CHAMBRE CONSULAIRE
Chambres d’agriculture : le spectre de la réduction budgétaire de retour

Malgré un financement préservé pour 2022, les chambres d'agriculture craignent de « se faire couper les ailes en plein vol » : l'État refuse de s'engager sur une stabilité budgétaire les années suivantes. Une « épée de Damoclès » pour le réseau engagé dans un vaste plan de modernisation, a rappelé l'APCA le 30 septembre.

Chambres d’agriculture : le spectre de la réduction budgétaire de retour
Les élus de l'APCA souhaitent ajouter au statut des chambres de nombreux éléments : intéressement global, primes sur objectif, rupture conventionnelle, télétravail, mobilité dans le réseau, etc.

« Nous n'arrivons pas à avoir un engagement de l'État sur la stabilité budgétaire, c'est extrêmement décevant », a déploré Sébastien Windsor, le président de l'APCA (chambres d'agriculture), lors d'une conférence de presse le 30 septembre. Les ressources des chambres prévues dans le projet de finances (PLF) pour 2022 sont stables, mais le réseau consulaire demande « une visibilité budgétaire sur trois ans au moins ». Une stabilité justifiée, selon Sébastien Windsor, car « on n'a jamais eu autant besoin qu'aujourd'hui d'accompagner les agriculteurs ». Et d’illustrer : « Nous avons 90 équivalents temps plein (ETP) mobilisés sur la réduction des traitements phytosanitaires. Avec le conseil stratégique sur les phytos, nous voulons embaucher une centaine de personnes en plus demain. » L'enjeu de l'APCA est aussi de maintenir la dynamique de son réseau autour du projet stratégique 2025. « Le risque, prévient son président, c'est que les chambres renoncent à se moderniser et taillent dans les budgets. »

L'exécutif se « garde des marges de manœuvre »

Selon Sébastien Windsor, le ministre de l'Agriculture - qui était présent à la session des chambres le 29 septembre - a « reconnu les changements que l'on a faits ». Mais « on a besoin d'obtenir le soutien de l'ensemble du gouvernement ». En refusant de s'engager sur la stabilité budgétaire, l'exécutif pourrait, analyse-t-il, « se garder des marges de manœuvre pour l'année prochaine ». Fin 2019, déjà, les chambres avaient échappé de justesse à une forte coupe budgétaire. Sur 750 millions d'euros (M €) de budget total des chambres, près de 37 % (284 M€) proviennent de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB), dont le niveau est fixé par le projet de loi de finances (PLF). Cette année, « notre demande était de + 2 % pour 2022, puis 0 en 2023, précise l'élu. Nous avons accepté 0 dès 2022, autrement dit de financer les embauches par un gain de performances. »

La Cour des comptes revient à la charge

Devant la presse le 30 septembre, l'état-major des chambres s'est donc employé à mettre en avant les premiers résultats de sa réforme qui prévoit de nombreux objectifs dans seize « domaines stratégiques ». Les chambres indiquent ainsi avoir sensibilisé à la transmission la quasi-totalité des agriculteurs en âge de céder leur exploitation en 2020 (15 050 sur 15 900) ou encore avoir accompagné 318 projets de filières et dispensé près de 8 450 « conseils stratégiques » (audit global, phytos, HVE, bas carbone). Le réseau des chambres a encore rencontré 442 intercommunalités et passé des contrats avec 297 d'entre elles, « en grande partie autour des projets alimentaires territoriaux (PAT) », précise Sébastien Windsor. Plus largement, le rapport de Stéphane Travert, député de la Manche et ancien ministre de l'Agriculture, « formulait trente demandes de mouvement, rappelle l'agriculteur de Seine-Maritime. Vingt-sept nous concernaient, vingt-six sont enclenchées et une bonne partie est même terminée. » Et de trancher : « Nous avons fait exactement ce qui était attendu de nous, voire plus. »

La réforme du statut des salariés piétine

Deuxième sujet d'agacement pour l'APCA : la réforme du statut des salariés des chambres, qui date de 1952 et manque d'attractivité, selon les élus. « Notre cadre de recrutement n'est pas très ‘‘ sexy ’’ pour les jeunes », déplore Sébastien Windsor, confiant avoir « un mal de chien à recruter ». « Notre secteur d'activité est sous tension, nous sommes en concurrence avec un certain nombre d'employeurs », appuie la directrice de l'APCA, Isabelle Chmitelin. Les élus souhaitent ajouter au statut des chambres de nombreux éléments souvent déjà en place dans le privé : intéressement global, primes sur objectif, rupture conventionnelle, télétravail, mobilité dans le réseau, etc. Le gouvernement a jusqu'à juin 2022 pour publier une ordonnance prévue par la loi Asap, permettant de démarrer les négociations. Ce texte doit définir les modalités des discussions : « La durée et le champ de la négociation, ainsi que les conditions de sortie : doit-on aboutir à une convention collective ou à autre chose ? » précise le secrétaire général de l'APCA, Christophe Hilairet. Or, « les organisations syndicales de salariés et nous-mêmes sommes déjà prêts à travailler ». Là aussi, le dossier semble piétiner pour des raisons politiques : « Des négociations sociales peuvent toujours faire un peu de vagues, analyse Sébastien Windsor. Ce n'est pas la bonne période pour ça. »

YG