ADAPTATION
Le Giec invite à réconcilier climat et biodiversité

Pour adapter l’agriculture au changement climatique, le Giec appelle, dans son rapport publié le 28 février, à favoriser la restauration des milieux naturels. Les experts recommandent de se tourner vers des approches restaurant zones humides et rivières, arrêtant l’artificialisation des sols, diversifiant le paysage ou encore encourageant l’agroforesterie.

Le Giec invite à réconcilier climat et biodiversité
Hoesung Lee, président du groupe international d'experts sur le climat (Giec). ©Wikimedia

« C'est le premier rapport dans lequel nous reconnaissons aussi clairement l'interdépendance entre le climat, les écosystèmes et la biodiversité », souligne Hoesung Lee, le président du groupe international d'experts sur le climat (Giec), lors d'une conférence de presse le 28 février. Dans ce nouveau rapport sur l'adaptation au changement climatique, le Giec estime que plus de 50 % de la population, principalement les personnes les plus démunies à travers le monde, seraient désormais à risque face au changement climatique. Dans le secteur alimentaire particulièrement, les experts soulignent, sur la base de près de 34 000 études scientifiques, que « le changement climatique, y compris la hausse de la fréquence et de l'intensité des événements extrêmes, a réduit la sécurité alimentaire ». En Europe, poursuivent-ils, « des pertes substantielles de productions sont attendues dans la majorité des régions », qui ne seront pas compensées par les hausses de rendement en Europe du Nord. Des enjeux face auxquels, prévient le Giec, l'irrigation ne sera pas suffisante, puisque son efficacité « décroît avec la hausse des températures », et qu'elle peut même « avoir des effets indésirables », notamment en altérant les précipitations. Les experts recommandent donc de développer les variétés et races adaptées, mais aussi de se tourner vers les « approches qui travaillent avec les processus naturels », comme en restaurant les zones humides et rivières, en arrêtant l'artificialisation des sols, en diversifiant les paysages ou encore en encourageant l'agroforesterie.

Des débuts de réponse

La science de l'écologie a depuis longtemps prouvé ce lien entre le bon état des écosystèmes et leur capacité à répondre à un stress météorologique ou biologique, rappelle Thierry Caquet, directeur scientifique environnement de l'Inrae. « Les systèmes les plus résilients sont les plus riches », résume-t-il. Mais d'autres travaux sont encore nécessaires, selon lui, avant de comprendre précisément les services rendus par un cours d'eau ou une zone humide à une exploitation agricole. « Nous ne sommes pas encore allés au bout de l'exercice à l'échelle du paysage. Nous avons des résultats empiriques sur la présence de ravageurs dans les parcelles par exemple, détaille le scientifique. Mais pour comprendre précisément les interactions des fermes avec leur environnement, nous avons besoin d'intelligence artificielle, de modélisation, pour réellement intégrer toutes les variables de ces systèmes extrêmement complexes. » Quelques travaux commencent malgré tout à offrir des réponses concrètes aux pistes soulevées par le Giec. Thierry Caquet reconnaît la nécessité de construire une agriculture de résilience grâce à des pratiques comme l'agroforesterie, la restauration de ripisylves ou encore le développement des prairies permanentes. Mais ces développements occupent une place très mince par rapport à ceux dédiés à l'irrigation, aux semences, ou à la technologie, qui restent les techniques plébiscitées par la plupart des filières. Un chantier qui reste donc entièrement ouvert.

I.L.