Documentaire
Sortie dans les salles de Mission régénération

Destiny Films diffuse depuis le 9 novembre, au cinéma, un documentaire sur l’agriculture régénératrice. Avec parfois des accents de film de propagande comme les Américains savent faire, « Mission régénération » fait tout de même prendre conscience que l’agriculture constitue l’une des meilleures solutions pour soigner la planète et les conséquences de son dérèglement climatique.

A qui s’adresse ce documentaire ? Quel est sa première cible ? Assurément pas la majorité des agriculteurs français et européens qui ont compris depuis déjà longtemps que le sol constituait leur principal outil de travail. Avec l’eau naturellement. Assurément, ce film de presque une heure et demie tente de convaincre les principales puissances économiques qui n’ont pas signé la Convention de Paris de 2015 (COP 21) que sont les États-Unis (*), la Chine et l’Inde notamment de s’engouffrer rapidement dans l’agriculture régénératrice qui, selon la définition américaine, s’appuie sur le pentaptyque suivant : avoir un sol couvert ; réaliser des semis sans travail du sol ; diversifier les cultures ; intégrer l’élevage et l’agroforesterie ; et enfin réduire les intrants.         

Petit et grand cycle

Le spectateur ne peut bien évidemment que rejeter le modèle des feedlots et des bêtes piquées aux hormones, ainsi que refuser l’entrée sur le territoire européen, de produits issus de la déforestation. En ce sens, le message véhiculé par les réalisateurs, Josh et Rebecca Tickell, écologistes convaincus, sonne juste. Ils ont aussi raison de souligner que c’est de la préservation des sols que pourront mieux pousser les plantes qui constituent de formidables capteurs de carbone. Les seules racines piègent 40 % du CO2.

C’est aussi à travers le couvert végétal que l’on parvient à également à créer les microclimats nécessaires à la formation des nuages : « Si 60 % de l’eau qui retombe sur la terre ferme provient des océans, 40 % provient du “petit cycle” », en lien avec l’évapotranspiration des plantes, le ruissellement et les infiltrations. Selon les réalisateurs, il est nécessaire de régénérer la Terre pour « restaurer les écosystèmes perdus, créer des réserves alimentaires abondantes, inverser le réchauffement climatique ». 

D’ailleurs les orientations du Green Deal, « Farm to fork » et « Biodiversité 2030 » élaborés par la Commission européenne poussent les agriculteurs à prendre cette voie de l’agriculture de conservation. On croise dans ce film le ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll à l’origine de l’Initiative 4/1 000 à laquelle la FNSEA a adhéré. Il ne cache pas sa déception de voir les grands de ce monde se détourner de ce dossier. On ne peut pas lui donner tort. 

Partisan 

Les réalisateurs ont été très malins dans le choix de leurs témoins faisant notamment appel à des figures emblématiques comme Tom Brady, le plus célèbre quarterback du monde, et joueur le plus titré de l'histoire de la National Football League. Avec son épouse, l’ancien mannequin Gisèle Bündchen (dont il est maintenant séparé), ils vantent tous deux une alimentation saine et équilibrée, c’est-à-dire végétalienne, qu’ils transmettent à leurs trois enfants. Très intéressante est également la conversion de l’éleveur Gade Brown, agriculteur conventionnel, qui a vécu quatre années d’intempéries de suite et à qui la banque ne souhaitait plus prêter d’argent pour acheter ses produits phytosanitaires. Il s’est donc replongé dans les cahiers de Thomas Jefferson (1743-1826), agronome et troisième président des Etats-Unis. « Comment faisaient nos ancêtres ? ». Il est donc reparti de presque zéro et vit aujourd’hui très bien de son exploitation. 

On regrettera parfois le côté un peu partisan de ce documentaire qui n’évoque qu’en passant la pression démographique que la Terre subit depuis 200 ans. Il ne rappelle pas ainsi que nous n’étions qu’un milliard de bouches à nourrir en 1820 contre 8 milliards maintenant. On aurait aussi aimé que les réalisateurs s’intéressassent à la manière dont on nourrit les urbains, car tout le monde n’a pas le bonheur d’habiter en ville et de posséder 3 600 ha pour y faire passer son troupeau. Il n’en reste pas moins que les pratiques culturales commencent à essaimer, avec succès, dans certaines zones du globe, notamment en Europe. Il manque aussi une donnée essentielle sur laquelle les réalisateurs auraient pu insister : le facteur temps. Comme le disait un ancien chef d’État français :« il faut donner du temps au temps ». En particulier, celui de réparer ce qui a été détruit, en atténuant et en s’adaptant. 

(*) Les Américains s’en sont même retirés sous Trump avant d’y revenir sous Biden 

Christophe Soulard