Déconfinement oblige, la session de la chambre d'agriculture du 23 juin s'est déroulée à huis clos, en présence d'une trentaine d'élus, de représentants des structures agricoles et de l'administration. La séance a permis d'ajuster le budget prévisionnel et d'adopter plusieurs délibérations relatives au projet de construction du nouveau siège de Moirans. Débattu en bonne intelligence, un projet de motion porté par la Confédération paysanne a été retoqué. Il dénonçait la concurrence faussée engendrée par l'importation de denrées alimentaires et demandait « la modification du traité de Lisbonne ».
Télétravail
Le volet administratif clos, le président de la chambre est longuement revenu sur la période de crise liée à l'épidémie de coronavirus. Saluant l'engagement des équipes, Jean-Claude Darlet a rappelé toutes les dispositions prises dans l'urgence par l'organisme consulaire. « Nous avons été très réactifs, s'est-il félicité. L'activité s'est globalement maintenue grâce au télétravail. Mais la crise a profondément modifié la façon dont nous conduisons habituellement nos actions. »
Face à l'urgence, la chambre d'agriculture a en effet pris le parti de dématérialiser certaines procédures, comme les déclarations PAC à distance, initiative plébiscitée par les agriculteurs. Les équipes sont également parvenues à finaliser les projets de bâtiments, former les agriculteurs et accompagner les projets d'installation, grâce à des outils innovants comme les « classes virtuelles, testées grandeur nature ».
Outiller les agriculteurs
Concernant la gestion de la crise elle-même, le site de la chambre a très vite accueilli une rubrique Covid-19. Actualisée en temps réel, cette rubrique s'est efforcée d' « outiller les agriculteurs sur les informations à connaître » et de venir en appui aux collectivités, notamment après l'annonce de la fermeture des marchés. A cette occasion, la chambre s'est mobilisée pour mettre en place des débouchés et des solutions de commercialisation alternatives, mais aussi faciliter l'accès aux produits locaux.
Pôle agroalimentaire
Autre chantier de taille : l'ouverture de la plateforme numérique du Pôle agroalimentaire aux non-adhérents. Une opération couronnée de succès pour ce qui est du nombre de comptes ouverts sur le site (70 producteurs, 80 transformateurs et 140 distributeurs), mais décevante en termes de mises en relation. « Il y a eu assez peu de business car, pendant la crise, les grands surfaces ont été au plus simple : elles ont resserré leurs approvisionnements sur leurs circuits habituels ou sur leur centrale, a expliqué Pascal Denolly, le président du Pôle agroalimentaire. Mais ça a permis de tester l'outil, d'en recenser les points positifs et les limites. » Une séance de travail avec deux gros opérateurs de la distribution est prévue prochainement pour apporter les modifications nécessaires et améliorer l'ergonomie du site (produits-locaux.ishere.fr).
Filières en difficulté
La crise a différemment affecté les filières. Si certaines productions ont su tirer leur épingle du jeu, comme l'a souligné Sandrine Gilloz, élue et productrice d'agneau à Saint-Siméon-de-Bressieux, notamment grâce à la demande ou à l'étalement des ventes, d'autres ont été confrontées à de graves difficultés. Jean-Claude Darlet a pointé le cas des horticulteurs-pépiniéristes, qui n'ont pas eu le droit d'ouvrir en Isère alors que leurs collègues de la Drôme y étaient autorisés. Certaines filières ont été « destabilisées », a pour sa part dénoncé Jérôme Crozat, président de la FDSEA et producteur de lait à Janneyrias. « Il y a eu une ruée sur les pâtes et le gruyère râpé, mais une baisse de la consommation des fromages AOP, a-t-il ajouté. Bon nombre d'entreprises ont baissé leur production, mais largement augmenté leurs marges. »
Les cerises françaises en voie de disparition
Producteur de fruits à Saint-Prim, Jérôme Jury a de son côté décrit la situation complexe de la filière fruits et légumes. Après un coup de semonce sur la fraise ou l'asperge, la crise a provoqué un « élan de solidarité » envers la production française, qui a profité d'une demande et de prix soutenus en raison de la fermeture des frontières. Dans le même temps, la profession a dû faire face à un manque de main-d'œuvre étrangère et expérimentée.
L'arboriculteur a aussi évoqué la menace qui pèse sur la production de cerises. « J'ai laissé 80% de mes cerises sur les arbres : elles étaient infestées de drosophiles suzukii, a-t-il précisé. Avant nous avions des dérogations pour des produits efficaces, mais c'est terminé. J'ai décidé de tronçonner tous mes cerisiers. Vous verrez que dans deux ou trois ans, il n'y aura plus que des cerises turques sur le marché. C'est la conséquence de mesures prises sans avoir pris en compte l'incidence sur les entreprises. »