Confrontée à la pire récolte de blé depuis 41 ans, la filière française subit aussi de faibles prix. D’autres pays assurent l’équilibre du marché.
« Une année difficile attend la filière céréalière française », a prévenu le 29 août Gautier Le Molgat, patron d’Argus Media. Les agriculteurs connaissent des marges négatives, selon lui. Première explication, la moisson est faible. En blé, elle est « au plus bas depuis 1983 », indique Maxence Devillers, analyste du cabinet de conseil, parlant d’environ 25 millions de tonnes (Mt). En cause, des surfaces historiquement faibles, les pluies ayant perturbé les semis. Ces mêmes conditions météo ont entraîné une chute des rendements à 59,3 q/ha (- 20 % sur un an). Comme une double peine, les prix ne rattrapent pas la situation. Le blé vient même d’enregistrer son plus bas prix depuis quatre ans sur le marché européen. Sa cotation Euronext est descendue, le 26 août, à 189,50 euros la tonne. Car d’autres pays producteurs sont bien en rendez-vous. Pas tant dans l’Union européenne, où le Royaume-Uni et l’Allemagne sont aussi dans le rouge. Mais la Russie, un des principaux acteurs mondiaux, affiche « une récolte très correcte » à près de 83 Mt de blé (- 10 % sur un an), selon Argus Media. Les États-Unis, un autre poids lourd, se redressent à 54 Mt (+ 10 %).
La compétition est intense
La demande mondiale n’est, quant à elle, pas au beau fixe. L’Afrique du Nord dénote avec des besoins à l’import records de 19,5 Mt, en hausse de 2,4 Mt sur un an. Algérie, Maroc et Tunisie sont « traditionnellement de gros consommateurs de pain » et donc de blé tendre, rappelle Gautier Le Molgat, soulignant que les récoltes avaient été décevantes du fait de la sécheresse dans ces pays, surtout au Maroc, qui pourrait voir sa moisson largement amputée (entre - 40 et - 50 % par rapport à 2023 selon les estimations). Mais, fait marquant, trois gros acheteurs de blé de la mer Noire montrent des besoins à l’importation en baisse de 5 Mt : le Pakistan, qui enregistre une bonne récolte, le Bangladesh, à cause de problèmes économiques et d’une disponibilité correcte, et la Turquie par protectionnisme, Ankara ayant instauré un embargo à l’import jusqu’à mi-octobre pour protéger ses producteurs face à la chute des prix mondiaux. L’origine russe casse les prix afin de gagner des parts de marché sur d’autres destinations, comme le Maghreb, client traditionnel de la France. « La compétition est intense en ce début de campagne », note Maxence Devillers. Sur un marché mondial équilibré, les prix du blé ont peu de chance de franchement s’améliorer, selon lui. Des éclaircies ne sont toutefois pas exclues. « Il faut surveiller les besoins de l’Inde et de la Chine. » Leurs importations sont prévues en baisse, mais les deux géants démographiques n’ont pas démarré leurs achats.