Statut de l'élu
35 propositions pour une reconnaissance
En amont d’un travail parlementaire, les élus ruraux, réunis en congrès national à l'Alpe-d'Huez début octobre, ont formulé une série de propositions pour améliorer leur statut et faire que leur mandat perdure.
« À longueur d’année, nous sommes saisis par des situations de difficultés dans l’articulation entre mandat d’élu et vie professionnelle », lance Eric Krezel, vice-président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et maire de Ceffonds (52).
Il animait la table ronde sur le statut de l’élu, dimanche 1er octobre, lors du congrès national qui se déroulait à l'Alpe-d'Huez, en présence de Violette Spillebout, députée du Nord (Renaissance), co-rapporteure de la mission d’information sur le statut de l’élu.
« Nous arrivons à un moment charnière », reprend le maire avant de dévoiler les 35 propositions faites par l’AMRF, qui alimenteront le projet de loi porté par la députée.
Toutes les propositions ne sont pas au même niveau. Mais l’inscription du statut de l’élu dans le Code du travail permettrait de dénouer nombre de situations délicates alimentées par des vides juridiques. Complications en matière d’absences, d’arrêts maladie, de chômage ou de retraites entravent la fonction d’élu.
Violette Spillebout a souligné la proposition de l’AMRF d’instaurer une cérémonie officielle en début du mandat, pour lui rendre sa solennité.
Violette Spillebout, députée du Nord
« Quant à la question de la sécurité matérielle, nous entrons dans le dur », a repris la députée.
Les maires ruraux demandent en effet qu’en tant que représentants de l’Etat, ils reçoivent une somme forfaitaire, financée par l’Etat. Pas question de piocher dans des budgets municipaux déjà exsangues.
Et le nombre d’habitants ne devrait pas être le seul critère déterminant l’indemnité.
Outrage
Les propositions concernent aussi la formation des élus municipaux ainsi que la valorisation des acquis de l’expérience pour faciliter le retour à l’activité professionnelle. Le cas de la fonction publique est révélateur. « En tant que contractuel, on nous demande de passer des concours pour garder notre job alors que ça fait des dizaines d’années qu’on pilote des communes », s’alarme un élu du Puy-de-Dôme.
Les propositions pour renforcer l’arsenal législatif et les moyens alloués à la justice pour sanctionner les agressions contre les élus traduisent l’inquiétude des maires ruraux. Faute de moyens, les parquets classent les plaintes sans suite.
Violette Spillebout conseille aux élus de porter attention à la qualification des plaintes : une diffamation a peu de chance d’aboutir. En revanche, un outrage sur une personne dépositaire de l’autorité publique aura des suites. « Les élus ne le savent pas », insiste la députée.
Elle indique aussi qu’il est possible de faire appel à un parquet national spécialisé dans la lutte contre le cyberharcèlement.
La parlementaire est également très sensible aux conséquences que ces violences font peser sur les familles des élus et souhaite inscrire le délit d’atteinte à la vie privée dans son projet de loi.
Parité
Les maires ruraux demandent aussi que soit limitée la responsabilité pénale des élus en cas d’infraction non intentionnelle. Les cas concrets sont nombreux et l’accompagnement juridique indispensable.
Enfin, les élus ont pleinement échangé sur la question de la parité et souhaitent conduire une réflexion spécifique sur les freins à l’engagement des femmes.
Les débats ont montré que la parité dans les communes de moins de 1 000 habitants n’est pas forcément tenable. « Je suis la seule élue d’un village de 30 habitants, témoigne une maire des Hautes-Alpes. Si on applique la parité, le village va mourir. » Un autre élu remarque que la parité s’arrête souvent aux marches des vice-présidences.
Urgence
« Je souhaite que l’AMRF soit reconnue pour le travail qu’elle conduit en profondeur depuis des années car nous en avons assez de nous faire piquer nos résultats à la fin, a martelé le président Michel Fournier dans ses conclusions. Nous ne voulons pas que nous soient imposées les choses d’en haut et que la discussion vienne après. »
Cédric Szabo, directeur de l'AMRF, Michel Fournier, président et Cyrille Madinier, président de l'AMR38.
Pour faire avancer les choses, l’AMRF multiplie les rencontres avec les parlementaires, députés et sénateurs. Une proposition de loi sur la violence aux élus sera présentée par le Sénat au mois d’octobre.
Pour les maires ruraux, il y a urgence. Les élections municipales sont dans trois ans et « l’on peut craindre pour les candidatures et la qualité des listes », s’inquiète Violette Spillebout. « C’est un exercice difficile. Cela se sait et n’ouvre pas les portes », assure Eric Krezel.
Des maires ruraux usés, dont le mandat s’apparente plus à du bénévolat, attendent une vraie reconnaissance de leur engagement et de la considération.
« Qui coupe les arbres qui tombent sur les routes le dimanche ? » interroge un élu de Haute-Garonne. Ce travail de proximité et l’inventivité des élus communaux, ont été dûment rappelés par Michel Fournier dans un échange avec Éric Piolle, le maire de Grenoble.
Isabelle Doucet
Michel Fournier, président de l'AMRF et Eric Piolle, maire de Grenoble.
700
C’est le nombre de visiteurs enregistrés au congrès de l’Association des maires ruraux de France ce week-end à l’Alpe-d’Huez. « Des conditions d’accueil idéales, a qualifié Michel Fournier, président de l’AMRF, qu’il nous sera difficile de retrouver ailleurs. »
L'AMR38 a piloté l'organisation du congrès de l'AMRF à l'Alpe-d'Huez.
Le loup s’invite au congrès
Jacqueline Dupenloup, maire de Saint-Alban-de-Villards en Savoie, a sonné l’alerte concernant la gestion du loup en France.
Jacqueline Dupenloup, maire de Saint-Alban-des-Villards en Savoie, a pris la parole « pour faire entendre une voix spécifique : celle d’un maire d’un département concerné par le nouveau Plan loup ».
La Savoie fait partie des départements les plus touchés par la prédation, qui concerne désormais ovins et bovins.
En 2022, 12 000 animaux ont été tués en France dont 68 % dans sept départements (1). Les observations de Jacqueline Dupenloup sont une réponse à Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, chargée de la coordination du Plan loup 2023-2028, dans sa communication du 18 septembre 2023.
« Oui, il y a une confiance à établir ou rétablir », assure l’élue.
Elle commence par le comptage qui donne des chiffres sous-évalués (1 104 loups en septembre 2023). Elle demande donc « une meilleure valorisation des indices de présence », mais aussi « une information précise et rapide des maires ».
Le développement des moyens de protection ne peut se faire sans un rappel de points essentiels : les espaces de travail des uns, et les aménités qui en découlent, sont les espaces de loisir des autres. Les conflits d’usages « sont au cœur des préoccupations des maires ».
Et l’épineuse question du statut des chiens de protection ne pourra être réglée sans une consultation des maires. La présence des trois prédateurs, ours, lynx et loup, a des conséquences financières, comme l’indiquait un rapport parlementaire publié en 2022. Cela inclut la rénovation de tous les équipements d’alpages dans le budget de l’État.
Une réponse rapide
Jacqueline Dupenloup rappelle que désormais « 55 départements sont concernés par la présence du loup ».
Elle estime primordial d'« apporter une réponse rapide dans les nouvelles zones de prédation ». Elle décrit les carnages successifs dans les zones colonisées, la lassitude, la fermeture des espaces, la fin des pratiques pastorales.
Il s’agit de protéger certes, mais aussi de lutter avec des moyens renforcés dans les tirs de défense et « une approche scientifique, à l’échelle européenne », sur la viabilité de l’espèce canis lupus et son comportement.
Le témoignage de la maire de Saint-Alban-des-Villards a sonné comme un avertissement, le loup ayant fait de la France rurale son terrain de jeu.
ID
(1) Alpes-Maritimes ; Var ; Alpes-de-Haute-Provence ; Savoie ; Drôme ; Isère ; Saône-et-Loire.