L'arboriculture de la vallée du Rhône a été particulièrement touchée par le gel de la semaine dernière. Les producteurs réclament une année blanche.

Température - 6, production 0
Les élus politiques, les responsables professionnels de la chambre d'agriculture, de la FDSEA et des JA, des représentants de l'administration se sont rendus chez Luc Armanet pour constater les dégâts et apporter leur soutien aux arboriculteurs locaux.

« C'est un effroyable accident climatique. Tous les secteurs du département sont touchés », lance Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture de l'Isère en ouverture de la visite de l'exploitation de Luc Armanet à Bougé-Chamballut. Cette rencontre a été décidée en urgence la veille dès les premiers constats de dégâts provoqués par le gel.

- 2,6 près des bougies

Chambre d'agriculture, FDSEA, JA, les députées Monique Limon et Caroline Abadie, Jean-Pierre Barbier et Yannick Neuder, respectivement président du conseil départemental et vice-président de la Région, la composition du groupe qui s'est déplacé dans ce secteur du département prouve l'importance du moment. « Nous voulons être là, près de vous pour vous soutenir et recueillir vos réactions », explique Jean-Claude Darlet. Une réaction rapide très appréciée par les producteurs locaux groupés autour de Luc Armanet. Alain Ogier fait rapidement ses comptes : « Sur mes 45 hectares d'abricot, cerise et prune, 100% sont gelés ». Il a vécu six nuits de protection, brûlé 60 000 euros de bougies, face à des gelées entre – 5 et -10 degrés selon les secteurs. « Au niveau des bougies le froid atteignait - 2,6° ».

Jacky Chevallier fait état de 10 nuits à lutter dont 8 avec ses salariés rappelés pour mettre les chaufferettes.

Jérôme Jury avance lui aussi que 100% de ses 65 hectares ont gelé, « avec 160 000 euros de bougies utilisées en une nuit sur 45 ha ».

Les constats pour les fruits à noyaux du secteur sont sans appel : il n'y en aura pas en 2021. « Pour les fruits à pépins, il faut attendre 15 jours et voir ce qui va subsister », s'accordent à dire tous les producteurs. D'autant plus que des gelées sont toujours possibles jusqu'au mois de mai. « Mais le peu qui sera ramassé sera de qualité industrie et ne payera pas la main-d'œuvre pour la récolte.»

Pas de récolte mais du travail

Alors tous sont effondrés. « Il nous faut une année blanche sur nos charges, assène Jacky Chevallier, sinon nous serons morts l'an prochain. » Car pas de récolte ne dit pas absence de travail. Tout ce qui avait été investi pour la prochaine récolte, la taille, les engrais, l'a été en pure perte, mais les arbres déchargés de leurs fruits vont aussi développer du bois. Donc une taille en vert est nécessaire d'ici le mois de juin afin de préparer l'éventuelle récolte de 2022. « Je n'ai rien à faire du chômage partiel pour mes permanents, clame pour cette raison Jérôme Jury. J'ai besoin d'eux pour repartir. La situation est gravissime bien au-delà du secteur isérois. Il en va de la survie de la production fruitière française. Il faut maintenir l'outil de production qu'est le verger français. Notre secteur est dans la même situation d'arrêt d'activité que les stations de ski. » Il suggère donc des interventions publiques analogues à celles prises pour le secteur de la montagne ou pour sauver Air France.

Lenteur inadéquate

Les élus présents écoutent attentivement et ne veulent pas faire de promesses en l'air. Les députées « feront remonter les messages mais ne maîtrisent pas les budgets ». Yannick Neuder et Jean-Pierre Barbier « promettent une solidarité et des interventions, mais après un recensement des besoins et une analyse au cas par cas comme il a pu être fait pour la nuciculture en 2019 ». Jérôme Crozat, président de la FDSEA, rappelle que « même au plus fort de la crise Covid en 2020, les agriculteurs ont continué à travailler pour nourrir la France. Un effort doit être fait par rapport au prix et aux débouchés agricoles. Les restaurateurs qui rouvriront en mai, devraient acheter français. » Pascal Denolly, administrateur de la FDSEA et producteur venu en voisin dénonce « la lenteur du traitement des dossiers en inadéquation avec les réalités du terrain. Il faut faire des avances immédiates sur les sommes potentiellement perçues au titres des calamités agricoles ou d'interventions spécifiques et procéder à des soldes à la fin du traitement du dossier. »

Un an et demi sans trésorerie

Car de nombreux arboriculteurs n'auront une nouvelle trésorerie qu'en septembre 2022, avec les ventes de la récolte 2022. Ils ont donc un an et demi à passer avec des charges qui vont courir jusque-là. Françoise Thévenas, présidente de la MSA Alpes du Nord, productrice locale également, indique que la MSA interviendra « mais ce ne sera qu'une goutte d'eau face aux situations vécues par les arboriculteurs ». La vigilance sera de mise face aux détresses financières mais aussi psychologiques.

 

Jean-Marc Emprin