Depuis plus de 70 ans, le statut du fermage détermine les règles de location des terres et des bâtiments. La Section nationale des fermiers et métayers (SNFM) a travaillé sur des propositions pour réviser le statut du fermage, en concertation avec les représentants de propriétaires. Explications de Bertrand Lapalus, agriculteur roannais et président de la SNFM.
Pourquoi vouloir réviser le statut du fermage ?
Bertrand Lapalus : « Le statut du fermage a fait son chemin sans trop de problèmes jusque dans les années 1990. On a alors vu les premiers contournements par des propriétaires qui n’acceptaient pas de se voir imposer un fermier avec le statut du fermage et le schéma de structures. Ils ne concluaient alors plus de bail et pratiquaient de la location précaire ou du travail à façon avec une entreprise de travaux agricoles. Ceci a notamment été un frein à l’installation. Ce phénomène s’est largement amplifié ces dix dernières années. Il y a aussi eu des abus de la part de certains fermiers. Des fils, repreneurs de droit, n’ont pas fait la démarche de rencontrer le propriétaire à leur installation ou n’ont pas fait d’état des lieux. Des agriculteurs ont aussi fait des transformations dans les bâtiments sans en avertir le propriétaire. Ceci a engendré des conflits entre propriétaires et fermiers. C’est pour cela qu’il y a quatre ans, la section nationale des fermiers a réfléchi à comment rendre le statut du fermage plus attractif pour les deux parties, fermier et propriétaire. D’où notre slogan : « plus de sécurité pour le fermier, plus de liberté pour le bailleur ».
Que signifie « plus de liberté pour le bailleur » ?
B.L. : « Plus de liberté pour le bailleur signifie pouvoir entrer en négociation avec le repreneur : le fils serait toujours prioritaire, mais il devrait signer un nouveau bail avec le propriétaire. Et qui dit nouveau bail dit discussion des tarifs, état des lieux. Ce qui évite d’avoir des baux qui ne soient plus en adéquation avec la réalité du moment. L’objectif est de remettre du dialogue et de la confiance entre le propriétaire et le fermier. Il faut aussi savoir que le propriétaire peut reprendre ses terres pour les exploiter lui-même. On ne peut pas s’y opposer, c’est le droit de la propriété. Mais il faut clarifier les choses : il aurait le droit de reprendre ses terres dans les mêmes conditions que n’importe quel agriculteur, c’est-à-dire avoir la capacité professionnelle. »
Et « plus de sécurité pour le fermier » ?
B.L. : « Jusqu’à présent, le descendant du fermier bénéficie de la cession automatique du bail. Mais si le bail du cédant n’est valable plus que trois ou quatre ans, rien ne dit que le propriétaire ne voudra pas reprendre ses terres au bout de cette période. Alors que si le fils va voir le propriétaire à son installation et qu’il conclut un bail de 18 ans, il a finalement une sécurité plus longue. La discussion et la signature d’un nouveau bail instaurent une relation de confiance, qui engendre de la sécurité pour le fermier. »
Où en est ce projet de révision du statut du fermage ?
B.L. : « La SNFM a travaillé avec les propriétaires sur la révision du statut du fermage. Les propositions ont ensuite été validées par la FNSEA en octobre 2020. C’est déjà une première satisfaction. Nous étions en attente d’une loi sur le foncier qui ne verra pas le jour au cours de ce mandat du président de la République. Nous en avons fait notre deuil. Mais ce n’est pas pour cela que nous nous arrêtons de travailler… Nous poursuivons notre lobbying auprès des parlementaires. Ça laisse aussi le temps à notre réseau syndical de s’approprier ces propositions, qui les portera ultérieurement lors d’un futur projet de loi foncière. Nous voulons aussi travailler sur l’estimation de l’exploitation agricole. Deux aspects entrent en compte lors de la reprise d’une exploitation : la valeur patrimoniale et la valeur économique. Nous proposons donc de faire un mixte entre la valeur patrimoniale et la valeur économique. Nous ne voulons pas imposer une méthode au niveau national, mais proposer une boîte à outils dans laquelle, à l’échelle départementale, la commission consultative des baux ruraux puisse piocher pour estimer la valeur des exploitations dans le département. Nous savons que la vente reste libre, mais nous voulons apporter des guides. Les commissions des baux ruraux ont perdu de leur intérêt depuis que l’indice du fermage est calculé nationalement. Les faire travailler sur une méthode d’évaluation de la valeur des exploitations pourrait être une vraie belle mission pour elles. Ce serait l’occasion pour les propriétaires et les fermiers de se remettre autour de la table au niveau départemental. »