Blocage de l’A48
Les agriculteurs installés à Catane ont « gagné la bataille de l’opinion publique »

Isabelle Brenguier
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Les agriculteurs installés à Catane  ont « gagné la bataille de l’opinion publique »
Installés sur l'A48 depuis le 26 janvier, les agriculteurs ont levé le barrage le 2 février.

En ce vendredi 2 février au matin, alors que le barrage de l’A48 au niveau du Pont de Catane à Grenoble est en train d’être levé, Cédric Ruzzin, agriculteur à Poliénas, est très fatigué. Epuisé même. Mais il est aussi très content, très fier, de ce que les agriculteurs ont accompli durant ces huit jours.

« Un tel blocage, cela ne s’était jamais fait. Cela n’était d’ailleurs même pas prévu au départ. Mais de quelques-uns à s’être montés la tête, on a été soutenus et relayés tout au long de la semaine. Nous étions entre 60 et 70 la journée, 150 à 200 pendant la soirée, et un noyau à rester pour la nuit. On sait bien que tout n’est pas réglé, qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, beaucoup de discussions à mener, mais on part avec des petites avancées. Des brèches ont été ouvertes. On est contents aussi que les préfets reprennent la main sur certains dossiers. C’est sûr qu’on va rester très mobilisés, très attentifs quant à la suite qui sera donnée. Et si cela n’avance pas assez -pas assez vite aussi-, on reviendra », assure l’agriculteur qui a passé toute la semaine sur le site.

Scènes insolites

Cédric Ruzzin est convaincu qu’il y aura un avant et un après cette mobilisation. « D’une part, je pense que le gouvernement a ouvert les yeux sur l’enjeu de la souveraineté alimentaire. Et d’autre part, le regard de la population sur le monde agricole a radicalement changé. La bataille de l’opinion publique, nous l’avons gagné. Nous avons reçu énormément de témoignages de soutiens et de dons de la part des passants et des riverains. Tous les jours, ils nous apportaient des croissants et des boissons chaudes le matin, de la charcuterie et des saucisses le midi et le soir. Nous avons dû mettre en place une gestion des stocks tellement nous avons été approvisionnés. Beaucoup nous demandaient : « De quoi avez-vous besoin ? Que pouvons-nous faire pour vous aider ? » Jusqu’à nous proposer de venir prendre des douches chez eux ! Cela parait incroyable que des gens puissent ainsi ouvrir leur porte à des inconnus. Cela nous a beaucoup touchés. Cela nous change tellement de l’étiquette de pollueurs qu’on nous avait collé », raconte ainsi le leader du site.

Les manifestants vont rester marqués par ces quelques jours si différents de leur quotidien. Ils ont assisté à bien des scènes insolites, hors du temps pendant la semaine et durant le week-end, quand l’A48 est devenu un terrain de jeux géant pris d’assaut par les familles venues jouer à la pétanque, au tennis, par les parents qui ont appris à leurs enfants à faire du vélo… Ils n’oublieront pas tous ces instants.

Très fort soutien

La mobilisation a aussi permis aux agriculteurs de resouder des liens grâce au temps passé ensemble et aux nombreux échanges réalisés. Agriculteur à Vinay, Cédric Mounier n’est pas coutumier de ce genre de manifestation. D’ailleurs, si le blocage avait été violent, il n’y serait pas allé.
Mais ce n’était pas le cas et venu plusieurs nuits durant la semaine, il l’assure : « je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu mon temps. Oui, c’est fatiguant. Mais cela fait du bien de voir autant de personnes impliquées. Il y a eu de bonnes discussions entre collègues. L’ambiance était bonne. Et les annonces faites jeudi 1er février vont dans le bon sens. Les agriculteurs ne vont rien lâcher pour qu’elles soient effectives. Je pense aussi qu’on a gagné en considération, de la part du gouvernement et de la population. Avant cette mobilisation, nous n’avions que du mépris. On nous accusait de tous les maux. Là, nous avons bénéficié d’un très fort soutien. J’espère vraiment que les choses vont changer. J’y crois ».

Certes, les acquis ne sont pas tout à fait à la hauteur de leurs espérances, mais les nombreux agriculteurs qui ont participé au blocage comptent bien obtenir encore dans les jours, semaines et mois à venir. Ce blocage, ils l’ont fait une fois. Et ils sont prêts à le refaire si cela était nécessaire. A bon entendeur…

Isabelle Brenguier