Commerce
Magasins de producteurs : se différencier sur des marchés concurrentiels

Cerfrance a publié une étude sur la santé des points de vente collectifs en région et a invité des experts à débattre autour de leur avenir.
Magasins de producteurs : se différencier sur des marchés concurrentiels

« Ce n'est pas un effet de mode, mais une vague de fond », estime Anne-Marie Schmutz d'AMSP Conseil.

Invitée de Cerfrance Isère pour débattre, à Moirans, de l'avenir des magasins fermiers qu'elle accompagne depuis 20 ans, elle observe une explosion des circuits courts. Une tendance qui se décline « en beaucoup de choses et crée une confusion chez le consommateur ».

La GMS ne s'y est pas trompée, saisissant l'opportunité pour vendre du « made in pas très loin d'ici », selon l'expression de l'experte. Pour elle, le premier facteur de différenciation est que « le point de vente collectif rassure » en apportant « des garanties que d'autres enseignes n'apportent pas ».

Elle recommande « d'être à l'écoute des signaux faibles » comme le développement du vrac et l'évolution des modes de consommation.

Plein, propre, balisé

Olivier Michel, cofondateur de Via Terroirs, une plateforme de solutions BtoB pour les producteurs et acheteurs sur les marchés locaux, délivre quelques conseils en matière de stratégie alimentaire, son domaine d'expertise.

Il commence par les basiques : « Aller chercher la préférence client. Votre premier levier, c'est votre capacité à créer du lien entre le client et le producteur. Votre force, c'est d'être acteur du territoire ». Un magasin fermier, c'est avant tout un sourire, un bonjour, un merci.

Autre incontournable : le plein, propre, balisé, « afin que le client se pose le moins de questions possibles ». Proposer une animation « pour donner au client une raison de venir » fait aussi partie des atouts des points de vente collectifs.

Les producteurs peuvent aussi aller plus loin en créant « du lien avec le tissu professionnel du territoire, restaurateurs, RHD ». Olivier Michel suggère également le service Point relais, une valeur sûre pour attirer la clientèle, ou encore le drive.

Une histoire à raconter

C'est précisément ce qu'a créé il y a trois ans Frédéric Marcouyoux : le Drive Fermier 21, qui réunit 35 producteurs. « Il s'agissait de faire gagner un peu tout le monde, les producteurs et le consommateur en mutualisant l'acte de vente ».

Il poursuit : « Ce n'est pas vendre un produit, mais se vendre soi. Ce n'est pas une tranche de jambon qu'on trouve n'importe où, mais votre tranche, c'est-à-dire une personne, un environnement, un contact. » Sur le site de commande du drive, le story telling est à l'honneur. « Il faut chercher à se rendre unique plutôt que de faire comme les autres », recommande le producteur d'escargots.

Entrer dans les villes

Enfin, Antoine Pulcini, créateur de Promus, une start-up de logistique savoyarde dédiée aux circuits courts, a pour ambition de « réduire les temps de collecte et l'impact carbone ».

Il affirme que « les circuits courts sont deux fois plus polluants que les circuits longs ». En comblant ce maillon faible et en jouant la transparence, la société livre les restaurateurs, les crèches et toute la RHD(1).

 

Cerfrance a présenté ses résultats économiques sur les magasins fermiers aux adhérents de l'Isère.

 

« Le plus important est d'expliquer », estime avant tout le startuper. La question du prix est transversale à toute ces analyses. « Il faut être conscient de ses coûts de production. Cela permet de savoir jusqu'où aller dans l'ajustement de ses prix de vente et de tenir compte du coût de la logistique », déclare Antoine Pulcini.

Une logistique qui permet aussi de rentrer dans les villes. Il ajoute : « faut vraiment pas bricoler. » Le professionnalisme est de mise tant du côté de la production que de la vente.

Matthieu Ziegelmeyer, le directeur de Cerfrance Isère, préconise à cet effet de surveiller les postes achat : fuel, engrais, immobilisation que l'on peut traduire en impact carbone, un sujet sur lequel les producteurs peuvent communiquer.

Isabelle Doucet

(1) Restauration hors domicile

 

Résultats / Les points de vente collectif observent une croissance de leur activité de 6%.

Des chiffres d'affaires supérieurs à un million d'euros

Les magasins fermiers ont le vent en poupe. Aussi Cerfrance s'est penché pour la troisième fois sur les résultats économiques des points de vente collectifs.
« D'un point de vue comptable, est-ce que ça va continuer ? » interroge Romain Lecomte, responsable conseil à Cerfrance Isère, lors de la présentation le 10 février à Moirans. L'échantillon étudié est composé de 28 magasins sur la centaine de points de ventes clients adhérents au réseau comptable.
Ce focus montre combien l'implantation d'un magasin, en zone commerciale de préférence ou en zone non commerciale passante, « est un facteur clé pour avoir un fort chiffre d'affaires », commente Anaïs David-Cavaz, comptable conseil à Cerfrance.
Les autres leviers sont le nombre d'associés et de dépôts-vendeurs : plus ils sont nombreux et mieux le magasin tourne. Dans le quart supérieur de l'échantillon, les effectifs sont de 12 associés, 21 dépôt-vendeurs et 2,5 équivalents temps plein.
Viande de porc et légumes frais

La conseillère note aussi une forte dispersion du chiffre d'affaires, de 6 000 euros à plus de 16 000 euros par m2. Le chiffre d'affaires moyen par magasin a dépassé en 2018 le million d'euros, observant une hausse de 6%. Il est de presque 1,9 million d'euros dans les points de vente les plus performants (+16% par rapport à 2016).
Autre tendance, le taux de commission (qui paye les charges du magasin) est en baisse de 1,8 point pour les associés. Il s'établit à 11,9% en moyenne régionale et 7% pour le quart supérieur. Il est plutôt stable pour les dépôts-vendeurs, autour de 25%. Par ailleurs, plus le magasin est gros et plus les charges sont importantes, surtout sur le poste du personnel.
Enfin, concernant les produits, la viande de porc reste en pole position des ventes (plus de 16% du chiffre d'affaires), suivie par les légumes frais (14%), la volaille et le canard (plus de 10%), les fruits frais (environ 8%) et la viande de bœuf (environ 6%).
« Il faut veiller à la place accordée aux produits qui marchent bien, comme les œufs et penser son linéaire en fonction de ces produits », explique la conseillère. Les œufs et la viande présentent le meilleur rapport CA/mètre linéaire. Quant au panier moyen, il s'établit à 26 euros et dépasse les 30 euros au mois de décembre.