Vente des produits agricoles
Avec Egalim 2, les producteurs peuvent reprendre la main
Le Pôle agroalimentaire de l'Isère veut grossir
« Egalim 2 prolonge et accentue Egalim 1 ». C'est en ces termes que Simon Hotte, avocat associé au sein du cabinet Fidal, spécialisé en droit économique, présente la loi Egalim 2, portée par le député Grégory Besson-Moreau. Le sujet est complexe. Très complexe. Simon Hotte ne s'en est pas caché.
Mais il a profité de l'assemblée générale du PAA (Pôle agroalimentaire) de l'Isère tenue le 15 avril, pour l'expliquer et montrer les opportunités qu'elle offre, en particulier aux agriculteurs.
Globalité de la chaîne alimentaire
Egalim 1 était intéressante parce qu'elle était revenue sur le principe de la LME (Loi de modernisation de l'économie) qui avait enclenchée une telle guerre des prix entre les distributeurs qu'elle les avait amenés à venir chercher de la marge sur l'amont.
Elle avait aussi été innovante dans la mesure où, pour la première fois, elle prenait en compte la globalité de la chaîne alimentaire, du producteur jusqu'au consommateur, les coûts de production et limitait les promotions des denrées alimentaires.
Mais face à un bilan mitigé et décevant, Egalim 2 a vocation à aller plus loin, notamment au niveau des indicateurs et de la formation du consommateur. Simon Hotte donne pour exemple l'utilisation du terme de gratuité. « Il n'est plus utilisable car il est dévalorisant », insiste l'avocat.
Rédiger une première proposition
Egalim 2 prévoit une mise en cohérence complète des indicateurs de l'amont à l'aval et une continuité entre la production et la transformation même si elle s'insère au sein de régimes différents.
C'est-à-dire que la relation entre le producteur et son premier acheteur (qu'il s'agisse d'une organisation de producteurs, d'une coopérative, d'un grossiste, d'un industriel, d'un transformateur...) est régie par le code rural (comme avant).
Mais ensuite, quand l'un d'entre eux revend le premier achat agricole, la relation relève du code du commerce.
La question est tellement complexe qu'elle nécessite obligatoirement un passage à l'écrit pour tous les maillons. « A noter que c'est au producteur de préparer un projet de contrat et de le soumettre à son acheteur », souligne Simon Hotte, qui reconnaît que « c'est toute la différence entre le texte et la réalité de la pratique. Il y a des métiers où l'écrit n'est pas habituel mais il faut réaliser l'exercice et au moins rédiger une première proposition. Si le producteur n'arrive pas à finaliser le texte, l'acheteur peut, dans ce cas, soumettre une proposition. Mais, in fine, une fois l'accord conclu, la première proposition doit toujours apparaître pour permettre à l'administration de contrôle de vérifier que l'acheteur n'a pas abusé de son pouvoir de négociation ».
Clause de renégociation
Le contrat doit mentionner le produit, le prix (soit déterminé, soit déterminable par une formule), la quantité, les modalités de collecte ou de livraison dudit produit, celles relatives aux procédures et délais de paiement, la durée du contrat.
Celle-ci doit être au minimum de trois ans avec des conditions de renouvellement. « Car l'objectif de la loi est bien d'inscrire la relation dans la durée », indique le spécialiste. Il doit aussi inclure les coûts de production ou des indicateurs pertinents, ainsi qu'une clause de renégociation au cas où des événements extérieurs bouleversent les prix initialement fixés. « Si Egalim 1 n'avait pas bien fonctionné faute de disponibilité de ces indicateurs, aujourd'hui, les interprofessions sont dans l'obligation de les publier », précise Simon Hotte.
La tâche est certainement ardue. D'autant que, depuis de nombreuses années, les producteurs ont été dépossédés de l'acte de vente de leurs produits. Mais ardu ne veut pas dire impossible. Sa réussite est la condition pour que les agriculteurs reprennent la main sur l'élaboration du prix de leur produit. Le jeu en vaut la chandelle.
Isabelle Brenguier