L’actu vue par Alain Franco, président de l’Université inter-âges du Dauphiné.
« La proximité, le bon moyen de lutter contre la fracture numérique »

Isabelle Brenguier
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« La proximité, le bon moyen de lutter contre la fracture numérique »
Crédit photo : UIAD Alain Franco est le président de l'Université Inter-âge du Dauphiné.

De quoi parle-t-on quand on parle d’illectronisme ? 

Ce terme renvoie à la fracture numérique qui concerne de nombreux français et en particulier de nombreuses personnes âgées. Le chiffre exact est difficile à estimer, car il comporte différentes catégories, entre ceux qui n’ont jamais touché à un ordinateur ou à un téléphone mobile et ceux qui souffrent de ne pas savoir faire leur déclaration d’impôts sur Internet mais qui savent utiliser Zoom pour faire une visioconférence. Concrètement, les personnes confrontées à l’illectronisme ne sont plus en phase avec la société, qui a transféré ces canaux d’informations. Certes, elles lisent le journal, écoutent la radio, regardent la télévision. Mais elles ne sont pas dans les réseaux sociaux, ni dans ceux de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Elles peuvent vivre comme cela mais cette situation renforce leur isolement.

Comment se manifeste cette fracture numérique ?

Elle comporte trois niveaux. Il y a le premier niveau qui concerne l’accès au matériel et aux réseaux de branchement indispensable à son utilisation. Il y a le second qui fait référence aux savoir-faire. Et le dernier qui nécessite la connaissance du jargon et du langage des administrations qui digitalisent leur accès. A chacun de ces niveaux, il est nécessaire de mettre en œuvre des soutiens pour favoriser l’inclusion numérique de tous les citoyens.

Qui peut contribuer à sa lutte ?

En premier lieu, le rôle de l’entourage familial est très important car il faut que les personnes sans connaissances numériques soient accompagnées dans leur approche par des gens désintéressés. Mais certains apprentissages devront sûrement passer par la formation. Ce que je souhaite, c’est que toutes les personnes âgées soient en mesure d’envoyer des mails et des SMS. S’agissant de la navigation sur Internet, qui est un enjeu fort, et en particulier de l’utilisation des sites des administrations, il est indispensable qu’elles soient aidées dans leurs démarches. Mais cette aide doit provenir de personnes de confiance. Sur ce sujet, la question de l’aidant numérique, de son statut et de sa responsabilité n’est pas résolue. Il le faudrait, car leur action peut s’avérer très intéressante. Je pense qu’un débat à l’Assemblée nationale et un texte législatif qui encadre ce travail va devenir indispensable.

Quel est le bon niveau pour vaincre la fracture numérique ? Est-ce que certaines initiatives sont plus adaptées que d’autres ?

Pour moi, la lutte contre la fracture numérique passe par une lutte individuelle, avec pour chaque personne, une solution adaptée. C’est pourquoi, je pense que toutes les actions mises en œuvre présentent un intérêt. Si tous les politiques doivent absolument s’emparer de ce sujet, je pense que l’échelon communal est certainement le plus adapté, car c’est celui qui peut rassembler toutes les initiatives locales. Les associations peuvent également jouer un rôle très important, car elles aussi sont dans la proximité.

Et en milieu rural, comment analysez-vous la situation ?

La ruralité a des atouts pour lutter contre la fracture numérique. Grâce à la proximité, grâce à la prise de conscience qu’il faut se débrouiller par soi-même, grâce à une très bonne couverture numérique chez les jeunes capables d’aider les anciens, grâce au fait qu’on est beaucoup moins anonyme à la campagne qu’en ville, je suis assez optimiste sur les opportunités du monde rural à se saisir de la question numérique.

Propos recueillis par Isabelle Brenguier