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Étudier le passé avec les calottes glaciaires

Situé sur le campus de Saint-Martin-d'Hères, l'Institut des Géosciences et de l'Environnement a ouvert ses portes début juillet aux élus de la métropole et de la municipalité. L'occasion de découvrir les installations de ce lieu aux multiples facettes.

Étudier le passé avec les calottes glaciaires

L'Institut des Géosciences et de l'Environnement (IGE) est né en janvier 2017, de la fusion entre le Laboratoire d’étude des transferts en hydrologie et environnement (LTHE) et le Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement. Son rôle est d'étudier le climat, le cycle de l'eau, les environnements naturels et anthropisés. L'anthropisation se définit par la transformation d'espaces, de milieux naturels ou de paysages par l'action de l'humain. En moyenne, l'effectif du laboratoire est composé d'environ 270 personnes. Cela comprend 155 membres permanents dont des chercheurs, des ingénieurs, techniciens, du personnel administratif et 120 doctorants.

Les élus de la Métro en visite à l'IGELes élus de la Métro en visite à l'Institut des géosciences et de l'environnement début juillet.

 


L'IGE se concentre sur les régions où les enjeux sociétaux et environnementaux sont les plus prégnants. Ce sont les régions polaires, la zone intertropicale et les régions de montagne. Quatre grandes thématiques sont traitées par le laboratoire. La partie glaciologie étudie tout type de glace, que soit des grosses calottes polaires ou des glaciers de montagne. « Tout cela est en rapport avec la ressource en eau et la montée du niveau des mers », explique Delphine Six, directrice adjointe de l'IGE. La branche hydrologie s'occupe du comportement des rivières et des nappes phréatiques. La partie atmosphère mesure la qualité de l'air et une dernière section travaille sur les modèles de simulation des océans.

Les carottes renferment des secrets

Les calottes glaciaires de l'Antarctique sont des archives exceptionnelles car cela permet d'avoir un échantillon de l'atmosphère du passé. Elles sont récupérées à 3 kilomètres de profondeur. La glace date de la période du quaternaire, soit plus de 800.000 ans. « C'est très court à l'échelle de la planète », contextualise Delphine Six. « Sur le terrain, en phase de forage, le travail est fait 24 heures sur 24 pendant deux mois et demi, soit la période de l'été austral », précise-t-elle.

La glace est stockée dans les hangars frigorifiques dans la banlieue de Grenoble. Avec le plateau Panda (Plateau Analytique Dédié aux Archives glaciaires), l'institut est capable de mesurer des contenus spécifiques dans l'eau et dans le gaz en fondant des échantillons de glace. Il analyse la composition chimique et isotopique de la glace, de l’air piégé à l'intérieur et des poussières. Ces données permettent aux scientifiques de reconstituer le climat, les températures et la composition de l'atmosphère des siècles passés.

Dans le futur, il y aura neuf chambres froides indépendantes au sein de l'IGE. Un investissement de 550.000 euros a rendu ces travaux possibles. Il a été en partie financé par l'Université Grenoble Alpes, qui a contribué à hauteur de 300.000 euros. Ces équipements sont destinés aux chercheurs des universités.

Simulations en haute définition

L'IGE a récemment fait l'acquisition d'une salle de virtualisation. Elle a été livrée et intégrée en janvier 2021. Trois grands projets de simulation numérique en haute définition ont été lancés. Une équipe étudie la distribution des nappes phréatiques en Afrique de l'Ouest. Il y a un travail sur les ressources en eau car seulement 1 % de l'eau utilisée en agriculture provient des nappes. L'institut tente de prévoir les conséquences sur les aquifères en admettant une captation de 10 ou 15 % de l'eau des nappes phréatiques par l'agriculture.

Le nord de l'océan Atlantique est observé par des missions satellites. Il s'agit de représenter les courants marins grâce à une simulation de la surface de l'océan. L'IGE met également au point sur des simulations de vitesse d'écoulement des glaciers. Ces informations sont importantes car elles permettent de prévoir a minima le futur de l'écoulement des glaciers. Elles sont recueillies grâce à une quantité massive de données satellites. La carte obtenue par la simulation est inédite. Elle contribue à connaître l'évolution des ressources en eau pour les bassins versants. L'évolution de la fonte des glaciers concerne à long terme les agriculteurs car cela a une incidence sur la contribution en eau dans les rivières.

La glace, un patrimoine à préserver

La plupart des glaciers à travers le monde perdent du volume en raison du réchauffement climatique. Sur le massif du mont Blanc, le glacier d'Argentière pourrait disparaître en 2080 et la Mer de Glacer en 2100 d'après un scénario moyen. Initié à Grenoble en 2014, le projet international Ice Memory cherche à documenter et sauvegarder des calottes de glaciers menacés sur des sites particuliers . Il y a le col du Dôme au mont Blanc, Illimani en Bolivie, Elbrouz au Caucase, Kilimandjaro en Tanzanie et Mera au Népal.

La glace disparaît de plus en plus avec les informations qui vont avec. L'idée derrière ce projet est de stocker la glace pour constituer des archives à destination des générations futures. De nouvelles technologies seront mises au point pour détecter de nouvelles informations utiles dans les calottes. La glace sera transportée et conservée en Antarctique, le plus gros congélateur naturel de la planète.

Walid Memdouhi