Désherbage mécanique
Houe et herse, le bon combo
L’un possède une herse, l’autre une houe : échange de matériels au profit d’une stratégie bas intrants.
Yannick Bourdat et Denis Meynier font partie du groupe Déphy Ecophyto grandes cultures de la chambre d’agriculture de l’Isère. Ils ont proposé une démonstration de leur matériel de désherbage mécanique dans le cadre d’une rencontre bout de champ à Marcilloles, le 2 mars dernier.
« Nous avons comparé les coûts d’un itinéraire technique classique et d’un itinéraire bas intrants, explique Christelle Chalaye, conseillère à la chambre d’agriculture de l’Isère et animatrice du groupe Déphy Ecophyto grandes cultures. A l’arrivée, ils sont sensiblement identiques. »
Rotation et du passage de la herse
Pour Yannick Bourdat, éleveur de limousines, l’approche est nouvelle. Sur 40 ha de blé, 25 ha sont conduits en désherbage mécanique et 15 ha, considérés comme parcelles de rattrapage, sont conduits en désherbage classique.
Il précise qu’il a aussi semé des colzas en août 2020 selon le même itinéraire et obtenu 10 hectares sur 20 sans rattrapage.
« La baisse de la pression vient de l’allongement de la rotation et du passage de la herse étrille. Cela se sent vraiment, même lorsqu’on fait du désherbage classique. »
Désormais, le producteur opère une rotation blé-orge-colza-blé-maïs. Il procède à un apport organique et installe des intercultures de ray grass italien sur les cultures de printemps de façon à produire du fourrage pour les animaux.
La vitesse et l’agressivité
« Nous travaillons en entraide avec Denis Meynier qui possède une herse étrille. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas suffisant dans les sols durs et qu’il fallait un autre appareil. »
Yannick Bourdat a donc acheté une roue rotative en début d’année, un outil de 6 mètres pour un montant de 19 500 euros.
Plusieurs réglages ont été testés sur un blé semé le 20 octobre et parvenu au stade tallage.
« J’ai eu la chance de pouvoir passer la herse étrille au mois de novembre. Il y a eu un créneau de quatre jours de beau temps avec du vent », ajoute Yannick Bourdat.
Ce premier passage a réclamé des réglages pointus, qui peuvent changer sur une même parcelle. Avec les outils de travail du sol, tout est une question de compromis entre la vitesse et l’agressivité.
L’éleveur a bénéficié des conseils d’un collègue en agriculture biologique, habitué du désherbage mécanique.
L’aléa est, avec la vitesse, que la houe brosse seulement la terre sans la vibrer. Un passage en travers de la parcelle a aussi permis de gagner en efficacité.
Pour la houe, c’est Fabien Gayet, de la FRCuma, qui a apporté ses conseils de réglage.
« Le risque, c’est de faire des mottes quand on ne va pas assez vite et que l’on règle trop profond », souligne Yannick Bourdat.
Écroutage du sol
La houe rotative est équipée de deux rangs de sabots en fonte montés de dents en forme de cuillères. Le travail se fait en plein sur la culture.
« Les réglages sont simples : être à plat et travailler sur la même profondeur avec les deux rangées de roues », détaille Christelle Chalaye.
La vitesse est le principal point de réglage, qui varie entre 10 et 25 km/h. Ce qui donne des chantiers à haut rendement.
« Si l’on va doucement, on fait un trou. Si on va vite, on produit un effet cuillère : la terre est prélevée sur un ou deux cm en surface et explose quand elle retombe », décrit Yannick Bourdat.
Reste ensuite à régler la pression de la houe et l’inclinaison des cuillères.
Enfin, il convient de veiller à la puissance de traction car l’engin pèse tout de même 1,8 tonne. Un tracteur de 120/130 cv est idéal pour avancer vite et relever la houe. Les pneus auront une pression de 900g à l’arrière et un kg à l’avant.
Sur ce premier essai de houe rotative, le blé en était au stade tallage, soit un peu tard pour passer l’engin (idéalement entre stade 3 feuilles et début de tallage).
Pour autant, l’écroutage du sol reste favorable à la minéralisation.
La démonstration est parlante :
- avec un passage lent (8km/h) et une agressivité maximale, la houe fabrique des mottes. Donc aucune utilité sauf à faire de nouveau germer des graines d’adventices.
- Avec un passage à 12 km/h et une agressivité moyenne, les mottes sont encore présentes.
- Cela devient plus intéressant avec un passage à 18/20 km/h et une agressivité faible (3,5/4). L’efficacité est au rendez-vous-même si un passage de herse étrille complémentaire est bienvenu.
« Il faut du temps pour s’approprier le matériel et renouveler la technique, reconnaît Yannick Bourdat. Mais le groupe Déphy s’entraide beaucoup. »
Au bout de quatre ans, une réelle solidarité s’est développée entre les participants du groupe grandes cultures. Tous souhaitent d’ailleurs poursuivre l’expérience sur le nouvel appel à projet Ecophyto. La chambre d’agriculture monte actuellement le dossier.
Isabelle Doucet
Des chantiers à haut rendement
La herse étrille est un outil polyvalent plus agressif que la houe.
La herse étrille en démonstration à Marcilloles est un engin de 12 mètres, acheté par Denis Meynier il y a déjà près de 4 ans.
Il faut compter un investissement d’environ 1 000 euros par mètre linéaire. Mais attention, les prix auraient tendance à grimper.
« La herse est aussi un outil de passage en plein ou à l’aveugle, mais plus agressif que la houe, explique Yann Janin, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Isère. Il est très polyvalent et utilisable dans la plupart des cultures, mais il convient de le réserver à des sols plutôt légers alors que la houe est adaptée à des sols plus lourds. L’idéal est de combiner les deux. »
Là aussi l’intervention se fait entre le stade 2-3 feuilles et le tallage, avec un intérêt, si c’est possible, à passer en pré-levée. Ce qui permet de décaler le stade de la culture de celui des adventices en détruisant les filaments blancs.
Rapide et agressif
Ces deux outils sont bien adaptés aux stratégies bas intrants, dans les blés ou les maïs, à la condition que la pression des adventices sur les parcelles reste faible.
En agriculture conventionnelle, conserver des parcelles de rattrapage permet de limiter le risque.
Avec une herse, le débit de chantier est également important (de 5 à 10 ha/h), de sorte que l’achat d’une herse peut être envisagé par plusieurs exploitants.
Quatre passages de herse étrille ont été testés sur des blés à Marcilloles, à 5, 8,10 et 12 km/h.
C’est le passage le plus rapide avec une agressivité forte qui a donné les meilleurs résultats, affinant les mottes laissées derrière la houe.
Isabelle Doucet