ADAPTATION
Aménagement des parcours et agroforesterie, un rapport gagnant-gagnant ?

L’aménagement arboré des parcours est un élément devenu incontournable des élevages de volailles sous signe de qualité. Ainsi, il peut répondre à des enjeux sociétaux et environnementaux importants, tout en dégageant une plus-value intéressante pour l’éleveur et le territoire qui l’entoure.

Aménagement des parcours et agroforesterie, un rapport gagnant-gagnant ?
L’implantation d’arbres ou de haies a un impact non négligeable sur le bien-être des volailles (protection face aux vents, zones ombragés lors des fortes chaleurs, meilleure exploration du parcours, etc). (Crédit : Itavi)

Depuis une dizaine d’années, l’aménagement des parcours en aviculture est de plus en plus considéré. Par ses multiples avantages, les élevages de volaille sous signe de qualité en ressortent un bénéfice non négligeable, y compris au plan du bien-être animal, et ce, bien au-delà des exigences réglementaires. L’accès à un parcours extérieur est en effet incontournable pour les élevages de volailles label rouge, biologiques ou, plus largement, de plein-air. A l’occasion d’un webinaire1 début novembre, l’Itavi (organisme de recherche appliquée en filières avicole, cunicole et piscicole) a ainsi mis en avant l’importance de l’agroforesterie dans l’aménagement de ces parcours. « Le parcours n’est pas seulement un outil de communication, mais un outil indissociable des filières de qualité. L’agroforesterie et l’élevage de volaille sont dans une relation gagnant-gagnant », a témoigné Eric Cachan, président du Syndicat national des labels avicoles de France (Synalaf).

Approche systémique

Pour répondre aux objectifs des éleveurs, en cohérence avec leurs environnements et leurs attentes, une approche systémique est alors nécessaire pour mener à bien un projet d’aménagement. Philippe Guillet, conseiller agroforesterie à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, a fait de l’aménagement des parcours son cœur de métier. Pour lui, plusieurs clés mènent à la réussite : « il ne faut jamais oublier que le parcours doit s’inscrire dans un projet avant même la construction du bâtiment. D’autre part, la place de l’agriculteur doit être prépondérante pour pouvoir s’approprier le projet et bénéficier du soutien – et du suivi – d’un conseiller agroforesterie ou avicole. Enfin, les techniques d’implantation sont importantes : la culture des arbres, dans le cerveau des agriculteurs, est souvent limitée en termes de savoirs techniques », prévient-il.

Et de poursuivre : « L’aménagement d’un parcours en agroforesterie, c’est comme la naissance d’un enfant. Une fois planté, il faut savoir le gérer, l’entretenir, identifier ses objectifs, etc. ». D’autant plus que ce type de projet est un investissement de départ, qui doit répondre à de multiples enjeux : bien-être animal et amélioration du cadre de travail pour l’éleveur, valorisation des arbres (fruitiers ou bois d’œuvre), intégration paysagère, etc.

De plus en plus d’acteurs de la filière se penchent sur le sujet. C’est le cas notamment du Syndicat de défense des volailles fermières d’Auvergne (Syvofa). Dans une démarche en faveur de la biodiversité, le syndicat dirigé par Patricia Nifle s’est engagé dans une reforestation de ses parcours. Avec le soutien financier de la Région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 40 %, le syndicat prend en charge l’achat de fournitures (grillage) et des plantes mellifères (racines nues). « Le producteur n’a pas de frais à engager, si ce n’est du temps passé à la plantation. Il recevra même une prime si le travail est correctement réalisé », note Patricia Nifle. Par cette initiative, 400 parcours ont d’ores et déjà été plantés, pour près de 200 éleveurs concernés par le projet.

Une multitude de services

Ainsi, le parcours aménagé génère une multitude de services, qu’il convient de mieux appréhender. A ce titre, le projet Casdar2 Bouquet (2017-2020) « vise à rendre compte des services pouvant être rendus par un parcours de volailles », explique Geoffrey Chiron, chargé d’études à l’Itavi Lyon. Cinq catégories ont été retenues : la production de ressource et de valeur (revenus de l’éleveur, approvisionnement en produits agricoles, investissement à long terme) ; la qualité de vie de l’éleveur (amélioration des conditions de travail) ; les relations éleveur-consommateur-citoyen (réponse aux attentes sociétales sur l’environnement, le bien-être animal et les échanges) ; le bien-être animal en lui-même (thermorégulation, stimulation de l’appareil musculosquelettique) ; enfin, l’intégration territoriale (création d’emplois locaux, esthétisme du paysage, contribution à l’identité territoriale avec les signes de qualité de type IGP ou AOP…).

Ce cadre définit ainsi des indicateurs précis permettant aux éleveurs et/ou techniciens d’évaluer leurs parcours et de réfléchir aux aménagements les plus adaptés à l’exploitation en question. Cette méthode sera déployée sur une vingtaine d’élevages du Sud-ouest avec la mise en place d’une démarche d’appui technique collectif. Sa version finalisée devrait être disponible à l’automne 2021.

Dans la même lignée, une approche ludique a été créée pour sensibiliser les acteurs à l’aménagement du parcours. Des outils ont été élaborés sous forme de jeux : Rami fourrager, Ruralis, Mission Ecophyt’eau. L’Itavi vise entre autres, à faciliter l’appropriation des notions transmises et les interactions entre les acteurs de la filière et à se libérer des préjugés et résistances au changement. Encore en prototypes, ces jeux seront prochainement testés dans les lycées agricoles ou au sein de groupes d’éleveurs, en vue d’une diffusion finale dans les ateliers de formation.

Amandine Priolet

1. Conférence en ligne.
2. Le compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » (CASDAR) est un levier pour accompagner la transition agro-écologique de l’agriculture française.