Délinquance
Pas de répit dans les violences faites aux femmes

Isabelle Doucet
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Le nombre des faits de violence intrafamiliale augmente encore. En Isère, le comité local d’aide aux victimes poursuit son action pour les entendre, les accueillir et les accompagner.

Pas de répit dans les violences faites aux femmes
Sarah Marcato, déléguée départementale aux Droits des femmes et de l’égalité, Laurent Prévost, préfet et Eric Vaillant, procureur de la République.

Elles touchent toutes les classes sociales et tous les milieux de vie, zones urbaines comme territoires ruraux. Les violences intrafamiliales sont un fléau sans frontière, « qui ne diminue pas d’intensité dans le département », souligne Laurent Prévost, le préfet de l’Isère.
C’est le constat dressé à l’issue du dernier comité local d’aide aux victimes, dans le cadre de la semaine internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes, fin novembre.
Les chiffres sont sinistres : 2 581 faits de coups et blessures volontaires enregistrés en Isère en 2021, soit un millier de plus qu’en 2016.
Depuis le début de l’année, le nombre de faits a encore augmenté de 12 %.
La parole se libérant, « ce sont à la fois des faits anciens révélés et des faits récents », précise le préfet.
Dans trois cas sur quatre les femmes sont les victimes, les autres fois, ce sont le plus souvent les enfants qui trinquent.
Le procureur de la République Éric Vaillant pointe les fragilités comme l’alcool ou la précarité économique en tant que facteurs aggravants, car causes de disputes.
Il indique également que les faits de violence, qui représentaient 5 % des 350 comparutions immédiates en 2018, ont grimpé à 13 % en 2021.

Accueillir, accompagner

Depuis la signature du protocole (1) en février dernier, qui vise à coordonner l’action de l’État, des collectivités et des associations intervenant dans le champ de la violence, Laurent Prévost souligne cependant quelques avancées.
C’est par exemple l’augmentation du nombre de places en hébergement d’urgence, qui passe de 148 en 2018 à 241 en 2022.
Ou encore l’accent mis sur les attributions de logements sociaux pour les victimes. 217 femmes en ont bénéficié en 2022.
Le représentant de l’État insiste sur le volet formation des professionnels puisque depuis le début de l’année, 300 personnes, magistrats, travailleurs sociaux, agents de collectivités territoriales et forces de l’ordre ont été formées à l’accueil et l’accompagnement des victimes. Un secteur où de nettes améliorations ont été constatées…
« Ce sont des situations complexes, compliquées à gérer, où la formation est indispensable », appuie le procureur.
Enfin, le département est pilote sur le front de la prostitution et enregistre 32 renouvellements de parcours de sortie et 25 nouvelles demandes.

Former les professionnels

La feuille de route pour 2023 s’attachera à la formation des professionnels de la santé, abordant la question juridique du secret professionnel et de la détection de la violence. Les formations des intervenants seront également reconduites.
La lutte contre la prostitution et plus particulièrement celle des mineurs figure aussi dans les priorités.
Il s’agira également de renforcer la prise en charge des auteurs.
« Certains ne sont pas convaincus par cette mesure », souligne le procureur. Mais il constate que « les audiences sont de plus en plus occupées par des affaires de violences conjugales ».
Il ajoute : « Les peines classiques ne suffisent pas. La prise en charge des auteurs leur donne l’occasion de changer de comportement. »
Eric Vaillant cite l’exemple des stages organisés en Nord-Isère, qui ont accueilli 40 personnes en 2022.
Ce qui a permis à ces auteurs de violence, une fois passé le déni, de prendre conscience des conséquences de leur comportement, notamment des dégâts faits sur les enfants. « En général, la récidive est faible », assure-t-il. Le représentant du ministère public fait aussi état des changements intervenus dans la prise en charge des victimes depuis le confinement. « Les mains courantes ont été supprimées à Grenoble ». Elles sont remplacées par des auditions détaillées dont les procès-verbaux sont transmis au procureur et aux associations.
À l’issue de cela, une plainte peut être déposée ou l’enquête se poursuivre.
De la même manière, la convocation par le procureur est désormais systématiquement accompagnée d’un placement sous contrôle judiciaire jusqu’à l’audition.
Ces auditions, pour violences intrafamiliales, sont passées de 70 en 2018 à 210 en 2021. « Il y en a déjà 200 en 2022 », déclare le procureur.

Un maillage territorial

« C’est un travail de fond » et l’autorité judiciaire « n’a pas envie de se louper », sur ce type de contentieux, insiste-t-il.
Le parquet de Grenoble est un des rares en France à disposer d’une permanence famille.
Le département bénéficie en outre d’un maillage de référents pour identifier les phénomènes de violence intrafamiliale.
« Il y a 50 référents en gendarmerie », sur un effectif de 1 600 militaires, précise Sarah Marcato, la nouvelle déléguée départementale aux Droits des femmes et de l’égalité.
Elle mentionne aussi l’existence de 17 réseaux violence au sein des intercommunalités qui réunissent travailleurs sociaux, policiers municipaux et agents des collectivités territoriales.
Ce sont des lieux où sont identifiés et discutés les sujets de violence dans les territoires. Le dernier né des réseaux est à Pont-de-Chéruy.

Isabelle Doucet

(1) Protocole départemental de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales.