Gel en Isère
La production fruitière fortement compromise en Isère

Marianne Boilève
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Le coup de gel qui s'est abattu sur les vergers isérois dans les nuits des 6 et 7 avril compromet sérieusement la production fruitière de l'année. Si la casse a pu être à peu près contenue dans les parcelles les mieux protégées, les températures très basses et prolongées ont causé d'importants dégâts chez tous les arboriculteurs.

La production fruitière fortement compromise en Isère
Fleurs de pommier "cuites" par le gel du 8 avril au Bouchage, chez Philippe Fiard. Crédit photo : Philippe Fiard

Luc Armanet n'a pas vu ça depuis vingt ans. «Même les pommiers ont gelé !», s'alarme l'arboriculteur de Bougé-Chambalud. Avec des températures descendues en dessous de - 5, voire - 6°C, les producteurs de fruits du secteur roussillonnais sont très inquiets pour la production de l'année. « Pour les fruits à noyau, c’est zéro : il n'y aura pas d'abricots cette année, pronostique Luc Armanet. Sur les pommiers, les fleurs étaient toutes blanches mercredi, marron jeudi matin.» L’exploitant estime les pertes sur fruits à pépins entre 50 et 75%.

Températures exceptionnellement basses

Cette soudaine baisse des températures était annoncée. Les arboriculteurs qui ont les moyens de le faire avaient pris leurs précautions, en posant des bougies antigel ou en misant sur l'aspersion des bourgeons et des fleurs pour les protéger avec des gangues de glace. «Mais ça n'a pas suffi: les températures sont descendues trop bas, trop longtemps, explique Philippe Fiard, producteur de pommes et de poires au Bouchage. C'est la cinquième nuit de gel. Les trois premières, les températures ne descendaient en dessous de zéro qu'au matin. Mardi et mercredi, c'est tombé très bas entre 10h du soir et une heure du matin. Nous avons eu beau asperger, passer la nuit à protéger, nous avons énormément de casse.»

Désastre

Ceux qui n'ont pas les moyens ou la possibilité de protéger ne peuvent que constater l'ampleur du désastre. «Nous avons trop de petites parcelles partout pour pouvoir protéger les arbres», témoigne Luc Tirard-Gatel, producteur de fruits et légumes à Charnècles. Ouvertement «fataliste», l'exploitant évalue les pertes de sa production fruitière «à 50% au moins». Parfois plus : tout dépend de la parcelle et de son exposition. Pour les kiwis par exemple, «la récolte est finie. Même les feuilles sont flapies. On dirait qu'elles ont soif, mais en fait elles ont gelé». Même chose pour les courgettes : «Les gens veulent des légumes de bonne heure, alors nous avions planté 200 pieds sous serre le mois dernier. Tout a gelé. Nous avons travaillé pour rien.» Avec une ironie amère, Luc Tirard-Gatel ajoute : «Avec les collègues, on se disait qu'on allait gagner du temps à éclaircir les pêchers, cette année : c'est tombé tout seul.»

50 à 90 % de pertes

A Bougé-Chambalud, Charnècle ou au Bouchage comme partout en Isère, les dégâts s'annoncent très importants. «L'hectare qui n'était pas protégé est totalement mort, le reste, soit environ 8 hectares, est perdu à 50%», estime Philippe Fiard. Cela étant, les arboriculteurs s'accordent à dire que les pertes, déjà considérables, auraient pu être plus importantes encore sans le petit coup de froid qui a ralenti la végétation mi-mars. «Tout était bien en avance : ça un peu calmé le jeu», souffle l'exploitant du Bouchage, épuisé après ces nuits sans sommeil. «Je suis installé depuis 1988, poursuit-il. Avant, nous avions un gros coup de gel tous les cinq ans. Avec le changement climatique, non seulement la végétation démarre plus tôt, mais nous prenons un coup de gel tous les ans.»

Les noyers épargnés

Petite consolation pour les arboriculteurs qui ont quelques hectares de noyers : la plupart des arbres n'ont pas encore démarré. «C'est notre chance, conclut Luc Tirard-Gatel. C'est aussi l'intérêt de diversifier ses productions.» L'arboriculteur réfléchit par ailleurs à changer certaines variétés d'arbres fruitiers pour s'adapter au changement climatique en cours. Car, précise-t-il, «décaler de quelques semaines la floraison peut sauver une saison de production».

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Arbres meurtris et productions compromises

Élus et responsables professionnels solidaires des agriculteurs

Le Département, en lien avec la chambre d'agriculture de l'Isère, apporte son soutien aux agriculteurs touchés par le violent épisode de «gel d'hiver» du 8 avril. Jean-Claude Darlet, le président de la chambre d'agriculture, a assuré que ses services allaient «tout mettre en œuvre pour recenser et accompagner les agriculteurs touchés par ces calamités». De son côté, Jean-Pierre Barbier a indiqué que le conseil départemental était prêt, en complément des aides de l'État, à «débloquer immédiatement une aide financière pour venir en aide aux agriculteurs les plus touchés».

Indemnisations rapides

Dans le même temps, les députées Monique Limon et Caroline Abadie ont écrit au préfet de l'Isère pour lui demander de reconnaître au plus vite l'état de calamité agricole dans les communes concernées par cet épisode de gel exceptionnel. «Les demandes d'indemnisation doivent pouvoir être traitées dans des délais aussi courts que possible, ont-elles précisé. Il en va de la survie de ces exploitations agricoles qui jouent un rôle d'employeurs (saisonniers) et pysager majeur dans nos territoires.»