Les biocarburants vont monter progressivement en puissance pour accompagner la transition écologique de l’agriculture. Les ministres des Finances, de la Transition énergétique et de l’Agriculture se sont engagés dans ce sens. Interview de Luc Smessart, vice président de la FNSEA.
Quel bilan tirez-vous de la réunion du 26 octobre au ministère des Finances sur les biocarburants ?
Luc Smessaert : « Ce fut une réunion réellement constructive. Qu’il s’agisse du ministre des Finances, Bruno Le Maire, de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher ou du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, tous les trois ont estimé que les biocarburants étaient la solution à la transition énergétique dans les filières des bâtiments et travaux publics, de l’agriculture, des bois et forêts et du transport. Un tel discours aurait été inimaginable, il y a cinq ou six ans, ne serait-ce qu’en rêve. Tous les trois ont réaffirmé la nécessité d’accroître l’incorporation de biocarburants comme solution à la décarbonation des carburants d’origine fossile. Ce changement d’attitude des pouvoirs publics, nous le devons au travail constant et déterminé des agriculteurs, de l’AGPB, de la CGB, de la FOP ainsi que de la FNSEA, aux efforts de la filière pour améliorer leur durabilité, leur traçabilité et leur impact carbone. Il a d’ailleurs été salué par les ministres. »
Quelles annonces concrètes ont été faites ?
LS : « Bruno Le Maire a rappelé les mesures qui ont été prises dans le cadre de la loi de finances pour 2024, à savoir une baisse partielle de l’exonération de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) jusqu’en 2030 compensée par l’amélioration des dispositifs fiscaux agricoles ainsi que la mise en place d’un crédit d’impôt de la transition écologique à partir de 2025. Il a également réitéré la promesse faite d’une compensation à l’euro près des charges supplémentaires que vont subir les agriculteurs, comme le demandait la FNSEA. Et pour ce qui est des biocarburants, son intention est de faire progresser leur incorporation dans les carburants d’origine fossile en levant tous les obstacles réglementaires et financiers à leur mise en œuvre. Qu’il s’agisse de l’assouplissement des normes d’utilisation et des garanties des constructeurs qui ne maintiennent pas leur garantie en cas d’utilisation d’un carburant contenant plus de 7 % de biocarburant issu de la biomasse, ou du prix du biocarburant qu’il faudrait réajuster par le biais de la fiscalité. En effet, le carburant d’origine fossile reste encore moins cher à produire qu’un biocarburant, le différentiel étant de l’ordre de 20 €/hl avec un taux d’incorporation de 30 %. Une fois ces difficultés résolues le taux d’incorporation pourrait passer très rapidement de 7 à 30 %. L’objectif visé à plus long terme étant d’atteindre 100 %. Je ne cache pas que produire des céréales, du lait ou de la viande, avec des carburants produits sur la ferme France qui de surcroît contribuent à notre autonomie protéique a du sens pour les agriculteurs. »
Quelles sont les prochaines échéances ?
LS : « Ce rendez-vous a été le premier d’une feuille de route pour remplacer les carburants d’origine fossile par des biocarburants. Des groupes de travail vont se constituer pour travailler à l’évolution de la réglementation et à la compatibilité des matériels et des moteurs. De son côté, Bruno Le Maire a annoncé le lancement d’une expérimentation d’un carburant 100 % biomasse pour les flottes professionnelles captives disposant d’une logistique dédiée. Une deuxième génération de biocarburants devrait voir le jour fabriqués non seulement à partir de graines, mais aussi avec des plantes entières qui leur seraient dédiées. Des expérimentations sont d’ailleurs menées dans ce sens par la filière oléoprotéagineuse. Pour terminer et pour ce qui nous concerne, je souhaite la tenue d’une conférence biocarburants qui pause les bonnes bases. Je fais le vœu de voir les 4 % de terres consacrées à la jachère mobilisées pour la production de biocarburants et de biomasse. »