Le président de la République, Emmanuel Macron, a reçu le 2 mai, pendant un peu plus de deux heures, les représentants des syndicats agricoles et du Conseil de l’Agriculture française (CAF). Il leur a exposé ses perspectives en quatre grands thèmes.
Après le temps de l’action syndicale, puis celui de la concertation, voici venu celui de la concrétisation. C’est en tout cas le sentiment qu’ont partagé les deux responsables syndicaux, Arnaud Rousseau, président de la FNSEA et Arnaud Gaillot, son homologue de Jeunes agriculteurs (JA), qui n’ont toutefois pas tout à fait tourné la page des manifestations. Lors d’une conférence de presse suivant leur rencontre avec le chef de l’État, ils ont redit qu’Emmanuel Macron lui-même ne « croyait pas à la fin des mouvements » car les causes sont « protéiformes » et sujettes aux perceptions, aux problèmes inhérents à chaque territoire et chaque production. Arnaud Rousseau a rapporté les propos du président Macron : « Je n’ai pas l’intention de courir derrière la colère », a-t-il affirmé. Concrètement, l’Élysée propose quatre axes stratégiques qui sont : produire pour nourrir, ce qui concerne tout le volet ayant trait aux moyens de production (gestion de l’eau, produits phytos…) ; adapter : les mesures couvrent ici les politiques de simplification et les pratiques à mettre en œuvre pour adapter les exploitations à la transition agroécologique, y compris sur le plan fiscal ; protéger et accompagne : sur ce volet, le sujet majeur concerne les accords de libre-échange, la réciprocité des normes en lien avec l’Union européenne (clauses miroirs) « ainsi que la place de l’agriculture française dans l’Union européenne », a précisé Arnaud Rousseau. Enfin, quatrième axe : renouveler les générations.
Interférences ?
La FNSEA et JA ne nient pas les avancées réalisées au cours de derniers mois : gasoil non routier ; taxe sur le foncier non bâti : loi sur les troubles du voisinage ; pérennisation du dispositif travailleur occasionnel-demandeur d’emploi (TODE) ; fonds d’urgence pour le bio ; plan élevage ; soutien aux élevages touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE)… « L’ensemble du paquet des engagements gouvernementaux représente « entre 500 et 600 millions d’euros », a précisé Arnaud Rousseau. « Il y a déjà eu des inflexions majeures y compris à Bruxelles », a-t-il concédé se déclarant « attentif à la complétude des textes ». Autrement dit, à ce qu’ils sortent en temps et en heure et qu’ils soient également cohérents les uns envers les autres. En réalité, tout est une question de calendrier et de rythme. Sur ce point, l’Élysée et le syndicat majoritaire entendent avancer de concert. S’interrogeant sur les prochaines élections aux chambres d’agriculture qui se tiendront en janvier 2024 et qui pourraient interférer sur l’application du paquet stratégique en quatre points, Emmanuel Macron a proposé à ses interlocuteurs de le repousser après cette échéance. Pas question pour la FNSEA et JA pour qui « il est temps d’agir. Il n’est pas question d’attendre car nous avons une culture et une exigence de résultat pour nos adhérents », ont dit les deux représentants syndicaux.
« Seul au milieu de la pampa »
Tant la FNSEA que JA veulent décorréler l’avancée des dossiers agricoles des échéances politiques propres à l’agriculture et surtout peser les politiques agricoles, sur le plan national et européen. Le chef de l’État semble abonder dans ce sens, affirmant être prêt à amender son discours de Rungis et s’appuyer sur ses quatre axes stratégiques pour en livrer un nouveau à la rentrée de septembre. Ce discours de Rungis II pourrait donner « plus de visibilité de l’agriculture sur le long terme », en rompant avec une première version* qui faisait la part belle à « une montée en gamme qui a subi quelques effets de bord ». Cependant, Emmanuel Macron entend obtenir l’accord et le soutien d’une majorité des agriculteurs et de leurs représentants : « Je n’irai pas seul faire mon discours au milieu de la Pampa », a-t-il déclaré à ses interlocuteurs pendant une réunion au cours de laquelle il a été le seul à s’exprimer. Aucun des ministres présents ne s’est exprimé. Emmanuel Macron qui a chargé le chef du gouvernement, Gabriel Attal, de suivre mensuellement l’avancée des mesures appliquées, s’adaptera au rythme des agriculteurs, a-t-il conclu, renvoyant la balle aux agriculteurs bien décidés, de leur côté, à « ne pas signer de chèque en blanc ».
1 - 11 octobre 2017. Discours disponible sur www.elysee.fr
Christophe Soulard
Chambres d’agriculture France demande un cap et une vision
Réagissant à la réunion à l’Elysée à laquelle il a participé au titre du Conseil de l’agriculture française (CAF), le président de Chambres d’agriculture France, Sébastien Windsor, a indiqué que « les annonces doivent se traduire par la mise en œuvre rapide auprès des agriculteurs ». Pour lui, il est aussi « important que le président de la République puisse avant la fin de l’année tracer un cap pour mettre en avant l’excellence de l’agriculture française tout comme le besoin de produire plus tant pour l’alimentation que pour décarboner (énergie renouvelable, matériaux de construction...) », a-t-il ajouté. Il souhaite que « l’État et le gouvernement soient aux côtés des agriculteurs, dans cette période de changement, dans une démarche de soutien et non pas de contraintes » et qu’il remette « l’acte de production et la productivité au centre du projet agricole », avec les moyens correspondants.