Quinzaine de l'installation et de la reprise
L'élevage bovin laitier recrute

Marianne Boilève
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Contrairement à ce que laisse supposer la conjoncture bovine laitière, ce secteur d'activité manque de main-d'oeuvre. Or un éleveur constamment surchargé de travail ne peut pas faire long feu. A Miribel-les-Echelles, chez Guillaume Vessard, l'installation d'un associé conditionne fortement l'avenir de l'exploitation. Témoignage à l'occasion de la quinzaine régionale de l'installation, qui s'est déroulée fin 2020..

L'élevage bovin laitier recrute
A Miribel-les-Echelles, chez Guillaume Vessard, l'installation d'un associé conditionne fortement l'avenir de l'exploitation.

« Dans la vallée des deux Guiers, en Chartreuse, il y a un potentiel de production laitière à sauvegarder », estime l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Adasea). Le problème, c'est que « la dynamique foncière ne favorise pas l'installation : les surfaces des personnes partant à la retraite vont à l'agrandissement de structures voisines », signale l'organisme.
Et même quand il y a un jeune pour prendre la suite, comme ce fut le cas il y a près de cinq ans à Miribel-les-Echelles, avec l'arrivée de Guillaume Vessard, la pérennité de la ferme n'est pas garantie.
Après s'être formé à La Côté-Saint-André et avoir travaillé un an pour le service de remplacement du Rhône, ce Berjallien d'origine projetait de s'installer avec un collègue éleveur. Ce dernier n'a pas voulu déplacer sa famille dans le pays d'Entre-Deux-Guiers, alors Guillaume Vessard s'est installé seul.
« Je ne pouvais pas laisser passer cette ferme bien pensée, et qui a du potentiel. En vente directe notamment, il y a peu d'offre et beaucoup de demande. Les gens viennent se renseigner sur la possibilité de nous acheter des produits sans que nous fassions aucune publicité », s'exclame l'éleveur.

Surcharge de travail

Mais, seul, Guillaume Vessard ne peut exploiter ce potentiel. Ses 36 laitières de race Montbéliarde nourries uniquement à l'herbe et produisant 240 000 litres de lait annuels l'occupent « dix à douze heures par jour, 365 jours par an ».
Il faut dire que ce jeune agriculteur n'est pas prêt à lésiner sur la qualité, ni à détériorer son environnement. « L'état de la nature que je laisserai derrière moi m'attire plus qu'une journée de travail limitée à sept heures, et le robot de traite n'entre pas du tout dans l'état d'esprit avec lequel j'exploite ma ferme. Il y a des points sur lesquels je suis prêt à m'adapter à la façon de faire d'un associé, mais il est clair qu'il ne faut pas laisser monter le niveau de germes et passer en B sur tous les critères examinés par la laiterie ». Car maintenir des exigences de qualité élevées, c'est aussi s'assurer un revenu.

Coopérative et vente directe

Comme beaucoup d'éleveurs, Guillaume Vessard en a bien besoin. Un an après son adhésion à la coopérative laitière des Entremonts, qui lui permet de mieux valoriser son lait, sa trésorerie commence tout juste à sortir du rouge où l'avaient plongé les frais de l'installation.
La vente directe de viande de génisses abattues au Fontanil en caissettes de dix kilos constitue un bon complément de l'atelier lait.
« Aujourd'hui, avec l'aide de ma femme, je parviens à en passer cinq par an. Mais nous pourrions en vendre bien plus en étant deux », souligne l'exploitant, qui montre aussi des signes de fatigue après cinq années passées à travailler d'arrache-pied.

L'installation d'un associé, un enjeu vital
C'est pourquoi, depuis 2017, Guillaume Vessard cherche à recruter un associé, ce qui n'est pas chose aisée, mais essentielle pour « garder la motivation en s'assurant une qualité de vie minimale : quelques week-ends (même s'ils commencent le samedi matin et finissent le dimanche après-midi), deux ou trois semaines de vacances par an, voire des soirées qui commenceraient plus tôt et permettraient de répondre, au moins une fois de temps en temps, à une invitation à prendre l'apéritif ».
Et puis, le jeune éleveur n'en parle pas, mais « porter l'exploitation à quatre épaules plutôt que deux » permettrait sans doute à son couple de reprendre son souffle, voire de projeter de fonder une famille, car son épouse ne souhaite pas abandonner son métier d'infirmière, difficilement compatible avec sa contribution importante aux travaux de la ferme.
« La charge de travail ne baisserait sans doute pas beaucoup avec l'arrivée d'un associé, dans la mesure où l'atelier viande se développerait et d'autres activités comme la transformation laitière ou l'accueil verraient peut-être le jour », reconnaît Guillaume Vessard.
L'installation d'un second exploitant n'en reste pas moins vitale pour cette ferme exploitée par un passionné, mais qui s'inquiète de voir que la plupart de ses voisins sont surchargés de travail et trouve « anormal que les paysans travaillent dans ces conditions ».

Aucun contact depuis deux ans

Si l'inscription au répertoire départemental à l'installation lui a permis de prendre une demie douzaine de contacts avec des associés, « depuis la dernière crise du lait, nous ne voyons plus personne », témoigne le jeune agriculteur. Alors, pour tenir en attendant, Guillaume Vessard étudie la possibilité d'embaucher un salarié à mi-temps.

Marianne Boilève