Innovation
Paillage en élevage : pas de freins sur les plaquettes

Pour faire des économies, certains éleveurs substituent tout ou partie de la paille par des plaquettes issues du broyage de branches ou de haies. Une alternative simple et prometteuse.
Paillage en élevage : pas de freins sur les plaquettes

C'est la sécheresse et la flambée des cours l'an dernier qui ont conduit le Gaec des 13 Fontaines (Brézins) à imaginer une alternative à la paille. « On cherchait de la paille et on avait entendu parler des bons résultats de la litière en plaquettes, raconte Aurélien Jay. Comme on avait plein de branches de noyers, on s'est dit qu'il fallait essayer. On a fait venir une entreprise pour broyer les bois et on a utilisé les plaquettes en en mettant 50 cm direct sur l'aire bétonnée, à la place de la paille. »

Le paillage plaquette tient deux mois l'été et  évite de pailler tous les jours, selon Aurélien Jay, du Gaed des 13 Fontaines, à Brézins (Isère).

Testé sur les vaches taries et les génisses, le système a rapidement convaincu le jeune éleveur. « Au début, les vaches ont regardé et ne se sont pas trop couchées dessus, raconte-t-il. Mais elles se sont vite habituées. L'intérêt, c'est que la litière a une bonne portance et que les animaux sont toujours propres. C'est une autre conduite que l'aire paillée : ça tient deux mois l'été et ça évite de pailler tous les jours. »

Plus séchant que la paille

Un constat que partage Bruno Neyroud, éleveur laitier à Varacieux : « Cela fait 15 ans qu'on utilise de l'écorce de châtaignier. L'aspect litière est intéressant. C'est plus séchant que la paille. Et puis ça permet de faire des économies. » On estime qu'un paillage plaquette nécessite une couche de sept centimètres de plaquettes, à changer tous les 15 jours à trois semaines. Le Gaec des 13 Fontaines est passé pour sa part d'un paillage deux fois part jour à un paillage plaquettes par semaine (30 m3 de plaquettes remplaçant 25 à 30 bottes de paille). « C'est un gain de temps et une belle économie de gasoil », assure Aurélien Jay.

Absorption de l'humidité

Réputée pour sa forte capacité d'absorption de l'humidité, la litière en plaquettes peut être utilisée seule, en sous-couche d'une dizaine de centimètres (la paille ajoutée par dessus restant propre plus longtemps, le paillage se fait tous les deux jours) ou selon la technique dite du millefeuille (une couche de plaquettes, une couche de paille etc.). Pour mémoire, on estime que 4 m3 de plaquettes sèches équivalent à une tonne de paille.
Attention cependant à ce que le broyage soit suffisamment grossier (autour de 40 à 50 mm) pour que les morceaux ne se coincent pas dans les onglons. Il faut également s'assurer que les plaquettes soient déchiquetées au couteau, de façon à éviter les échardes.

Pour l'utiliser en litière, le broyat ne doit pas être trop fin, de façon à ne pas se coincer dans les onglons des animaux.

Peu poussiéreuses et peu fermentescibles, les plaquettes noircissent à l'usage et peuvent paraître sales. Ce n'est pas le cas, bien au contraire. Elles présentent d'ailleurs moins de risques de pathogènes. « J'en avais parlé avec le vétérinaire, car nous avions pas mal de problèmes de cellules avec les vaches taries, confie Aurélien Jay. Il m'avait répondu qu'il ne coûtait rien d'essayer. Jusqu'alors, nous n'arrivions pas à tenir la litière suffisamment propre. Du jour où on est passé en plaquette, ça a été réglé. Mais ce n'est pas dit que ça marche chez tout le monde. »

Moins de mammites

Selon les retours d'expérience récoltés par Robinson Stieven, technicien à la chambre d'agriculture de l'Isère, la température moyenne de la litière n'augmente pas. « La plaquette absorbe, mais elle reste plus stable qu'une aire paillée classique », précise-t-il. En élevage allaitant, on observe moins de mammites et de boiteries. Les bovins ne l'ingérant pas, il n'y a pas de risque d'occlusion intestinale. Le système n'a cependant pas encore été testé réellement sur vaches laitières. « Nous sommes restés en paille pour le moment, mais on va sûrement essayer à la belle saison l'an prochain », envisage Aurélien Jay.
Les plaquettes ont également été testées avec d'autres espèces. Des essais concluants ont été réalisés avec des ovins (en couches plus fines), des chevaux et des poules pondeuses. Chez ces dernières, les éleveurs ont constaté moins de picage et de dermatites.

La litière en plaquettes convient bien aux jeunes animaux.

Sur le plan agronomique, là aussi, le fumier de plaquette commence à faire ses preuves. Aussi riche en azote qu'un fumier de paille, il ne présente pas de problème au niveau du PH : le PH s'élève à 9,05 au Gaec des 13 Fontaines pour des fumiers de litières 100% noyer, contre 8,5 pour un fumier de vaches laitières pailleux. « Il y a un gros préjugé sur les plaquettes, sous prétexte que ça acidifierait les sols, déclare Bruno Neyroud. Moi, on m'avait dit de faire gaffe, mais j'ai fait analyser mon sol : je n'ai aucun de problème de PH ni de calcium. »

Débouché pour le bois

Un argument qui fait mouche auprès de Rémy Mallein, éleveur à Saint-Paul-d'Izeaux. « Ça me titille : j'ai envie d'essayer... Je suis en zone nitrate et je passe beaucoup de paille. Je songe à remplacer la paille par les plaquettes, d'autant qu'avec tout le bois que je dois évacuer cette année, ça me semble un bon débouché. » Avis aux nuciculteurs : ceux qui ont des vergers à débarrasser ont sans doute intérêt à se mettre en relation avec les éleveurs autour de chez eux...

Marianne Boilève

Production et utilisation des plaquettes

Broyer des bois issus d'arbres en sève ou en repos physiologique suppose des conduites différentes. « L'hiver, il suffit d'attendre trois mois et c'est sec, conseille Bruno Neyroud, éleveur à Varacieux et président de la Cuma Bois énergie du Dauphiné. Sur arbre feuillé, il faut couper, laisser les feuilles pour qu'elles vident l'arbre de sa sève et laisser tranquille jusqu'au printemps avant de broyer. »
Une fois les bois broyés, soit le broyat est sec et les plaquettes peuvent être utilisées rapidement ; soit il faut les laisser sécher quatre à six mois afin faire tomber l'humidité de 50 à 25 %. Les spécialistes préconisent de mettre le tas de plaquettes en cône de deux à trois mètre de haut et de le laisser tranquille, sans le remuer, le temps de la fermentation. Le tas va chauffer jusqu'à environ 70°C et laisser s'échapper de la vapeur d'eau.
Les plaquettes sèches pourront être utilisées en bâtiment ou en extérieur (dans les zones très piétinées ou sur les aires d'attente).