à hauteur de 70 % par tous les échelons « du Département à l’Europe ».
Problème, si les travaux ne sont pas finis à temps, les subventions risquent être remises en causes et il y a encore plusieurs centaines de propriétaires à contacter pour les demandes d’autorisation.
Jean-Claude Darlet, le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, a renchéri sur l’absurdité du coût et de la multiplication des études environnementales.
« Des demandes supplémentaires qui tuent l’agriculture. »
Il cite aussi en exemple les « 300 contrôles » opérés par l’ASP dont fait l’objet une demande de DJA et souhaite que les chambres d’agriculture deviennent des guichets uniques pour l’instruction de ces dossiers.
Tous les exploitants soulignent le non-sens de certaines réglementations environnementales, depuis les compensations qui absorbent les terres agricoles jusqu’à celles qui percutent les cahiers des charges de l’agriculture biologique.
La ministre Marie Lebec, a confié que la LOA permettrait d’inscrire un mouvement « de balancier » pour aller vers l’agriculture biologique et « trouver un juste milieu ».

Isabelle Doucet

    

 Deux fermes en une
Clément et Xavier Jury, associés du Gaec de la Ferme de Sambillot.

Deux fermes en une

Clément Jury s’est installé en 2022 en reprenant une ferme et s’associant avec son oncle Xavier Jury.

Ingénieur diplômé d’AgroParisTech, Clément Jury a fait le choix de l’installation dès sa sortie de l’école en 2022.
« Un agriculteur de ma famille partait à la retraite un mois après ma soutenance. Cela m’a motivé à m’installer directement », explique le jeune éleveur. Son projet est double : la reprise d’exploitation d’une part, l’association avec son oncle Xavier Jury, d’autre part.
« Nous avons fondé le Gaec de la Ferme de Sambillot à Chonas-l’Amballan, deux fermes rassemblées en une. »
L’exploitation compte désormais un troupeau allaitant de 45 mères limousines, soit environ 150 bovins au total engraissés sur place.
La SAU est de 220 ha, dont 140 ha de céréales (certaines cultures sont sous contrat pour la production de semences) et 80 ha de prairie pour la fauche et la pâture. Les animaux sont à l’herbe et valorisent ainsi les terrains peu mécanisables alentour. « C’est plus éthique d’avoir les animaux dans les prés », déclare Clément Jury. L’exploitation est en agriculture biologique.

Diversification commerciale

Les céréales sont vendues en coopérative (Oxyane et Valsoleil) et les oléagineux transformés en huile pour la vente directe (tournesol, colza, cameline).
Les bêtes sont vendues sur pied (coopérative Dauphidrom/Sicarev) ou en vente directe en Amap ou bien en colis à la ferme.
« Nous avons fait le choix de la diversification commerciale pour ne pas mettre tous les œufs dans le même panier », indique l’agriculteur.
L’exploitation ne compte pour l’instant que 20 ha de terres irriguées, mais le projet de l’ASA de Louze devrait permettre de gagner 60 ha de plus.
Agriculteur passionné par son métier, Clément Jury déclare qu’il savait qu’il s’installerait « même si peu le font au sein de l’école AgroParisTech ».
Son projet est de trouver « un ou plusieurs associés » car son oncle devrait prendre sa retraite dans sept ans.
« À plusieurs, il y a l’aspect physique et pénibilité qui disparaît ou qui est moins ressenti. C’est important en élevage de ne pas être seul dans l’exploitation. » L’agriculteur aimerait aussi faire un peu de maraîchage, diversifier les productions « sans pour autant s’éparpiller », l’exploitation pouvant évoluer en intégrant de nouveaux associés.

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