Transmission
Mode d'emploi pour transmettre son exploitation nucicole

Isabelle Brenguier
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Dans le cadre du mois de la transmission organisée par la Chambre d'agriculture de l'Isère, une réflexion spécifique aux exploitations nucicoles a été menée. 

 

Mode d'emploi pour transmettre son exploitation nucicole
La Chambre d'agriculture de l'Isère a organisé une rencontre sur la transmission des exploitations nucicoles à Vinay, le 25 novembre.

Organisée par la Chambre d'agriculture de l'Isère le 25 novembre à Vinay, une rencontre était destinée aux nuciculteurs qui réfléchissent à transmettre leur exploitation. Elle avait vocation à leur faire découvrir les différentes étapes auxquelles ils seront confrontés durant ce parcours.

« L'anticipation est nécessaire », explique Anne-Caroline Mermet, conseillère transmission de l'organisme consulaire. Selon la technicienne, « dix à cinq ans avant, il importe d'y penser, d'en parler avec ses proches pour savoir s'ils sont intéressés pour reprendre l'activité ou des biens, et aussi à réfléchir à sa nouvelle vie ». La technicienne préconise aux exploitants de mettre en place les moyens destinés à transmettre leur savoir-faire (à leurs associés, leurs ayants-droits, leurs salariés ou leurs apprentis), à réduire leur charge de travail, et à maintenir leur exploitation attractive pour la reprise.

Différents scénarii

Cinq à trois ans avant la transmission, elle encourage les futurs cédants à se renseigner sur leur situation auprès du Point accueil projet de la chambre d'agriculture pour avoir toutes les informations concernant les conséquences fiscales de la transmission, les démarches à entreprendre en matière de donation ou d'héritage, le droit rural et les repreneurs potentiels. C'est à ce moment-là aussi, que l'agriculteur peut étudier ses droits à la retraite et vérifier sa situation administrative et juridique.

Plus tard, au moment de préparer son départ, entre trois ans et 18 mois avant, le cédant doit étudier plus concrètement les différents scénarii qui s'offrent à lui, entre une reprise par l'un de ses enfants, la recherche d'un repreneur ou la cessation de parcelles à ses voisins. L'estimation de la valeur de l'exploitation se situe à la croisée de sa valeur patrimoniale, de sa valeur de reprenabilité et de sa valeur économique. Si l'exploitant doit chercher un repreneur extérieur, il peut s'appuyer sur le Répertoire départemental installation (RDI), un outil qui met en relation les agriculteurs à la recherche d'un repreneur ou d'un associé et des candidats à l'installation.

Stage ou salariat

Quand il l'a trouvé et que les deux parties se sont mises d'accord, environ dix mois avant la transmission, il convient de mettre en place un plan d'action sur les modalités pratiques de la reprise. Cette période peut inclure un tuilage qui permet au cédant et au repreneur de travailler ensemble. « Cela peut avoir la forme d'un stage ou d'une expérience de salariat », précise Anne-Caroline Mermet. Elle est aussi l'occasion pour l'agriculteur qui veut prendre sa retraite de présenter son successeur aux propriétaires des parcelles qu'il exploite pour qu'ils signent les demandes d'autorisation d'exploiter, les promesses de bail ou de vente ainsi que les bulletins de mutation MSA.

Enfin, il arrive le temps de transmettre pour de bon l'exploitation. « Pour cela, le futur retraité dépose son dossier de retraite à la MSA, informe le Centre de formalités des entreprises à la chambre d'agriculture, signe les actes de transfert et transfère les aides PAC en rédigeant des clauses DPB (Droits à paiement de base) », conclut la jeune conseillère.

Isabelle Brenguier

Nuciculteurs à Saint-Romans
Florian Odier et Clément Charbonnel, deux jeunes nuciculteurs de la vallée de l'Isère, ont témoigné de leur installation au sein de l'exploitation familialale.

Nuciculteurs à Saint-Romans

Témoignages /

Clément Charbonnel du Gaec Veyrand et Florian Odier de l'EARL de Juillet viennent tous deux de s'installer au sein de leur exploitation familiale respective. Partage d'expérience.

Ils partagent plusieurs points communs. Tous deux sont originaires de Saint-Romans, dans le Sud-Grésivaudan. Tous deux sont fils de nuciculteurs. Et tous deux viennent de revenir dans la ferme familiale après avoir exercé une autre activité professionnelle à l'extérieur pendant plusieurs années.

A l'occasion de la rencontre sur la transmission des exploitations nucicoles organisée à Vinay, Clément Charbonnel du Gaec Veyrand et Florian Odier de l'EARL de Juillet ont évoqué le parcours qu'ils ont suivi pour s'installer.

Diversifier l'exploitation

Après 11 années passées en tant que chargé d'affaires, Clément Charbonnel a fait le choix de rejoindre ses parents au sein du Gaec Veyrand qui exploitent 30 hectares de noyers et autant de céréales. C'était en juillet 2019, après avoir suivi un BPREA durant les années 2018-2019. Mais comme l'exploitation n'était pas configurée pour rémunérer trois personnes, le jeune exploitant a créé un atelier de 12 000 poules pondeuses biologiques.

Les associés ont aussi commencé à convertir l'ensemble de l'exploitation en bio en 2020. « Ma formation m'a donné dix mois de réflexion pour ficeler l'ensemble du projet. Nous avons apprécié. Je me suis installé avec la DJA (Dotation jeune agriculteur) qui m'a permis de racheter les parts sociales au Gaec, sans faire d'emprunt, ni utiliser un apport personnel », explique l'agriculteur, qui ajoute : « S'agissant du poulailler, nous sommes en contrat d'intégration pour une durée de 15 ans, ce qui correspond à la durée d'emprunt du bâtiment. Grâce à une garantie de paiement à l’œuf pour cette même durée, notre investissement est sécurisé. Quant à la taille du bâtiment, elle a été réfléchie en prévision de la future installation de ma compagne ».

Ce nouvel atelier permet à la famille Charbonnel de diversifier l'exploitation qui a subi la tempête en 2019 et la grêle en 2020, avec un atelier qui n'est pas trop chronophage et qui ne nécessite pas l'emploi de main-d’œuvre. Il correspond aux attentes des trois agriculteurs qui ne souhaitaient pas augmenter la taille de l'exploitation.

Quant à Florian Odier, il a rejoint l'EARL de Juillet, en tant que chef d'exploitation en 2019, après avoir « testé » l'opportunité de son installation pendant quatre mois, de septembre à décembre 2018, durant la période de récolte et de conditionnement des noix. Sa reprise s'est faite sans mettre en œuvre de changement dans la conduite de l'exploitation, qui commercialise sa production de noix auprès d'un bureau de vente.

Risques climatiques et économiques

Pour l'instant, les deux jeunes nuciculteurs sont satisfaits de leur retour en agriculture qui leur permet de pouvoir être maîtres de leurs décisions. D'autant que leurs installations se sont bien déroulées. Forts de leur expérience, ils se réjouissent tous deux « d'être allés voir ailleurs avant de revenir ».

Et comme les risques climatiques et économiques sont importants dans la filière, ils incitent les jeunes à se montrer attentifs à leurs investissements. Ils recommandent également de faire attention à l'évolution des besoins en main-d’œuvre. Car, le remplacement des aînés qui donnent un « coup de main » n'est pas toujours aisé à mettre en place. « Lorsqu'on ne fait que de la noix, il est difficile d'embaucher un salarié à l'année. Et le recrutement pour la saison est aussi très compliqué », avancent-ils.

Par rapport aux opportunités apportées par la création de nouveaux ateliers, ils s'interrogent. Ce n'est pas facile à mettre en place. Certes, il existe des possibilités. Mais selon Clément Charbonnel, « les productions fonctionnent pendant deux ans, mais ne s'installent pas dans la durée. Pour se projeter, ce n'est pas évident ». Et certaines cultures nécessitent incontestablement de la main- d’œuvre qui n'est pas facile à trouver...

Isabelle Brenguier

 

« Au bon vouloir des cédants »

Foncier /  La bonne conjoncture nucicole de ces dernières années a favorisé la pression foncière et une augmentation des tarifs des parcelles et de la valeur marchande des exploitations. 

Le sujet de la valeur des exploitations nucicoles est complexe, car ces dernières années, elles ont pris beaucoup de valeur. Entre les bâtiments, le matériel et le foncier, les montants sont devenus importants et nécessitent pour les repreneurs potentiels de lourds investissements. Ainsi, nombreuses sont les exploitations nucicoles à se transmettre de générations en générations.

« Même si ce n'est pas systématiquement le cas, qu'il arrive que des repreneurs soient des tiers, cela l'est souvent », précise Anne-Caroline Mermet, conseillère transmission à la Chambre d'agriculture de l'Isère, à l'occasion d'une rencontre sur le thème de la transmission des exploitations nucicoles à Vinay. Alexandre Escoffier, lui-même producteur de noix à Beaulieu, et élu à la chambre d'agriculture, le reconnaît : « Les exploitations nucicoles sont devenues peu accessibles aux jeunes qui ne font pas partie du milieu. En dehors des transmissions père-fils, les installations vont être compliquées ».

Augmentation des tarifs des parcelles

« Quand il y a un hectare qui se libère, les candidats pour le reprendre sont nombreux et les enchères montent... », admet le responsable, qui ajoute : « Je pense que, de plus en plus, les reprises et transmissions se feront au bon vouloir des cédants, à savoir ce qu'ils priorisent entre une vente qui leur permet de compenser une faible retraite et l'opportunité d'installer un jeune ».

Pour autant, dans la salle, même si jeunes et moins jeunes regrettent la situation, personne ne la critique.

Contacté, Nicolas Agresti, directeur de la Safer de l'Isère, le reconnaît, les prix dans la vallée de l'Isère ont augmenté. Car, dans le cas où la vente est conclue entre le propriétaire de la parcelle et l'exploitant, la Safer n'a aucune capacité d'intervention, même si le prix est plus élevé que ce qu'il devrait être. Le problème est que ces acquisitions font évoluer le marché et finissent par faire référence.

IB