Initiative
Les commerces multi-services reviennent dans les villages de Rhône-Alpes et de Bourgogne

Isabelle Brenguier
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La start-up « Comptoir de campagne » a déjà créé quatorze commerces multi-services dans des villages de Rhône-Alpes et Bourgogne. Son ambition : résorber la fracture territoriale en proposant un modèle économique qui se veut viable et durable. 

Les commerces multi-services reviennent dans les villages de Rhône-Alpes et de Bourgogne
Virginie Feltrin, la responsable du magasin, salariée de l'enseigne, se réjouit d'avoir quitté Grenoble pour venir travailler au « Comptoir » de Sainte-Blandine.

Voir rouvrir un commerce de proximité dans leur commune est certainement le souhait de nombreux élus ruraux. Mais trouver un candidat prêt à se lancer dans la création d’une épicerie, d’une boulangerie ou d’un bistrot reste un défi difficile à relever.

Pourtant des réponses existent. C’est ce que souhaite démontrer la toute jeune société « Comptoir de campagne ». Depuis 2016, elle a ouvert quatorze commerces d’un nouveau genre dans la Loire, Saône-et-Loire, Côte-d’Or, Isère, Rhône, Savoie et bientôt Drôme.

La start-up, basée à Villeurbanne (69), affiche trois ambitions : ramener des services de proximité dans les villages ; valoriser la production locale et artisanale tout en promouvant un mode de consommation plus durable ; enfin, créer du lien social.

Priorité aux produits locaux

« Le principe, c’est d’additionner les modèles économiques pour en faire un viable, explique Virginie Hils, présidente et fondatrice de Comptoir de campagne. Nous équilibrons grâce aux partenariats avec La Poste, la Française des jeux... La partie bistrot est aussi un élément clé avec une marge importante. »

Selon les besoins locaux, Comptoir de campagne propose également des locations de salle pour des professionnels tels qu’ostéopathe, esthéticienne, coiffeuse…

Côté épicerie, la priorité est donnée aux produits locaux. « Mais nous savons que s’approvisionner en circuits courts n’est pas toujours évident pour un commerce. C’est pourquoi nous avons mis en place une organisation par territoire, avec un chef de produit, salarié de « Comptoir de campagne » qui, en lien avec les producteurs et artisans, constitue le catalogue de produits et services », commente Virginie Hils.

La start-up cherche également à optimiser la logistique. « Les producteurs peuvent par exemple livrer sur un seul site et ensuite nous répartissons les produits, illustre la jeune femme. Aujourd’hui dans nos magasins, 80 à 85 % du chiffre d’affaires est réalisé avec des produits locaux ou localisés, c’est-à-dire que nous connaissons leur et leur mode de production ».

Appel à candidatures jusqu’au 30 juin 

Treize des quatorze comptoirs de campagne déjà ouverts son gérés en propre par la start-up qui salarie les gérants. L’objectif à présent est d’en développer de nouveaux sous forme de franchise. Forte de son expérience, la société veut désormais aider des commerçants à se lancer de façon indépendante.

« Dans ce type de commerce de proximité, il faut créer un lien fort avec le client. On y met son âme, son identité. Il est important d’être son propre patron », insiste la fondatrice. En face, il faut également des élus motivés pour porter un tel projet et mettre à disposition des locaux fonctionnels pour un commerce multi-services.

C’est pourquoi un appel à candidatures a été lancé jusqu’au 30 juin en Drôme, Isère et Savoie. Il s’adresse à la fois aux élus et porteurs de projet et cible des communes de plus de 700 habitants disposant d’une zone de chalandise de 2 000 habitants. « L’emplacement du futur comptoir est également stratégique, à la fois accessible à pied depuis le centre du village mais garantissant également un flux de véhicules », résume Virginie Hils.

La start-up s’engage à accompagner les communes dans l’étude de marché, l’organisation de réunions publiques avec la population pour adapter l’offre aux besoins… Les futurs franchisés bénéficient eux d’une formation de quatre semaines dans des comptoirs existants. Une fois ouvert, le magasin est visité une fois par mois pour vérifier le respect du « manuel de savoir-faire « Comptoir de campagne ». 

Sophie Sabot

Quand le comptoir fait vie
Annie Pivot et Joël Giraud sont des fidèles des lieux. Ils viennent régulièrement boire un café en semaine ou pour se retrouver avec des amis le week-end.
Vie rurale

Quand le comptoir fait vie

En peu de temps, le « Comptoir de campagne » de Sainte-Blandine, en Isère, dans les Vals du Dauphiné, s’est imposé comme commerce multi-services et comme lieu de vie. Détails d’un concept adapté.

Installé en plein cœur du village de Sainte-Blandine, juste derrière l'église et la mairie, l'enseigne « Comptoir de campagne » a trouvé sa place... et son public. Preuve en est, le nombre de clients qui s'enchaînent en ce jeudi après-midi du mois de mai. Qui pour un café. Qui pour des jeux à gratter. Qui pour du jambon et du fromage. Qui pour de la viande du producteur de la commune...

On peut tout trouver, ou presque. Des produits d'alimentation quotidienne issus des exploitations environnantes, du pain en provenance directe d'une boulangerie de La Tour-du-Pin, des cigarettes, du gaz, des cartes à gratter de la Française des jeux. Et même des pizzas. Car le petit commerce est équipé d'un four adapté permettant de cuire en deux minutes des pizzas réalisées avec une pâte artisanale. Et on a aussi accès à différents services tels qu'une cordonnerie, un pressing, une serrurerie, un relais colis.

Dans la commune qui a vu fermer sa petite épicerie il y a plus de 15 ans, le commerce est vite devenu indispensable.

Clientèle diversifiée

Mais le « Comptoir de campagne » est plus qu'un commerce multi-services pour la petite commune rurale de 1 023 habitants. Depuis qu'il a ouvert ses portes en novembre 2019, Sainte-Blandine dispose à nouveau d'un lieu de vie où les habitants peuvent se retrouver pour boire un café ou un verre, casser une petite croûte, assister à un concert ou participer à une « rencontre producteurs », ces petites manifestations que Virginie Feltrin, la responsable du magasin, salariée de l'enseigne, organise régulièrement quand elle met en vente un nouveau produit dans le magasin.

En fait, tous les prétextes sont bons pour venir au « Comptoir ». « Notre clientèle est très diversifiée. Nous avons tous les âges et tous les profils. C'est vraiment sympa », reconnaît Virginie Feltrin, qui a quitté son travail de manager dans une chaîne de fast-food et sa vie grenobloise pour travailler - et vivre – en milieu rural, séduite par le concept des « Comptoirs de campagne » proposée par Virginie Hills.

Et pour jouer jusqu'au bout la carte de l'animation de la commune, Virginie Feltrin poursuit ses animations jusque sur la toile. « Grâce à notre page Facebook sur laquelle nous sommes très actifs, nous organisons systématiquement un « événement » sur les réseaux en parallèle de nos actions en magasins. Et nous collaborons beaucoup avec les associations de Sainte-Blandine. Ils jouent le jeu en nous faisant travailler. Nous jouons le jeu en rognant sur notre marge pour réduire nos tarifs », indique la jeune femme.

Tisser des liens

Grâce à ses larges horaires d'ouverture (le commerce est même ouvert jusqu'à 21 heures le vendredi et le samedi soir), grâce à son espace d'accueil à l'intérieur et à l’extérieur, les lieux se présentent comme un espace de vie, qui a rapidement conquis les clients, vite devenus des habitués. « Je crois que nous avons joué un rôle important pour les habitants du village pendant les confinements. Même si cela ne faisait pas partie de nos attributions, nous avons livré des personnes qui ne pouvaient pas ou ne souhaitaient pas venir dans le magasin. Du coup, nous avons fidélisé notre clientèle... et tissé des liens ».

Installés dans les canapés de l'espace détente du commerce, Annie Pivot et Joël Giraud sont des fidèles des lieux. « Nous sommes une petite bande de copains. Nous venons régulièrement au « Comptoir » pour fêter nos anniversaires et profiter d'un apéro entre amis. C'est très convivial. Nous sommes contents d'avoir à nouveau un endroit pour nous réunir. Sans lui, nous serions malheureux. Et puis les filles (Virginie Feltrin et Lila Miguel, les deux salariées de la boutique, comme ils les appellent, ndlr) sont super ! », explique, enthousiaste, le couple.

Isabelle Brenguier