Chasse
Déclarer les dégâts pour mieux protéger ses cultures

Différentes espèces d’animaux sont à l’origine d’importants dommages dans les cultures. Leur classement comme « Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » permet une meilleure régulation. Mais il n’est possible que si les problèmes sont bien identifiés.
Déclarer les dégâts pour mieux protéger ses cultures

Le problème est récurrent. Chaque année, les semis et les plantations sont contrariés par certains animaux qui se servent directement dans les parcelles. Serge Bouvier, agriculteur à La Verpillère dans le nord-Isère, en sait quelque chose. Il fait les frais de la présence de milliers de corbeaux dans ses terres. « Cela fait une quinzaine d'années que le problème se pose. L'année dernière, sur les 170 hectares que j'avais semé, j'ai dû en ressemer 26 hectares lors d'un second passage et encore sept lors d'un troisième. Le préjudice financier est de 150 euros l'hectare de semence, sans compter le gasoil, les coûts de mécanisation et le temps passé », explique le céréalier.

Du côté de Vienne, ce sont les pigeons ramiers qui excèdent Olivier Ruf, céréalier aux Côtes-d'Arey. « Chaque année, au moment des semis, puis plus tard fin juillet-début août, nous avons des vols qui nous occasionnent d'importantes pertes, en particulier dans les parcelles de tournesol. A tel point que les producteurs se détournent de plus en plus de cette culture, ce qui entraîne une concentration encore plus forte de ces colombidés dans les quelques surfaces encore semées », se désole le cultivateur.
Si les dégâts occasionnés par les corbeaux et les pigeons sont importants, ce ne sont pas les seuls organismes à engendrer des pertes auprès des agriculteurs. Il y a aussi celles dues à d'autres espèces de corvidés, aux mustélidés, au renard, au sanglier, au ragondin ou au rat musqué ou encore au blaireau. La liste est longue mais pas exhaustive. Et toutes ne sont pas régies par le même statut.

500 000 euros de dégâts

Les dommages aux activités agricoles font partie des motifs pouvant conduire au classement de certains animaux en « Esod (Espèces susceptibles d'occasionner des dégâts) » (Sic !), les anciens « nuisibles ». Ce sont des bêtes qui sont chassées mais les classer ainsi permet d'étendre la période de prélèvement au-delà de l'ouverture de la chasse*.
Par exemple, le corbeau freux, à l'origine de nombreuses pertes agricoles, est une espèce chassée. Mais la partie la plus importante des dégâts qu'il cause a lieu pendant les semis, période durant laquelle la chasse est fermée. En étant classé Esod, il peut être tiré ou piégé, après l'obtention d'une autorisation préfectorale faisant suite à une demande motivée.

C'est la FDCI (Fédération départementale de chasse de l'Isère) qui est en charge de la constitution du dossier de classement des Esod qu'elle présente à l'administration qui prend les arrêtés nécessaires. Selon Sébastien Zimmermann, technicien à la FDCI, « les dommages causés par le corbeau freux ont été estimés, grâce aux travaux réalisés en concertation avec la chambre d'agriculture et le syndicat des producteurs de maïs semences, à plus de 500 000 euros. Cela justifie son classement ». Des données précises sont également fournies à la FDCI concernant les dégâts de la fouine et du renard, également recoonus Esod en Isère.
Mais dans le cas d'autres espèces comme la pie bavarde, le pigeon ramier ou le blaireau qui causent aussi d'importants problèmes dans le département, les données manquent. « Nous avons besoin des remontées du monde agricole. C'est vrai que la charge administrative des agriculteurs est très importante, mais sans déclaration de dégâts, nous sommes en difficulté pour défendre les dossiers. Ce sont ces éléments factuels qui permettent le classement en Esod. Sans eux, des espèces qui pourraient l'être ne le sont pas et d'autres qui le sont pourraient ne plus l'être à l'avenir », précise Alain Perrin, administrateur à la FDCI.

Niveaux acceptables

Les espèces susceptibles d'occasionner des dégâts sont répartis selon trois catégories, sous les responsabilités du ministre chargé de l'environnement et du préfet. A ce jour en Isère, sont classées Esod la fouine, le renard, le corbeau freux et la corneille noire (dans certaines communes du département), le ragondin, le rat musqué, la bernache du canada, le chien viverrin, le vison d'Amérique et le raton laveur, la tortue de Floride, le tamia de Sibérie, l'Ouette d'Égypte, et le cerf sika.
Le sanglier pourrait en faire partie au regard des dommages qu'ils causent, mais en Isère, sa période de chasse est déjà ample. Le classer Esod n'apparaît pas comme une solution pertinente pour résoudre les problèmes dus à l'accroissement de sa population.
Alain Perrin précise : « Le classement en Esod de certaines espèces est de permettre la régulation des animaux qui, en devenant trop nombreux, causent trop de dégâts. En aucun cas, il ne s'agit de les éliminer. Toutes les espèces sont utiles à la biodiversité, c'est leur surpopulation qui pose problème. C'est une question d'équilibre. Mais il y a des moments où il faut intervenir pour rétablir les populations à des niveaux acceptables pour l'activité humaine, mais aussi pour l'ensemble de la nature ».

Service mutuel

Pour le responsable, les bonnes relations et le dialogue entre les chasseurs et les agriculteurs sont essentiels. « Il faut que les chasseurs et les agriculteurs travaillent main dans la main, que les premiers soient à l'écoute des seconds. Les chasseurs doivent se déplacer quand il y a des dégâts et les agriculteurs doivent s'appuyer sur leur droit de propriété pour obtenir les autorisations de tirs ou de piégeages de ces animaux », souligne le chasseur. Car, hors période de chasse, ce sont les propriétaires des parcelles qui sont détenteurs du droit de destruction, ils peuvent donc soit se former (dans le cas du piégeage qui n'est pas une activité de chasse), soit déléguer ce droit aux personnes compétentes (piégeurs agréés, tireurs disposant d'une autorité spécifique ou gardes-chasse). Comme le précise Sébastien Zimmermann, « les interventions des chasseurs s'apparentent à des services rendus aux agriculteurs. Elles ne sont pas rétribuées ».

 

* Il peut s'agir de tir, de piégeage ou de déterrage, selon différentes modalités propres à chaque espèce, dans le respect de la réglementation et avec l'accord du propriétaire de la parcelle concernée.

Isabelle Brenguier
Insolite / Dans le territoire de la Bièvre, des goélands ont investi les cultures. La population augmente, le problème s'amplifie.

Des goélands dans les terres labourées

Depuis quelques années, Didier Perrin-Thoinin, céréalier à Rives, est contrarié par la présence de dizaines de goélands qui se pressent dans ses parcelles.
La déclaration suscite l'étonnement... Quand Didier Perrin-Thoinin, céréalier à Rives, évoque la présence de dizaines de goélands qui se pressent dans ses parcelles pour attraper les vers de terre, ses interlocuteurs cachent difficilement leur incrédulité. Mais photos à l'appui, le cultivateur a vite fait de convaincre les sceptiques. D'une trentaine certains jours à plus de 200 certains autres, les goélands sont bien là, même s'il est difficile de savoir d'où ils viennent. « Cela fait quatre ou cinq ans que chaque fois que j'interviens dans mes terres, ces oiseaux arrivent. Ils viennent quand je sors la charrue et quand je sème. C'est embêtant. D'une part, parce que les lombrics jouent un rôle très important pour la structure du sol et d'autre part, parce qu'ils picorent les semences», détaille Didier Perrin-Thoinin.
Le goéland étant une espèce protégée, les marges de manœuvre de l'agriculteur s'avèrent restreintes. « J'essaie de klaxonner mais ils reviennent aussitôt », témoigne-t-il. Du coup, il a alerté les autorités compétentes pour demander la possibilité d'effectuer des tirs d'effarouchement ou le classement de l'oiseau comme « Espèce susceptible d'occasionner des dégâts ». Soutenu par la FDSEA, il a déjà alerté président de la société de chasse du secteur et le lieutenant de louveterie de Rives qui doit faire part du problème à la DDT. Affaire à suivre.
IB

 

Le corbeau freux (Corvus frugilegus)

 

Crédit photo : ©Gest
Le corbeau freux (Corvus frugilegus)fait partie de la famille des corvidés.

 

Le corbeau freux est un oiseau de taille moyenne qui dispose d'une envergure de 90 cm. Son pelage est noir avec des reflets pourpres. Sa face se dénude et devient blanche avec l'âge. Le corbeau freux vit dans les terres arables. Il niche en colonies de quelques dizaines de couples, jusqu'à mille. Il appartient à la catégorie 2 des « Espèces susceptibles d'occasionner des dégâts » en raison des préjudices qu'il occasionne durant la période des semis de printemps. Il peut être chassé quand la chasse est ouverte, et quand celle-ci est fermée, il peut être tiré ou piégé (sous conditions et autorisations préfectorales).

 

Le pigeon ramier (Columba palumbus)

 

Crédit photo : ©Gest 
Le pigeon ramier (Columba palumbus)fait partie de la famille des colombidés.


Le pigeon ramier est un grand pigeon qui mesure 45 centimètres et dispose d'une envergure de 75 à 80 centimètres. Sa silhouette allongée est caractéristique. Une grande marque blanche orne la base de son cou de chaque côté et, en vol, une bande blanche coupe l'aile en son milieu.
Sa population est en augmentation dans de nombreux départements. En Isère, c'est une espèce chassable qui n'est, à ce jour, pas considérée comme Esod.

 

Le cas du blaireau (Meles meles)

Crédit photo : ©Gest
Le blaireau (Meles meles) fait partie de la famille des mustélidés.
Le blaireau est un animal au pelage gris, à forme lourde et à pattes robustes terminées par de fortes griffes. Sa tête est blanche et massive et comporte deux raies noires caractéristiques. Il mesure 90 cm et pèse entre 6 et 20 Kg. Il s'accommode de biotopes très variés et vit essentiellement la nuit. Il a une longévité de 10 à 15 ans et vit dans des terriers aménagés tout au long de l'année et utilisés de génération en génération par une même famille.
Les dégâts occasionnés par le blaireau sont considérables, comparables à ceux des sangliers. Pour autant, il n'est pas classé comme « Espèce susceptible d'occasionner des dégâts ». C'est un animal chassable mais son prélèvement est rendu difficile par ses mœurs nocturnes. En cas de dégâts, il faut s'adresser à la préfecture qui mandatera un de ses représentants – un louvetier – qui pourra faire constater les dégâts et prendre un arrêté de destruction. Si aucun louvetier n'est disponible pour effectuer un tir, la mission sera déléguée, par dérogation, à un piégeur.
Pour accompagner l'argumentaire des chasseurs, il est nécessaire de faire remonter à la FDCI tous les éléments liés à la présence de blaireaux dans les territoires.
IB

 

Une enquête pour recenser les dégâts des petits prédateurs et déprédateurs

Selon Hubert Avril, exploitant agricole à Arzay, dans le nord-Isère, qui suit le dossier pour la FDSEA, « le contexte économique est déjà difficile pour les agriculteurs, qu'ils subissent aussi les problèmes liés aux dégâts des animaux devient intolérable. Il y a des espèces implantées dans certains territoires qui sont très pénalisantes. Nous ne pouvons pas assumer tous ces dégâts. Il faut arriver à les cibler. Il faut que les personnes concernées aient la possibilité de faire réguler les animaux qui posent problème pour protéger leurs productions ».
Pour permettre l'argumentation nécessaire au classement des animaux en « Espèces susceptibles d'occasionner des dégâts », la FDSEA de l'Isère a élaboré un questionnaire permettant le recensement des problèmes. Elle vous invite à le lui retourner.

IB