Politique
Les candidats isérois donnent leur vision de l'agriculture

La FDSEA et les JA de l'Isère ont invité les candidats aux élections législatives dans deux exploitations. A Saint-Victor-de-Cessieu, chez la famille Morier-Genoud, des visions différentes des mesures en matière d'agriculture ont été avancées par les différents prétendants parlementaires.

Les candidats isérois donnent leur vision de l'agriculture

Certains avaient un bilan ou, au moins, une pratique des affaires publiques, d’autres leur envie d’apporter une expérience et un œil neuf. La FDSEA de l’Isère a rencontré plusieurs candidats aux élections législatives jeudi 2 juin, au sein du Gaec du Vallin, de la famille Morier-Genoud à Saint-Victor-de-Cessieu. 

De un à trois pas en avant

Le revenu des agriculteurs a figuré parmi les sujets principaux. Normal, il conditionne beaucoup de choses. « Les fermes se vident parce que pour attirer les jeunes, il faut que le métier soit bien rémunéré », assènent d’emblée les frères Morier-Genoud, qui ajoutent : « Depuis le début de la guerre en Ukraine, la viande est mieux payée alors que les achats sont plus locaux, preuve que les acheteurs peuvent mettre le prix quand ils le veulent ». Jérôme Crozat, président de la FDSEA de l’Isère, rappelle aux candidats que « le retour financier jusqu’au début des années 2000 était correct. Depuis, le revenu agricole s’est effrité. Les lois Egalim ont fait un pas en avant, mais il faut en faire encore deux ou trois pour être bien, car les GMS, les acheteurs ne sont pas des enfants de chœur. Nous avons besoin de renforcer les exploitations avec un vrai retour sur le prix ».

Une garantie de couverture des coûts pour Cendra Motin

Directement interpellée, la députée sortante Renaissance, Cendra Motin, a réagi. « La loi Egalim 1 n’a pas marché, Egalim 2 fonctionne mieux. Quand il y a une explosion des coûts des intrants donc des coûts de production, il faut une garantie de couverture de ces coûts. Nous y travaillons. » Pascale Pruvost (Renaissance) indique que « l’on doit aller plus loin dans la contractualisation. Toutes les filières ne sont pas encore concernées par cette loi. Il pourra y avoir une Egalim 3. Un comité d’évaluation départemental de la loi est à l’œuvre. » Jérôme Crozat confirme pour la filière laitière : « Egalim n’a rien résolu dans le lait, il faut des rapports de force, mais un prix ne se décrète pas. Le frein vient du fait que l’on ne change pas de laiterie comme ça, les éleveurs subissent donc la volonté de leur collecteur. » Un déséquilibre alimenté quelquefois par des échanges internationaux dénoncés par Elodie Jammot-Schwander, (Fédération de la gauche républicaine).

Ne pas tout ouvrir pour la Gauche républicaine

« Alors que nous avons beaucoup de lait en France et en Europe, il est envisagé d’ouvrir les barrières douanières pour la Nouvelle-Zélande, comme on l’a fait aussi pour les agneaux. Il doit y avoir des barrières quand nous sommes autonomes dans la production », avance-t-elle. Une position partagée en aparté par Yannick Neuder, candidat Les Républicains.  

Les grands patrons sont des assistés selon Lutte ouvrière

Le prix, Clément Borde de Lutte ouvrière, le traite par la critique du système : « Les grosses entreprises imposent leur diktat aux agriculteurs. Eux veulent vivre de leur travail, pas de la charité. Alors ils doivent s’insurger contre ce grand capitalisme. Les assistés actuellement, ce sont les grands patrons qui ont reçu des centaines de millions d’euros pour faire tourner leur boutique. Il faut changer tout ça. »

Manger à sa faim

D’autres candidats veulent renverser la table, ceux de l’alliance Nupes. Leurs représentantes « reconnaissent que les agriculteurs ont rempli la mission exportatrice qu’on leur a demandé, mais qu’ils ne peuvent pas changer tout seul aujourd’hui ce système dans l’impasse. Le contexte général de libéralisation ne peut pas s’appliquer au vivant. Il faut le rompre, mettre en place un protectionnisme solidaire et désobéir aux règles européennes prises par les libéraux… ». Emile Morier-Genoud, hôte de la matinée, fait remarquer cependant que « ce système a permis aux gens qui ont peu de moyens de pouvoir manger à leur faim ». 

Des stocks sont nécessaires

L’ancien exploitant a exprimé son regret vis-à-vis de la disparition des organismes stockeurs qui permettaient de réguler en partie le marché et avaient aussi un rôle de sécurité alimentaire. « Les prix augmentent aujourd’hui, parce que nous n’avons pas de stocks. ». Hubert Avril, administrateur de la FDSEA, confirme que « le néolibéralisme total a procédé au démantèlement des outils de régulation dans toutes les filières. Il faut revenir en arrière. La météo, les tensions internationales font que nous ne pouvons être sûrs d’avoir toujours des matières premières. En tant que futurs députés, vous devez faire le lien avec l’espace européen. Nos pays sont interdépendants. »

Soutenir l'installation est l'avenir selon Yannick Neuder

Un prix c’est l’assurance de voir arriver des jeunes. L’installation tout le monde y pense. Yannick Neuder le premier qui, au nom des différents candidats Les Républicains qui l’entouraient, a rappelé le fort soutien de la Région en matière d’installation, notamment avec une compensation programmée des baisses de DJA envisagées dès 2023. Une décision soutenue par Stéphane Blanchon (Reconquête) qui relève que « le gouvernement a échoué dans la défense du deuxième pilier de la PAC, et que la Région a raison de compenser ce manque à gagner pour les jeunes agriculteurs. Nous sommes capables d’être d’accord sur ces points car il faut des visions à long terme. Mais il faut aussi réfléchir à la transmission, qui est l’autre bout du dossier ». 

Bruno Gattaz veut éviter un centralisme ignorant

Bruno Gattaz, pour les Républicains, se montre pragmatique, en tant qu’ancien médecin. « Vous n’êtes pas à égalité avec d’autres pays aux normes différentes. Les cerises que l’on trouve sont importées alors que les traitements qu’elles ont subis sont interdits chez nous. Vous avez une surcharge de normes pénalisantes. Quand on met en place une zone de non traitement à dix mètres, beaucoup d’hectares sont exclus. Et que dire de la lutte contre l’ambroisie qui provoque d’importants problèmes de santé ? » Et il ajoute qu’il « faut une vision territoriale des sujets pour éviter un centralisme ignorant des réalités. »

Aurélien Clavel appelle les candidats à rester pragmatiques

Cette intermédiation, Aurélien Clavel, vice-président de la FDSEA, l’a reprise à son compte. « La pire des choses serait de mépriser les corps intermédiaires et le syndicalisme en particulier. Certains avancent que la FDSEA est dépassée. Mais nous regroupons le plus grand nombre de bio ou d’exploitations certifiées HVE dans le département. » Et il lance à l’adresse des candidats : « Ne vous laissez pas emporter par les aspirations sociétales. Il faut les entendre, mais elles ne doivent pas prendre le pas sur le réalisme. Les agriculteurs ont de vrais raisons de se plaindre. Ceux qui ne sont pas dans les champs au quotidien ne peuvent pas les comprendre d’emblée. » Ces rencontres poursuivent ce but. 

Jean-Marc Emprin