Retour naturel du loup
La réalité agricole est dans la remorque !

La Ligue de Protection des Oiseaux et Jura Nature Environnement organisaient le 6 septembre à Champagnole une conférence sur le « retour naturel du loup ». Le débat qui a suivi la conférence a vite opposé deux mondes qui semblent irréconciliables. Gilles Tonnaire, éleveur en charge du dossier loup à la FDSEA du Jura, qui a participé à l’évènement, revient sur le déroulement de cette soirée animée.

La réalité agricole est dans la remorque !
Après la réunion, la discussion s’est poursuivie autour de la carcasse de la génisse prédatée le matin même

D’un côté à la tribune, Emmanuel Cretin « le spécialiste du Loup » présenté comme un oiseau de bon augure par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), de l’autre côté dans la salle, environ 40 % d’agriculteurs étaient présents, tous très concernés par le loup et ses récentes attaques, les autres participants étant venus pour s’informer, comme ces élèves très curieux en BTS à Montmorot. L’endroit était bien choisi. Le Rex à Champagnole, n’est-ce pas le nom donné à ce chien patou censé défendre et protéger nos troupeaux ?

Pour planter le décor, une éleveuse du Doubs, victime de plusieurs attaques, illustre l’argumentaire avec le cadavre de sa génisse retrouvé le matin même, sur sa remorque à l’entrée de la salle. Après 1h30 de présentation plutôt intéressante, faite de chiffres, de statistiques, de graphiques et quelques rares photos venant d’Italie, d’Espagne ou des Alpes, avec de rares exemples venant du Jura, le conférencier aborde la question de l’élevage et de l’agriculture de notre massif.

Le désarroi et le désespoir des éleveurs

Très vite, le loup du monde des bisounours, du petit chaperon rouge et des citadins provoque des réactions fortes chez les agriculteurs présents. Les éleveurs illustrent alors leurs propos et les argumentent par des exemples vécus récemment. De l’éleveuse de brebis laitières, du pépé qui a ses 6 agneaux dans son clos dans le village à l’agricultrice productrice de Comté qui vit chaque jour avec la hantise de nouvelles attaques sur son troupeau, en passant par le propriétaire du poney ou de l’âne attaqué, sans compter l’éleveuse allaitante qui se demande comment faire avec son troupeau qui ne vit que de l’herbe … ; Tous décrivent des moments difficiles, des nuits stressantes. On pouvait entendre leur désarroi et voir sur leurs visages leur désespoir.

Beaucoup ont essayé chien patou, barrières électriques 5 fils, collier anti-loup, hormones répulsives, flash lumineux, présence de louvetiers, parfois même des bénévoles de Férus ou bergers dans leur cabane. Mais sans réelle efficacité sur ces meutes de loups qui viennent se nourrir.

A court d’arguments, le spécialiste du loup opposé à tout tir de défense, reconnaît enfin que ce n’est pas simple !! mais répète que l’agriculture est bien responsable, que les syndicats agricoles n’ont pas été capables d’anticiper, mais sans en donner la recette, bien entendu !

La faute aux éleveurs, au comté, aux chasseurs…

En parlant de la filière comté, il se prend les pieds dans le tapis, hésite sur les mots face à un auditoire agricole très remonté. Il met également la faute sur les chasseurs qui détruisent le garde-manger du loup. Monsieur Lecomte, agriculteur dans les Vosges, autre spécialiste du loup, lui-même prédaté, réfute les propos du représentant LPO FNE (France Nature Environnement) avec un argumentaire de terrain, abordant même la question de quelques personnes attaquées, inconcevable dans l’esprit de monsieur Cretin. Pour lui la faute revient à notre environnement boisé, riche en haies et en biodiversité, la faute revient aux agriculteurs qui élèvent les proies préférées du loup, à la filière comté qui doit mettre au pâturage les animaux ou encore la faute aux chasseurs qui détruisent le garde-manger du loup ! Sans surprise, les uns et les autres n’étaient pas prêts de s’entendre sur le sujet.

Les éleveurs ont pourtant expliqué qu’ils n’étaient pas contre le loup en soit, mais qu’il est nécessaire de le réguler comme viennent d’en décider nos voisins Suisses, pourtant hébergeurs de la convention de Berne, avec fixation d’un seuil maximal sur leur territoire. Ce vendredi soir à Champagnole, nous avons malheureusement vu l’expression de deux mondes : l’un qui vit de militantisme, de dons et qui fait son salaire grâce au loup, et l’autre, celui des agriculteurs qui galèrent chaque jour dans une économie difficile pour assurer leurs revenus. Ce monde agricole a spontanément ressenti le besoin de faire durer la réunion dans la grande rue sans heurts et avec dignité autour de la carcasse de la génisse, car nous éleveurs, la réalité du retour du loup était dans la remorque !

Gilles Tonnaire

Le loup en chiffres :

-  12 000 animaux prédatés par le loup en France chaque année

-  5 meutes dans le massif jurassien (France et Suisse) pour minimum 25 loups

-  111 animaux ont été tués dans le Jura depuis le début de l’année (principalement des ovins) pour 30 attaques

-  1100 loups présents en France

-  204 loups tués en 2023

-  2 loups ont été tués par les louvetiers dans le Doubs ces dernières semaines dont le dernier en date le 06 septembre 2024 sur les hauts de Mouthe.