Tourisme
L’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye rénovée

Morgane Poulet
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Figurant parmi les joyaux du Dauphiné, l’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye vient de connaître un coup de neuf, mettant en valeur son caractère exceptionnel.

L’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye rénovée
Une partie de la façade occidentale de l'église abbatiale de Saint-Antoine-L'Abbaye a été rénovée en deux ans.

Bâtie du XIIe au XVe siècle sous l’impulsion de l’ordre hospitalier de moines médecins des Antonins, l’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye a récemment été rénovée. De janvier 2020 à février 2023, 35 maçons et tailleurs de pierre se sont engagés sur le chantier de restauration de la travée centrale de la façade occidentale et de la partie basse du contrefort centre-nord pour permettre aux visiteurs un véritable retour dans le temps.
 
La pierre avant tout
 
L’église abbatiale a été construite à partir de pierres de molasse, qui, lorsqu’elles ont été sonnées une à une, ont révélé un état d’usure très avancé. Les éléments structurels ont ainsi dû être restaurés en priorité et un travail de remplacement important mené, car au fil du temps, l’eau a infiltré la pierre en profondeur. Or, la molasse ne supporte pas les ruissellements. Huit mois de travail ont été nécessaires pour restaurer chacun des blocs sculptés.
Une quantité importante de pierres a dû être remplacée, en particulier sur le meneau central de la baie axiale et sur les piédroits du portail central. Les blocs, parfois parcourus de légères fissures en apparence, étaient en réalité bien souvent très touchés de l’intérieur. C’est pourquoi un certain nombre de pierres sculptées, qui devaient au départ être conservées, ont dû être remplacées, leur état de fracturation et de désagrégation étant trop important. Les éléments sculptés disparus et sans modèle équivalent n’ont en revanche pas pu être substitués par des pierres sculptées, mais seulement par des blocs épannelés.
Afin de réaliser tous ces travaux de restauration, les compagnons engagés dans ce vaste chantier ont dû façonner leurs propres outils. En effet, le sur-mesure était nécessaire car il fallait s’adapter à la taille des motifs en creux, mais également à l’angle de chaque motif de dais et de fleurons sculptés.
 
Retrouver des couleurs
 
Des travaux d’ampleur ont également été menés pour nettoyer les sculptures des tympans au pinceau. Les grandes portes ont aussi pu être sauvées et ont retrouvé leur couleur d’origine, l’ocre jaune. Pour cela, des fragments ont été analysés en laboratoire, ce qui a révélé un vernis teinté à base d’huile de lin et d’oxydes de fer. Des relevés ont aussi été effectués pour retrouver des sculptures d’époque qui, après le passage des guerres et de la Révolution française, avaient disparu.
Mais ce sont surtout six toiles de Marc Chabry (1660-1727) qui ont été restaurées et qui ont retrouvé leur place. En effet, en 1690, le peintre lyonnais reçoit une commande émanant de l’ordre des Antonins et devant illustrer des passages de la vie de saint Antoine. Cette œuvre orne désormais le chœur de l’abbaye et, depuis 1911, est protégée au titre des monuments historiques. La restauration a principalement consisté à retirer des apports de matière ainsi que les outrages du temps, l’objectif étant de se rapprocher le plus possible des représentations originales.
Les tableaux représentent la sœur de saint Antoine redistribuant les richesses qu’il lui a léguées ; saint Antoine recevant la vision du Christ et de l’ange portant le Tau ; saint Antoine exhortant les martyrs d’Alexandrie ; saint Antoine prêchant devant sa grotte et prononçant l‘anathème contre les ariens ; saint Antoine guérissant les possédés en présence de deux philosophes ; saint Antoine guérissant la fille possédée sur la foi de sa mère.

Morgane Poulet
Le tympan a connu un coup de neuf pour mettre en valeur la qualité des sculptures.
Les peintures de Marc Chabry ont regagné leur place dans le choeur de l'église après avoir été rénovées.
Une église dédiée aux reliques d’Antoine l’Égyptien
Construite pour abriter les reliques de saint Antoine, l'église abbatiale se situe au coeur du village de Saint-Antoine-L'Abbaye.

Une église dédiée aux reliques d’Antoine l’Égyptien

L’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye a été construite pour abriter les reliques d’Antoine.

Au cœur du sud-Grésivaudan et de son paysage rythmé par les noyeraies, l’imposante église abbatiale de saint Antoine surplombe le village auquel elle a donné son nom. De style gothique, elle est érigée sous l’impulsion des Antonins, un ordre hospitalier de moines médecins qui rayonne en Europe au Moyen Âge et qui est fondé autour des reliques d’Antoine l’Égyptien, connu pour son pouvoir de guérison miraculeux sur les malades atteints par le « mal des ardents » (ergotisme).
Les reliques d’Antoine sont rapportées de Constantinople par un seigneur local, Geilin, pendant les croisades. En 1297, l’ordre hospitalier de saint Antoine s’installe et commence alors la fondation d’une église destinée à abriter les reliques, mais également à accueillir les pèlerins venus se recueillir auprès d’elles. Agrandie au XVe siècle, elle devient le cœur d’un village qui se développe au gré des pèlerinages effectués par des monarques venus de toute l’Europe.
Classée monument historique en 1840 par Prosper Mérimée, l’église abbatiale de Saint-Antoine-L’Abbaye est constituée de 17 chapelles intérieures. Elle regorge de peintures murales, de stalles en noyer, mais aussi d’un « trésor des Antonins », conservé dans trois chapelles. Pillé pendant les guerres de religion au XVIe siècle, il est reconstitué par l’ordre au XVIIe siècle avec des reliques et des objets précieux. Il s’agit du deuxième reliquaire de France après celui de la basilique Saint-Sernin de Toulouse.

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L’abbaye en chiffres

35 maçons et tailleurs de pierre engagés sur le chantier et œuvrant sur site ou en atelier
21,5 m3 de pierres remplacées
503 pierres changées
45 900 heures travaillées en maçonnerie et taille de pierre
2,6 millions d’euros toutes taxes comprises dépensés pour la restauration (financés à 44 % par le Département, à 40 % par l’État, à 15 % par la Région et à 1 % par Saint-Antoine-L’Abbaye)

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