Salon des étangs
Pour une gestion raisonnée des étangs
Patrimoine naturel et exceptionnel les étangs étaient au cœur de toutes les attentions lors du salon national qui leur était dédié les 27 et 28 mai à La Côte-Saint-André.
L’Isère, le département aux 1 000 étangs, recevait fin mai le Salon des étangs à La Côte-Saint-André, réunissant propriétaires, collectivités et de nombreux scientifiques.
La gestion des étangs, au sein d’un réseau hydrographique, « est complexe et source de tensions », indique Quentin Choffel, docteur en géographie et cogérant du bureau d’études sur les milieux aquatiques Ecolimneau.
Il considère quatre aspects propres aux étangs sur cours d’eau : leur qualité vis-à-vis de leur température mais aussi de leur teneur en nitrate, phosphore et pesticides ; leur vidange et ses effets ; le cours d’eau du point de vue de sa biodiversité et enfin, leur gestion.
Le scientifique explique que les étangs, créés par l’homme, sont perçus de façon négative car susceptibles de perturber le cours d’eau.
« Ils sont vus comme une boîte noire, déclare-t-il. On ne sait pas ce qu’il y a à l’intérieur. »
Son cabinet s’est donc attaché à mesurer l’impact des plans d’eau. Il prévient : il n’y a pas de conclusions globales et beaucoup de cas particuliers.
Mais les scientifiques ont souhaité « montrer que les étangs ont souvent peu d’impacts, et pour beaucoup ont des impacts positifs ».
Atténuation des contaminants
À commencer par l’incidence thermique. Il est communément admis que la température de l’étang est de 2° supérieure à celle du cours d’eau. Seuls les premiers kilomètres aval sont concernés, rarement jusqu’à 10 km.
Mais thermomètre à l’appui, les équipes d'Ecolimneau ont constaté que ces températures ne s’additionnent pas sur une chaîne d’étangs !
Autrement dit, dix étangs à la suite, ce ne sont pas +20° pour le cours d’eau. Des phénomènes d’atténuation sont même observés.
Car dans un étang, en fonction de sa profondeur, de son exposition, du déversoir, les écarts de températures peuvent être significatifs. « Certains réchauffent, d’autres refroidissent », conclut Quentin Choffel.
Il s’est ensuite penché sur les pesticides, constatant « une vraie atténuation », comme l’attestent plusieurs études. Le phosphore et l’azote connaissent ces mêmes phénomènes d’atténuation.
« En zone agricole, les étangs ont un effet positif par atténuation des contaminants, par stockage et élimination. » La photolyse, c’est-à-dire la décomposition chimique par la lumière, est responsable de la disparition des polluants.
Petite crue
Le bureau d’études a également évalué les protocoles de vidange des étangs, les comparant à « une petite crue ». L’objectif était d’analyser la capacité de la vidange à modifier le cours d’eau à l’aval.
« Il faut sortir de l’idée d’opérer doucement pour ne pas faire de colmatage, mais plutôt faire une vidange pour nettoyer le cours d’eau et avoir un effet morphogène ».
Il estime que la vidange ne modifie pas la forme du cours d’eau, en améliore sa qualité ainsi que son faciès sédimentaire. Bref, un vrai nettoyage.
Bonde de vidange du XIIe siècle présentée au Salon des étangs à La Côte-Saint-André.
« Mais attention aux vidanges, les services de l’État n’aiment pas quand elles sont mal faites », met-il en garde.
En revanche, le scientifique reconnaît que l’impact sur la biodiversité n’a pas été mesuré.
Pour autant, le plan d’eau représente un soutien au système d’étiage, insiste-t-il, et a son important du point de vue écologique.
Enfin, Quentin Choffel plaide pour une gestion raisonnée, avec des impacts positifs qu’il convient de mieux valoriser et « des impacts négatifs qui ne sont pas une fatalité ».
Isabelle Doucet
Qui peuple les étangs ?
Joël Robin, enseignant chercheur à l’Isara Lyon, a passé beaucoup de temps entre prélèvements et analyses pour quantifier la biodiversité des étangs piscicoles. Il est parti de la plus petite espèce jusqu’à la plus grande, établissant une liste singulière.
- Phytoplancton (diatomées et Cie) : 15 à 90 espèces selon les étangs, 55 en moyenne.
- Plantes aquatiques : 0 à 29 espèces, 11 en moyenne, dont certaines sont menacées. « Mais un petit étang peut parfois se comparer à un lac en matière de biodiversité végétale », assure le chercheur.
- Invertébrés : 30 à 165 espèces, 82 en moyenne.
- Les libellules sont un cas particulier : 6 à 28 espèces, 14 en moyenne, certaines sont menacées au niveau européen.
- Les amphibiens, « parents pauvres de la biodiversité aquatiques », se font de plus en plus rares : 0 à 7 espèces par étang seulement, 4 en moyenne. « Ils ont été dézingués en 40 ans », constate Joël Robin. Certaines espèces de tritons, rainettes ou crapauds sont menacées au niveau européen.
- Les oiseaux : plus de 160 espèces en Auvergne-Rhône-Alpes, nicheuses ou de passage.
Pour conclure, le scientifique explique que tous les étangs sont différents et que « c’est le pool d’étangs qui fait la biodiversité ».
Il ajoute : « Nous avons le devoir de gérer et de choyer cette biodiversité car beaucoup trop d’espèces ont disparu. »
Il insiste sur le fait que conserver la biodiversité n’est pas contradictoire avec une intervention sur les étangs. « Un étang ne s’autogère pas, reprend-il. Il convient de le conserver en le gérant. »
Car 60 % des étangs ont disparu en Europe depuis le début du XXe siècle, qui sont autant de réserves de biodiversité.
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Une charte en Isère
En 2019, le conseil départemental de l’Isère a élaboré une charte pour « Maintenir, préserver et valoriser les étangs du Dauphiné ».
Ses objectifs : mise en valeur de l’existant ; maintien de la biodiversité ; pérennité des étangs ; développement de l’intérêt économique (pisciculture, pêche etc.) ; dynamisation des pratiques traditionnelles de gestion (vidanges, assec) dans le cadre réglementaire.
Peuvent bénéficier d’aides : les collectivités et les propriétaires privés d’étangs.
Le montant des aides est de 50 % par action avec un plafond d’aides cumulées de 15 000 euros.
Le Département a ainsi participé au financement de 43 diagnostics depuis 2020, 16 chantiers de rénovation et 11 sont encore à venir, pour une enveloppe de 178 000 euros en 2022.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes a quant à elle investi un million d’euros, plus particulièrement pour soutenir et développer la pisciculture.
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