Faune sauvage
C'est la saison des dégâts de blaireaux

Les maïs sont régulièrement attaqués par les blaireaux à partir de la formation de l’épi. Les déprédations et les risques pour les élevages sont financièrement coûteux.

C'est la saison des dégâts de blaireaux

Comme toujours, les trous sont impressionnants. Dans l’exploitation de Didier Annequin à Doissin, on peut trouver assez facilement des terriers de blaireaux, chez lui, comme dans de nombreuses exploitations du secteur car l’animal pullule depuis quelques années. En soi, l’exploitant n’en veut pas spécialement à ces hôtes présents bien malgré lui. Mais les dégâts qu’ils font dans les champs de maïs sont importants. « On a remarqué des attaques dès le 14 juillet, au moment où s’est formée la poupée (l’épi vert, ndlr) du maïs », explique-t-il. Un pied, puis un autre, et encore un. Finalement, ce sont des centaines de pieds qui finissent par être détruits. « On sait que ce ne sont pas les sangliers qui font ces ravages parce qu’ils n’ont pas le même modus operandi. Là, les grains sont enlevés délicatement, presque un par un. Un sanglier est plus rustre, il casse l’épi en deux, l’abîme vraiment. »

Invisibles du bord

Même s’il peut être plus « délicat », le blaireau n’en couche pas moins de beaux volumes. Des rangées entières ou des ronds dans les parcelles, pas toujours visibles depuis le bord des champs, marquent le passage régulier des nuisibles. « Ils sont difficiles à voir car ils sortent tard le soir, pas avant le coucher du soleil, et dès que l’aube arrive, ils disparaissent. » Tous les champs ne sont pas logés à la même enseigne. L’animal a une préférence pour le maïs et privilégie certaines parcelles plus que d’autres. Didier Annequin n’arrive pas à identifier des critères communs de prédilection. Peut-être une proximité des terriers vis-à-vis des sources d’alimentation, mais il semblerait que le quadrupède n’hésite pas à parcourir aussi de belles distances pour se rendre dans un champ prometteur.

Trous dangereux

« De nombreuses exploitations et plusieurs communes subissent cette présence excessive de blaireaux », signale l’exploitant. Des destructions de pieds de maïs au creusement de terriers toujours vastes dans les parcelles pour peu qu’il y ait une déclivité, les exactions sont fréquentes. « Je me suis enfoncé deux fois, une avec le tracteur et l’autre avec mon 4x4 dans une excavation qui s’est effondrée sous le poids de l’engin. Compte tenu de la pente, cela peut être dangereux parce que déclencheur de tonneaux. Cela dépend des circonstances. » Et quelquefois source d’un bon travail supplémentaire pour extirper l’engin du trou.

Les agriculteurs se trouvent un peu démunis devant cette bête nocturne. Bien que chassable, il n’attire pas l’engouement des chasseurs parce qu’il ne se mange pas. Il est difficile à observer au regard de ses mœurs et n’est pas déclaré nuisible. « La mise en œuvre de protection des cultures est source de travail fastidieux et coûte cher. Un de nos voisins a vu ses semis de maïs en 2022 grattés dès l’implantation. On reconnaissait bien les traces des griffes qui prélevaient superficiellement les grains tout juste semés. cette année, ça n’a pas été le cas, mais il subit également des dégâts comme nous. Il vient de poser 3,5 km de clôture à sanglier autour de ses parcelles. Il y a le coût, le travail engendré pour la mettre puis l’entretien. Parce que le premier fil est à 10 cm. Il faut y passer régulièrement pour maintenir l’isolation électrique. »

« Il n’y a pas eu suffisamment de remontées de terrain au sujet des dégâts », déplore Elodie Charamel, conseillère technique de la FDSEA de l’Isère, gestionnaire du dossier pour le compte de la Chambre d’agriculture départementale. « Pourtant, de nombreuses enquêtes ont été mises en place durant la dernière année. » Mais la surcharge administrative des exploitants à qui l’on demande de réaliser de très nombreuses déclarations en décourage beaucoup. De son côté, Norbert Moulin, en charge du dossier à la DDT, indique répondre aux demandes de régulation quand il y en a. Mais « elles restent rares ».

Jean-Marc Emprin

Du travail non payé

Eric Guillot à Doissin, s’en serait bien passé. Devant une présence avérée de blaireaux dans ses maïs, il a été obligé de clôturer ses parcelles. « Je viens de passer quatre jours à poser 7 km de fils autour de mes 15 hectares attaqués. Ça fait mal au cœur de voir les dégâts qu’ils font. J’ai entouré cinq parcelles d’un fil à environ 10 cm de haut et le deuxième à environ 20 cm au-dessus. A la fin, j’en avais plein le dos ! » D’autant plus que personne ne prend en charge le moindre de ces coûts. « C’est une dépense d’environ 1 200 euros entre les fils et un poste électrique sur batterie solaire que j’ai été obligé d’acheter. La moitié des parcelles est à proximité de la ferme, je peux donc utiliser un branchement secteur, mais les autres sont un peu plus éloignées et le poste supplémentaire était obligatoire. » Un passage de débroussailleuse sous le fil est évidemment obligatoire et l’éleveur espère ne pas avoir à y repasser plus d’une fois d’ici l’ensilage envisagé autour du 10 septembre.

JME

Les dégâts provoqués par les espèces sauvages

Nouvelle calamité

Les grands corbeaux des montagnes migrent vers la Bourbre et l’Hyen. « Ils ont pris de nouvelles habitudes. Avant, il n’y en avait pas dans la région. Ce sont de grands oiseaux de presque 2 mètres d’envergure. Ils se perchent sur le toit d’une stabulation et attendent les vêlages. Si le travail de la vache est un peu lent, ils n’hésitent pas à venir piquer les yeux des veaux en train de naître ou s’attaquent au cordon ombilical », explique Didier Annequin, devant cette nouvelle contrainte pesant dans les élevages. « En ce moment (juillet-août, ndlr) on les voit moins. Ils sont peut-être partis vers la zone de déchets à ciel ouvert de La Tour-du-Pin. Mais quand il y a des mises bas, ils se donnent le mot et reviennent nombreux. »

JME

 

Les dégâts provoqués par les espèces sauvages

Une exploitation ancrée au territoire
L'exploitation est organisée autour d'une unité de 100 hectares d'un seul tenant facilitant beaucoup les déplacements des hommes, des animaux et du matériel. Elle fait vivre 5 associés et un salarié.

Une exploitation ancrée au territoire

 L'exploitation de Didider Annequin compte 5 associés et un salarié. Une exploitation moyenne au regard du nombre d'unités de main d'oeuvre. Une rationalisation des pratiques et de l'organisation a permis la conservation de cette dynamique.

 

« L’année est correcte », estime Didier Annequin en passant au milieu de ses parcelles en train d’être enrubannées. « Nous en sommes à la troisième coupe et la qualité à chaque fois a été bonne. » Ses terres situées en haut de la commune gardent mieux l’humidité que les terres plus caillouteuses du bas, plus filtrantes. Un soulagement pour cet agriculteur qui voit le spectre 2022 franchement s’éloigner. L’hiver a été un peu sec mais les pluies sont arrivées au bon moment pour les fourrages et les maïs. « En plus, les cours de la viande remontent. Les acheteurs se sont aperçus qu’à force d’essorer le torchon, ils aboutiront à ne plus avoir de producteurs en France et qu’ils vont devoir importer. Ils finissent par réfléchir. » Le quinquagénaire reste donc optimiste d’autant plus qu’il mène avec ses quatre associés et son salarié une exploitation bien assise. « Nous avons 70 vaches laitières, une centaine de vaches allaitantes, 11 000 poules pondeuses et 271 hectares dont 200 hectares de prairies naturelles au total pour l’exploitation ». La partie des hauts de collines, plutôt plate ou labourable est destinée aux céréales ou à l’alimentation des bêtes ; le reste situé dans les pentes n’est pas mécanisable. L’élevage extensif est donc indispensable.

Equilibre famille métier

« J’étais à l’origine avec une exploitation plus petite et mon ambition n’était pas de grossir, mais avec Morgan Collomb nous entourions une exploitation d’un cousin qui voulait s’assurer de la bonne continuité de ses terres. Nous avons fini par tout rassembler pour garder une qualité de vie, mes associés craignant qu’à terme ils doivent choisir entre leur métier et leur famille. Nous avions déjà l’habitude travailler ensemble pour les travaux de récolte ou de semis, le pas n’a pas été difficile à franchir. » Un choix judicieux puisque le foncier a été rationalisé. Un cœur de 100 hectares d’un seul tenant facilite les déplacements des bêtes ou du matériel. « Nous n’utilisons pas de télescopiques parce que nous nous déplacerions trop lentement. Nous préférons nos tracteurs avec une fourche, nous pouvons quasi tout faire avec. Tellement que certains croient que nous n’avons pas le permis auto », ajoute-t-il avec un brin d’humour.

Le cœur des terres de l’exploitation est entouré de quatre bâtiments dédiés aux différents troupeaux. « C’est un avantage à l’usage parce que cela nous rapproche finalement des terres. Un siège d’exploitation central entouré des terres serait éloigné de certaines parcelles. La répartition par lot des bêtes dans des bâtiments éloignés facilite également la maîtrise sanitaire du troupeau. » L’éleveur y est attentif depuis des cas de grippe l’an dernier sur quelques laitières. L’événement a été limité, « mais depuis nous vaccinons systématiquement même si cela coûte cher ».

Prévoir la suite

L’exploitation est aujourd’hui stabilisée dans son fonctionnement. « Je me pose des questions quant à ma succession et à celle de ma femme qui ne devrait intervenir que dans une dizaine d’années, mais il faut toujours anticiper », révèle Didier Annequin. Heureusement , le tissu de jeunes agriculteurs est relativement dense dans le secteur. Il permet une bonne dynamique et évite un sentiment d’isolement des plus jeunes professionnels.

JME