Alimentation
Le Pôle agroalimentaire change de braquet

Isabelle Brenguier
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Rassembler de nouveaux producteurs, intégrer plus de produits du quotidien et développer les ventes s'apparente à un ambitieux défi. C'est celui que doit relever le Pôle agroalimentaire de l'Isère.

Le Pôle agroalimentaire change de braquet
« Je veux donner de la perspective et de la dynamique à un groupe qui en a déjà beaucoup », lance Pascal Denolly, le président du Pôle agroalimentaire de l'Isère, a l'occasion de l'assemblée générale de l'association.

Elle en a déjà fait du chemin la petite marque territoriale IsHere portée par le Pôle agroalimentaire (PAA) de l'Isère, créé en 2018. Et elle a grandi. En rassemblant désormais plus de 150 producteurs et plus de 1 250 références, elle est sur la bonne voie. Mais il reste encore à faire pour atteindre l'objectif que se sont fixé ses dirigeants, consistant à augmenter la visibilité et la part de marché des produits locaux pour améliorer la rémunération des agriculteurs isérois. Tel est le constat qui a été fait le 15 avril dernier à Saint-Sulpices-les-Rivoires, à l’occasion de l'assemblée générale du Pôle.

« Tous les produits sont importants, martèlent d'une même voix, Céline Royer, la commerciale « grande distribution » du Pôle et son président, Pascal Denolly. Mais si nous voulons nous installer dans le quotidien des consommateurs, nous devons développer massivement nos produits de grande consommation ». Comprendre, c'est bien d'avoir une gamme de produits qui trouvent une place avantageuse au sein des épiceries fines (ils assurent la notoriété de la marque), mais c'est indispensable également de disposer d'une large offre de produits du quotidien comme le lait, les fruits, les légumes. Car, comme le souligne Céline Royer, « ce sont eux qui tirent les ventes ». Pascal Denolly donne comme exemple la faiblesse du marché estival de l'an passé, qui a souffert du manque de fruits dû au gel du mois d'avril.

42 GMS et 13 petits commerces

Avec ses deux appuis, l'un fixé sur la grande distribution et l'autre sur les commerces de proximité, le PAA entend bien continuer son développement. Grâce au travail de Céline Royer pour le premier marché et de Hugo Martin, tout récemment engagé pour le second, la structure cherche activement à déployer autant ses catalogues de références que ses ventes. « C'est un travail de longue haleine car toutes les enseignes fonctionnent différemment. Il convient donc de les rencontrer régulièrement pour que les magasins passent – et repassent – commande », précise la commerciale. A ce jour, Le PAA compte compte 42 GMS (grandes et moyennes surfaces de plus de 400 mètres carré) actives sur une centaine avec lesquelles des contacts sont noués, et 13 petits commerces sur 78 approchés, qui ont déjà passé une première commande. « Mais ces chiffres sont amenés à évoluer puisque nous avons commencé nos livraisons le 24 mars et que nous savons que les établissements ne réalisent pas immédiatement une commande », souligne Hugo Martin, qui précise avoir déjà un catalogue composé de 21 producteurs et 230 références. Les objectifs pour 2022 sont clair... et affichés : un chiffre d'affaires de 700 000 euros HT pour les produits IsHere en GMS et de 150 000 euros pour les produits de la marque dans les petits commerces.

Donner de la perspective

Partant du constat que la structure « manque de produits du quotidien et de magasins qui s'engagent vraiment », Pascal Denolly, considère devoir aborder ces sujets avec sérieux. « Tel que nous fonctionnons aujourd'hui, nous ne tiendrons pas nos objectifs », assure-t-il. « Il nous faudrait 300 producteurs adhérents », estime-t-il. « Et il faudrait peut-être aussi revenir sur certains critères que nous nous étions fixés. Nous avions dit que notre offre devait être produite, transformée, embouteillée ou abattue, emballée, et redistribuée en Isère. C'est ambitieux mais cela nous rend captifs d'outils que nous ne maîtrisons pas. Nous voulions être totalement vertueux, notamment en termes de création d'emploi dans le département, mais cela nous contraint et nous fait manquer des opportunités puisque notre compétitivité est mise à mal. Peut-être avons-nous de nouvelles choses à inventer ? Bien sûr, sans remettre en question les valeurs de la marque, ses fondements, à savoir des produits issus des fermes et des ateliers de l'Isère, assurant une juste rémunération des producteurs et dont le standard de qualité est HVE ou bio. Pour moi, la seule chose qui compte est d'améliorer le revenu des agriculteurs. Je veux réfléchir avec vous. Je veux donner de la perspective et de la dynamique à un groupe qui en a déjà beaucoup », lance le président. 

Le propos peut heurter mais il relève d'une certaine lucidité vis-à-vis des enseignes qui l'assurent : « Elles veulent bien travailler avec les producteurs locaux mais elles gardent toujours un œil sur la question du pouvoir d'achat ». Marc Lett, gérant du Super U de Revel-Tourdan, confirme : « Les consommateurs sont regardants sur les prix, beaucoup moins sur le bilan carbone. Quand on est en super local, les coûts doivent être moindres ». 

Action positive

Producteur de lait à Chevrières et président de « Mangez Bio Isère », Franck Rousset estime que « les agriculteurs doivent jouer un rôle d'échanges et de sensibilisation des consommateurs pour aller chercher plus de demandes. Quand on fait des animations, on peut convaincre les clients de passer un pallier de qualité. Quand on explique les produits, la façon de les préparer, quand on donne des recettes, on peut avoir une action positive en ce sens ».

Un point de vue auquel adhèrent les dirigeants du PAA. Preuve en est, les actions de communication organisées par la structure visent autant à faire découvrir les produits (actions dans les GMS) que la marque et la démarche (participations à des événements). Elles ne demandent qu'à prendre plus d'ampleur maintenant que la crise sanitaire semble s'éloigner. « Grâce au bilan de notoriété et d'image de la marque que nous avons réalisé, nous savons avoir une notoriété de 47 %, c'est-à-dire qu'un consommateur sur deux nous connaît. Nous devons continuer en ce sens. Mais nos moyens sont limités. Nous avons revu notre site Internet, le logo, la charte et saisissons les opportunités qui nous sont offertes », explique Céline Royer.

Attentif au débat, Fabien Mulyk, vice-président du conseil départemental, collectivité partenaire de la démarche et gestionnaire de restaurants collectifs, indique que « pour ouvrir ses marchés, le Département a diminué la part du critère technique au profit de celui de la qualité. Maintenant, tous les éléments sont réunis pour intégrer vos produits dans nos restaurants scolaires ». De quoi poursuivre encore plus le travail déjà engagé.

Isabelle Brenguier

 

« Cela m'apporte plus de visibilité »
La brasserie du Val d'Ainan à Saint-Geoire-en-Valdaine, a fait l'objet d'une visite du Pôle agroalimentaire le 15 avril dernier.

« Cela m'apporte plus de visibilité »

La Brasserie artisanale du Val D'Ainan adhère à la marque IsHere. Sa gérante, Catherine Dereume, apprécie la mise en valeur de la provenance locale. 

Motivée par la mise en valeur du local portée par la démarche du Pôle Agroalimentaire (PAA) de l'Isère, la Brasserie artisanale du Val d'Ainan a rejoint la marque IsHere depuis un an. « Quand je me suis lancée, j'espérais pouvoir utiliser du houblon isérois. Cela n'a pas pu se faire. Mais je travaille avec la maison François Cholat qui propose un orge iséroise maltée à Issoudun et qui revient dans le département. Cet engagement me permet d'être présente au magasin du Village des marques de Villefontaine, de participer à des manifestations et d'intégrer mes produits aux coffrets proposés par la marque. Il me donne l'opportunité d'être regroupée avec d'autres producteurs locaux sous une même enseigne. Cela m'apporte plus de visibilité », explique Catherine Dereume, la gérante de la brasserie installée à Saint-Geoire-en-Valdaine, depuis 2005.

Plus de sens

Aujourd'hui, sur sa vingtaine de recettes différentes, quatre bières sont sous l'agrément Ishere : une au chanvre, une au miel, la « Cholat », la première qu'elle a élaborée, et l'« Authentique », la typée belge comme la tenante de l'enseigne. Catherine Dereume reconnaît un coût de fabrication un peu plus élevé. Mais la démarche lui tient à cœur. Elle revêt plus de sens que « de s'approvisionner en céréales qui viennent du nord de la France, qui sont cultivées de façon intensive, sans diversité d'assolement ». La brasserie du Val d'Ainan produit une large gamme de bières, de la blanche à la noire et écoule entre 800 et 900 hectolitres à l'année.

Le PAA a profité de son assemblée générale le 15 avril pour organiser une visite des lieux.

IB