Phytosanitaire
La réduction des phytos progresse en région

Isabelle Doucet
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La platerforme de démonstration 30 000 Dephy Avenir, mise en place pour le 3 juin à La Verpillère, a permis de présenter les techniques expérimentées par les groupes du réseau Déphy pour la réduction de l'utilisation des proudits phytosanitaires en Auvergne-Rhône-Alpes.

La réduction des phytos progresse en région
De nombreux agriculteurs ont assisté sur la plateforme aux présentations des différents leviers agronomiques pour réduire l'utilisation des produits phytosanitaires.

Réduction des IFT, recherche de solutions alternatives, implication d’un nombre toujours plus importants de d’exploitations : à l’heure du bilan, le plan Ecophyto fait preuve de nombreuses avancées en région Auvergne-Rhône-Alpes.
C’est ce que visait à démontrer jeudi 3 juin la vaste plateforme 30 000 Déphy Avenir installée en Nord-Isère, à La Verpillère, déclinant les techniques mises en œuvre depuis dix ans. 
« Toutes les cultures, toutes les exploitations sont concernées », rappelle Gilbert Guignand, président de la chambre d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.
Il existe 24 réseaux Déphy en région rassemblant 300 fermes engagées volontairement dans une démarche de réduction des produits phytosanitaires en condition réelle de production, avec pour principe que cela n’affecte ni leurs marges, ni leur temps de travail. C’est le cas de la ferme de La Cabale à La Verpillère, exploitée par la famille Bouvier, qui recevait la manifestation.

Réduction d'un quart des IFT

« Ce plan a permis la réduction d’environ un quart des IFT (1), poursuit le président de la chambre régionale. Mais c’est le résultat qui compte. » Il souligne l’évolution du métier, la nécessité de garantir un avenir aux nouvelles générations, ainsi qu’un revenu.
Il plaide également pour le maintien des subventions dédiées au bulletin de santé du végétal (BSV), dont les agriculteurs ne peuvent se passer. 
Les derniers résultats régionaux, en date de février 2021, indiquent que la réduction des phytos (calculée en IFT(1)et enregistrée depuis les premières entrées dans le dispositif (en 2010) jusqu’à la campagne 2019) est de 28% en Aura (-26% en grandes cultures et -32% en polyculture-élevage).
Les systèmes les plus efficients sont ceux qui ont modifié leurs cultures et leurs rotations : leur IFT a baissé de 45% !

Triple performance

Jean-Claude Darlet, président de la chambre d’agriculture de l’Isère, insiste sur l’importance des expérimentations sur le terrain « pour montrer les efforts faits depuis plus de 10 ans ». Des efforts qui se traduisent « par une triple performance : économique, environnementale et sociétale ». 
Gilles Brenon, vice-président de la chambre d’agriculture de l’Ain, fait valoir « l’intérêt de vulgariser ces pratiques et d’essayer à grande échelle, ce qui ne peut se faire sans les agriculteurs. »
Il met l’accent sur la curiosité, la motivation et la recherche d’innovation de ces exploitants, qui diffusent bien au-delà des groupes Déphy. 
La liste des leviers agronomiques qui ont émergé au cours de ces années de recherches et d’expérimentations est longue et non exhaustive, des plus simples aux plus complexes.
La première des stratégies consiste à raisonner les interventions : réduction des doses en optimisant l’utilisation du pulvérisateur et traitements ciblés. Viennent ensuite les options d’évitement comme le fait de retarder les semis pour éviter les périodes de levée des adventices ou l’allongement de la rotation pour casser un cycle de bioagresseurs ou juguler la spécialisation des adventices. Les méthodes de lutte alternatives requièrent différents degrés de technicité. Cela va de la gestion des bandes enherbées, de l’utilisation de produits de biocontrôle existants ou de l’utilisation de variétés tolérantes à l’association de familles et d’espèces végétales différentes ou au désherbage mécanique plus lourd à mettre en œuvre. Les méthodes d’atténuation réclament aussi une réflexion de fond dans la conduite des cultures. Il s’agit de la mise en place d’un labour une année sur trois, de la réalisation de faux semis pour réduire le stock de graines ou encore l’installation d’intercultures dans la rotation pour étouffer les mauvaises herbes. Enfin, les exploitations peuvent aller jusqu’à la reconception de leur système : introduction de haies ou de bandes fleuries à l’intérieur d’une parcelle, de prairies temporaires dans la rotation pour nettoyer les sols et apporter de la matière organique ou encore diversification de la rotation avec alternance de cultures d’hiver, printemps, été pour casser le cycle des adventices. 

Appel à projet

A noter, le plan EcophytoII+ a lancé un nouvel appel à projet national en début d’année auxquels de nombreuses structures pilotes des groupes Déphy (chambres d’agricultures, organismes de recherche et de conseil) ont répondu. En général, les agriculteurs inscrits dans les groupes sont partants pour poursuivre leurs expérimentations. Les lauréats de l’appel à projet seront connus d’ici le 30 juin.  

Isabelle Doucet 

(1)           Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT)

Céréales / Des variétés d’orge tolérantes à la jaunisse
Yann Janin, de la chambre d'agriculture de l'Isère, présente la stratégie variétale pour lutter contre la JNO.

Céréales / Des variétés d’orge tolérantes à la jaunisse

La jaunisse de l’orge peut fortement impacter les rendements de la céréale. La recherche variétale représente une alternative à l’absence de traitement autorisé.


La recherche variétale s’inscrit dans la stratégie de lutte alternative. C’est le cas pour prévenir la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) qui est une virose transmise à l’automne par un puceron. Le blé tendre peut aussi, à une moindre échelle, être sensible à ce virus.
Sur l’orge d’hiver, les conséquences, qui se traduisent par un aspect « moutonné » ou un jaunissement du bout des feuilles au printemps, sont une perte de plantes ou d’épis.
« Jusqu’en 2018, le traitement de semence avait un effet sur la maladie »
, explique Yann Janin, conseiller à la chambre d’agriculture de l’Isère. Mais le retrait des produits à base d’imidaclopride (insecticide) en 2018 a rendu la lutte plus délicate. 

Reculer la date de semis

Une des stratégies mises en place peut être « le recul des dates de semis pour limiter le temps de cohabitation entre le puceron et la culture », détaille Yann Janin. Si elles sont à moduler en fonction des secteurs, les dates optimales de semis seront de toute façon comprises entre le 1er et le 20 octobre. 
Mais le levier génétique permet d’accéder aujourd’hui à un catalogue de variétés tolérantes, une dizaine en six rangs, plus rares en deux rangs. La disponibilité des semences limite cependant pour l’instant l’accès à ces nouvelles variétés. 
« L’environnement de la parcelle et le précédent jouent sur la pression », ajoute Thibault Rey, d’Arvalis.
Les graminées peuvent par exemple être un facteur de risque. 
Quant à l’orge brassicole, elle est aussi sujette à la JNO, ce qui peut être de nature à remettre en cause sa production en France. Cependant, signale Arvalis, certaines orges tolérantes sont désormais reconnues par les malteurs et les brasseurs. 

ID

Association /  Des plantes compagnes pour le colza
John Guillaume, des Etablissements Bernard, et Alexis Veniau, de Terres Inovia, présentent les plantes compagnes du colza.

Association / Des plantes compagnes pour le colza

Réduire les apports d’azote, limiter les adventices, agir sur les insectes : les plantes compagnes permettent de remplir plusieurs objectifs. 

Imaginées au départ pour favoriser la fertilité des sols, les plantes compagnes en culture de colza ont aussi démontré leurs bénéfices pour concurrencer les adventices et perturber les insectes. 11% des parcelles de colza d’Aura sont conduites avec des plantes compagnes (8% au niveau national).
« A chaque objectif correspond un mélange de plantes compagnes », avertit Alexis Verniau de Terres Inovia. La lentille et le fenugrec sont des légumineuses reconnues comme perturbatrices d’insectes. Le trèfle blanc nain jouera plus un rôle de plante concurrentielle.

L’implantation de la plante compagne se déroule en même temps que celle de la culture, mais la plante associée doit être gélive pour être détruite durant l’hiver. Le semis se fera à partir du 10 août. « L’intérêt de semer tôt est de faire de la biomasse et favorise la robustesse de la plante », poursuit le conseiller.
Il faudra en tous les cas que la parcelle soit prête à semer suffisamment tôt.

Une plante vigoureuse

Alexis Verniau présente quelques données : semer entre 5 et 600 g/m2 de plante associée permet d’économiser environ 30 unités d’azote, évite potentiellement un désherbage et va jusqu’à faire gagner un à deux traitements herbicides. « Ce qui peut représenter des économies de charges intéressantes », assure-t-il. 
Une plante vigoureuse, dotée d’un système de perturbation d’insectes supportera mieux par exemple les attaques de méligèthes au printemps. « Si la plante grandit, la larve atteindra moins le cœur et il y aura moins d’impact sur le rendement », explique le conseiller.
Il émet des réserves quant à l’utilisation de la vesce « qui a une croissance tardive et peut être concurrentielle à l’automne ». 
Enfin le conseiller fait observer que des siliques de colza jaunies indiquent leur sensibilité au gel, tandis que l’absence de silique témoigne du ravage des méligèthes.
Par ailleurs, « si la plante coude et craque, c’est que les charançons sont dans la tige ». Néanmoins, rassure Alexis Verniau, « il y a quand-même circulation de sève car les vaisseaux conducteurs sont sur la paroi de la tige. » 
Il conclut : « Les plantes compagnes sont à raisonner comme un ensemble qui suppose d’avoir une approche de la gestion du désherbage, de l’azote, de l’adaptation (utilisation de produits sélectifs pour les plantes associées) et de faire confiance à son couvert. »
S’il n’y a pas de miracle à attendre des plantes associées, en revanche, elles représentent « une sacrée aide » assure le conseiller.
Quant aux cours du colza, ils sont plutôt porteurs. 

ID

Innovation / Semis de soja sous couvert
En semis sous couvert, la culture est implantée sous le paillis.

 Le semis sous couvert sans herbicide est une technique nouvelle explorée par les chambres d’agriculture et l’école Isara.

Rapportée des Etats-Unis, la technique est connue en France depuis une dizaine d’années. L’école d’agronomie Isara-Lyon poursuit ses essais en région Aura avec l’appui des chambres d’agriculture. Comparé au désherbage mécanique, il s’agit là de ne rien faire, ou presque. 
Le semis (seigle et/ou triticale pour soja, féverole et/ou seigle pour maïs) est semé à la fin de l’été/début de l’automne. Il est roulé au printemps avec un rouleau cranteur qui blesse le couvert et permet de constituer le paillis.
La culture est alors semée avec un disque ouvreur en semis direct « et il ne passe plus rien jusqu’à la récolte », indique Joséphine Peige, de l’Isara.
Semer perpendiculairement
Cette technique est particulièrement réservée aux cultures de printemps salissantes.
Laetitia Masson, de la chambre d’agriculture de l’Isère, précise que le couvert est semé perpendiculairement à la culture pour éviter les bandes claires. Il est semé dense : 200 kg /ha, de même que le soja, car les pertes à l’arrivée sont de l’ordre de 30 à 40%.
Les pertes de rendement liées à cette pratique sont estimées à 8%. En revanche, le nombre de passages est divisé par deux et le temps de travail par deux tiers.
Le volume de biomasse attendu est de 8 tonnes, en deçà, la technique est moins intéressante. Enfin, elle se révèle être un bon système de gestion contre l’ambroisie. 

ID